C’est parti pour essayer de t’expliquer ce qui me tient le plus à coeur dans ce domaine de la langoustine côtière. Mon point de vue puisque tu aimes bien mêler l’intuition, la culture, la raison… et bien, c’est évidemment pas seulement raisonnable. C’est en fait que je suis né ici, à Larvor-Loctudy dans le pays bigouden. Mes grands-pères pratiquaient déjà la pêche et mon père a pratiqué toute sa vie cette pêche à la langoustine. Dès mon plus jeune âge, j’ai baigné dans cette atmosphère où nous parlions de la pêche de la langoustine – pratiquement nuit et jour – puisque c’est elle qui a permis à mes parents d’acheter un bateau, une maison, une voiture, d’élever leur famille, de mettre un peu d’argent de côté, partant d’une situation d’après-guerre qui était absolument catastrophique… dans le secteur.
Très concrètement, je sens bien dans tout mon être ce que cette « langoustine ‘, a apporté chez moi et dans mon environnement. Il faut bien savoir que toute la rue, tout le secteur dépendait de cette langoustine. Donc j’ai vécu depuis que je suis né, avec cette espèce. J’ai connu ses tribulations. J’ai connu les problèmes que mon père pouvait avoir lorsqu’elle ne répondait pas « présent ‘. Je sais qu’il a du avec son petit bateau de 14m50 venir pêcher dans les îles autour de l’Irlande, dans les années soixante, parce que dans le Golfe il n’y avait plus de langoustines « pêchables ‘… Elle a toujours été pêchée au chalutage, avant guerre avec des bateaux à voile et avec des moteurs très peu puissants au départ. Le Pen ar ben qui était le bateau de mon père – ce qui veut dire : le bout du monde – avait un moteur de 80 cv, puis un moteur de 120 cv et un moteur de 160 cv. Ce qui est faible par rapport à aujourd’hui où la moyenne est plutôt le double, seulement le double. En Méditerranée, pour la pêche côtière, c’est le triple au moins. Ici, c’est 300-350 cv.
Cette histoire a continué à travers mes frères. J’aurais pu le faire mais à l’époque il n’y avait pas de remède à la myopie et il était impossible d’être patron-pêcheur et myope… De mes 12-13 ans jusqu’à mes 20 ans, j’allais en mer l’été – pendant un mois, un mois et demi, deux mois parfois – à la fois pour soulager ma mère qui pendant ce temps-là ne m’avait pas sur le dos, et pour que mon père m’apprenne deux ou trois bricoles bien sà’r, et que je voie la vraie vie…
Maintenant les conditions ont bien changé. Quoiqu’à l’époque ces bateaux qui sont vieux aujourd’hui étaient neufs. Ils étaient quand même relativement confortables. C’est difficile de comparer. Il faudrait comparer des bateaux neufs d’avant avec des bateaux neufs d’aujourd’hui.
Donc, première chose, ça me tient à coeur parce que, dans toutes mes fibres, il y a de la langoustine qui se promène !