Au micro de Pascale Marcaggi, Damiano Gervasi, pêcheur sur l’île de Lampédusa, une île frontière entre l’Afrique et l’Europe, nous livre un témoignage sur la façon dont les habitants de cette petite île de pêcheurs accueillent les migrants qui arrivent par la mer. Ci-après, quelques extraits d’un débat qui mérite votre écoute attentive :
« Nous tous, Italiens, avons essayé d’émigrer après la guerre et ces mouvements migratoires étaient même encouragés. Pourquoi cela a changé ? Personne n’a envie de quitter son pays natal dans des conditions extrêmes, à moins d’être affamé parce que la pêche, les mines ou les richesses ont été détruites. Et quand ils viennent ici, on ne les veut pas… La planète appartient aux hommes et aux animaux et pas plus à certains qu’à d’autres, il nous faut seulement apprendre à gérer cet espace…
Je n’arrive pas à comprendre pourquoi, alors que nous avons accueilli plus de 400.000 personnes en 20 ans sur 24 km², avec une ville de 5 000 habitants, le monde, aussi grand, n’arrive pas à accueillir ces personnes…
Cet été 2011, suite à la chute du gouvernement tunisien, des prisonniers ont été libérés et on s’est senti trompé par le gouvernement italien et la Communauté Européenne qui ne voulait pas soutenir financièrement cet afflux de personnes. L’île a été saturée totalement pendant 2 mois avec l’arrivée de 15 000 Tunisiens, pour la plupart sortis des prisons. On s’est retrouvé dans un contexte dangereux. Ils ont essayé à 5 000 de faire sauter les pompes à essence pour protester parce qu’ils étaient bloqués sur l’île. Je vous laisse deviner les problèmes d’hygiène… On a donné du savon, des serviettes, à manger, à boire et on a reçu en retour des menaces et des insultes. 6 000 CRS faisaient parade mais ne s’occupaient pas des immigrés. Des gens comme moi ont pris les plus jeunes pour les enlever des lieux de violence. Voilà comment on arrive à faire souffrir un petit peuple pour des enjeux financiers. Quand la Communauté Européenne a donné de l’argent, en 2 semaines, tout le monde était évacué… »
Parlant de l’immense désespérance des jeunes sénégalais, Alain Le Sann, Président du Festival Pêcheurs du monde, et Secrétaire du Collectif Pêche et Développement, conclue : « Les pêcheurs sont souvent au cœur des migrations car ils maitrisent la mer… »
Pour écouter le débat :Débat sur Lampédusa
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