La saumon est devenu tellement basique dans notre alimentation que rares sont les buffets – y compris dans les réunions du Grenelles de la mer – qui n’en proposent pas. Qu’y a t-il derrière ces élevages industriels intensifs ?
Regardez cet extrait de film concernant l’élevage intensif au Chili et ses conséquences économiques, environnementales, sanitaires, sociales, culturelles, humaines…
Les réflexions de plusieurs ONG présentes sur le terrain nous interpellent sur les choix de production qui transforment radicalement nos modes de vie en mettant en péril notre environnement. Elles proposent d’agir, notamment par la communication et par nos choix de consommation.
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Pour en savoir plus :
– Rubrique « Saumon » dans Aquablog, Regard sur la pêche et l’aquaculture
– Le poisson d’élevage fait des remous en Norvège
« Dans certains domaines, les problèmes sont si graves qu’on ne peut pas certifier que l’activité est viable écologiquement », affirme Geir Lasse Taranger, scientifique à l’Institut de recherche marine de Bergen (ouest).
« Nous devrions ralentir l’expansion du secteur et nous assurer que tous les problèmes sont sous contrôle », ajoute-t-il.
De telles concentrations de poissons favorisent la diffusion de maladies et de parasites aux effets dévastateurs, tel le Lepeophtheirus salmonis, un pou qui s’attaque à la peau et aux muqueuses.
Au Chili, l’autre grand pays du saumon d’élevage, un virus a fait chuter la production de moitié cette année et mis plus de 20.000 travailleurs au chômage, selon l’ONG Campagne internationale pour un saumon pur.
Le problème n’est pas circonscrit aux seules fermes. Affichant une furieuse tendance à se faire la belle, les poissons d’élevage contaminent leurs cousins sauvages, dont ils appauvrissent par ailleurs le patrimoine génétique.
« Le génotype sauvage finira par disparaître s’il y a trop de fugues », estime M. Taranger.
Un temps dépassés par les fuites massives de saumons qui ont culminé en 2006 avec 920.000 évasions, les professionnels ont pris le problème à bras-le-corps. Inspections des filets par des plongeurs et contrôles par caméras ont permis de ramener ce nombre à 100.000 l’an dernier.
Mais leurs ennuis ne s’arrêtent pas là . Leurs pratiques concernant l’alimentation des poissons les placent aussi dans le collimateur.
Un récent documentaire suédois a fait des remous en Scandinavie en accusant les pisciculteurs norvégiens de vider les océans. Pour produire un kilo de poisson d’élevage, il faut en effet l’équivalent de 2,5 kilos de poisson sauvage en nutriments (farine et huile).
Les éleveurs, qui ont produit un peu plus de 800.000 tonnes de poisson l’an dernier, ont ainsi consommé 2 millions de tonnes de poisson sauvage…
– Sous les pavés de saumon, une ville chilienne au chômage
« Depuis 2007, les élevages chiliens ont été touchés par des épidémies du virus AIS (anémie infectieuse du saumon) comme l’ont été la Norvège, l’Ecosse et le Canada auparavant. Ce virus, fatal et contagieux pour le saumon Atlantique, a décimé les élevages et fait baisser brutalement le rendement des fermes. En parallèle, le Chili n’a pas dérogé au débarquement médiatique de l’effrayante crise économique mondiale. C’est dans ce contexte que les multinationales salmonicoles se sont permis de licencier sans préavis près de 2000 Chiliens dans la région de Quellon depuis mars dernier.
Dans la ville déprimée, bars pleins mais poches vides, le moral n’y est pas. C’est alors qu’arrive la « marée rouge », cette bactérie qui rend les fruits de mers impropres à la consommation, à la fin du mois de mars. Les pêcheurs traditionnels se retrouvent donc également au chômage et la frustration des habitants monte. Mais d’où vient cette « marée rouge » ? Les fermes à saumons controversées sont pointées du doigt et le doute se renforce sur la pollution qu’elles peuvent engendrer. L’injustice de la situation provoque des réactions de plus en plus violentes dans la région et le 3 mai, les bureaux d’une des usines qui a licencié (SalmonChile) sont incendiés volontairement par un « comité autonome ». C’est lorsque qu’une étude établit, mi mai, que la bactérie de la marée rouge a bien été introduite dans les fjords de Quellon par les bateaux en transit des entreprises salmonicoles que la goutte fait déborder le port. Une semaine plus tard, une marche extraordinaire des citoyens se met en branle et bloque la panaméricaine… »
– A propos de notre consommation « saumon d’élevage » :
Alors que nos boudons les produits de nos pêches artisanales locales, celles qui ont les meilleurs atouts pour être durables, notre consommation de saumons d’élevage, la plus importante en Europe, augmente :
Le saumon de Norvège nargue les pêcheurs français
« Alors que les pêcheurs français sont confrontés à une mévente sans pareil depuis les fêtes de fin d’année, les poussant à brader leurs produits ou à se lancer dans le vente au détail comme dans certains ports, et que les frigos se remplissent de poissons congelés, la commercialisation de saumon frais de Norvège les deux premiers mois de l’année 2009 a augmenté de 6.4 % en quantité, passant de 17 481 tonnes pour la même période en 2008 à 18 599 tonnes en 2009. Le prix du saumon d’élevage a même augmenté de 0,3 euro le kilo. Par contre en criée, le prix du poisson sauvage a baissé de près de 10 à 30 % selon les espèces !
Les exportations norvégiennes de saumon toutes destinations confondues se sont élevées à 336 millions d’euros lors des deux premiers mois de l’année 2009 soit une augmentation de 38 millions par rapport à l’année passée. La France, la Pologne et la Suède sont les trois marchés en progression alors que le Royaume-Uni et Danemark sont en diminution.
Le saumon de Norvège profite du malheur des autres
En Ecosse et surtout au Chili, le virus isa, en Colombie Britannique, l’opposition de plus en plus forte de la société civile contre la salmoniculture industrielle, vont permettre au saumon de Norvège de renforcer sa position dominante au niveau mondial. D’une part, l’augmentation des prix avec la baisse de l’offre » la production chilienne va plonger de près de 50% en 2009 soit plus de 200 000 tonnes de saumon en moins sur le marché international » et d’autre part, l’ouverture de nouveaux marchés laissés vacants par le deuxième producteur mondial. En ce moment, le saumon de Norvège fait sa «Promo’ dans le plus grand salon des produits de la mer nord-américain à Boston.
Quant aux multinationales norvégiennes, Marine Harvest, Cermaq, Grieg Seafood et Leroy ASA, qui monopolisent plus de la moitié de la production salmonicole mondiale, elles jouent sur les deux tableaux ; elles tirent des profits à partir de leurs bases arrières norvégiennes d’un côté, et elles font face à des pertes dans leurs bases avancées du Chili et d’Ecosse de l’autre côté ! «