Vendredi et samedi, le collectif Pêche et développement organise la journée mondiale des pêcheurs. Au menu: gestion de la ressource et politique commune des pêches. Le point avec Alain Le Sann.
Vendredi et samedi, se déroulent à Lorient les journées mondiales des pêcheurs. De quoi s’agit-il?
L’idée est née le 21novembre 1997 à New Delhi, il s’agissait de donner une lisibilité publique aux réalités de la pêche. Depuis, certains pays ont décidé d’officialiser cette date, c’est le cas aux états-Unis ou au Sénégal. En France, c’est le collectif Pêche et développement qui organise des rencontres.
Quel est le thème de cette année?
Le débat va tourner autour des mesures prises dans le cadre de la politique commune des pêches. Trois types de discours dominent actuellement: 1. Les pêcheurs ne sont pas capables d’être de bons gestionnaires, car ils ne respectent pas les décisions prises; 2.Dans le même temps, les environnementalistes tiennent un discours catastrophiste qui décrédibilise la capacité des pêcheurs à être responsables; 3.Enfin, certains scientifiques disent que les pêcheurs sont des voleurs et que ce sont eux, chercheurs, qui ont la vérité.
Quelle est votre position au sein du collectif?
Nous, on veut renverser la tendance. Il faut un minimum faire confiance aux pêcheurs, ils connaissent le terrain. Ils sont capables de trouver des solutions comme pour la coquille Saint-Jacques ou la langoustine. Certes cela ne se fait pas naturellement, il faut une démarche collective qui réclame des moyens et prend du temps. Cela ne veut pas dire que l’on doit mettre les scientifiques hors jeu, mais on ne peut pas non plus leur donner les pleins pouvoirs. La mer est quelque chose d’imprévisible et de complexe.
Quel regard portez-vous sur le discours de certains écologistes, purs et durs?
Ils ont parfois un discours simplificateur qui porte uniquement sur la ressource. D’ailleurs, ils utilisent des images, quitte à les manipuler, pour faire passer leur message. Mais le problème est plus compliqué, il englobe des notions de marchés, sans oublier l’aspect humain des choses. Même si les écologistes doivent participer au débat, il n’est pas normal qu’ils interviennent à travers des oukases. Il faut construire le dialogue, comme cela a été fait avec WWF pour la pêche à la langoustine.
Parmi vos invités interviendra, samedi, Menakhem Ben-Yami (*), un chercheur israélien,
quel est son discours?
D’abord il explique qu’il faut arrêter de croire que les scientifiques ont la solution; il faut reconnaître les pêcheurs comme experts. Deuxièmement, il estime qu’il faut bannir les logiques de marché. Ensuite, il dit que l’on ne peut pas gérer la ressource qu’à travers des notions de quotas. Ilpréfère parler d’effort de pêche. Il critique aussi la sélectivité. Pour lui, on se focalise sur la protection des juvéniles. Ce n’est pas parce que l’on surprotège les jeunes générations que tous vont atteindre l’âge adulte. Comme dans une forêt, il faut une certaine sélectivité.
Qu’attendez-vous de ces rencontres?
Le but, c’est de dialoguer, de créer un lieu de rencontre car on craint la guerre de tranchées. On craint aussi les positions de l’Union européenne qui tient un discours ultralibéral, en laissant le secteur mourir, mais qui, d’un autre côté, dit «vive la petite pêche côtière, elle a un intérêt social’. Si on laisse faire l’Europe, on verra la pêche bretonne
disparaître.
(*) Après avoir été pêcheur, il est devenu coopérant technique auprès de la FAO, a été directeur des pêches en Israêl. Aujourd’hui, il est consultant pour l’Irlande du Nord et les îles Féroé. Conférence Demain de 14h à 17h: «Gestion de la ressource’. Samedi de 10h à 13h: «La réforme de la politique commune des pêches’. Au foyer Agora Courbet. Entrée libre.
* Propos recueillis par Laurent Marc