(…) Il est temps de rendre leur vraie valeur aux écosystèmes et de promouvoir un régime de responsabilité des entreprises pétrolières qui internalise à la source les coà’ts des risques environnementaux.
» Si nous refusons de prendre en considération le coà’t complet de notre addiction au pétrole » si nous n’évaluons pas la facture des coà’ts pour l’environnement, pour l’économie réelle, pour la sécurité nationale » nous aurons raté notre meilleure chance de saisir un avenir fondé sur l’énergie propre », déclarait Barack Obama…
» Les conséquences de notre inaction sont patentes. Des pays comme la Chine investissent dans les métiers et les énergies propres. Nous, chaque jour, nous expédions près d’un milliard de dollars à l’étranger pour acheter du pétrole. Et voilà qu’aujourd’hui, dans le Golfe (du Mexique), c’est tout un mode de vie qui est menacé par une nappe de brut »…
‘ Restent les coà’ts associés à cette transition. Il y en a qui pensent que nous n’en avons pas les moyens en ce moment. Je dis que nous n’avons pas les moyens de ne pas changer la manière dont nous produisons et consommons de l’énergie » parce que les coà’ts à long terme pour notre économie, notre sécurité nationale, et notre environnement seront bien plus élevés »…
Pour Robert Costanza, professeur d’économie de l’environnement à l’Université du Vermont (…) et son équipe, rendus célèbres parce qu’ils ont été parmi les premiers à évaluer les services environnementaux, la totalité des services rendus à l’humanité par les écosystèmes de la planète rapporte quelque 33 000 milliards de dollars par an (estimation minimale). La valeur du capital naturel est supérieure au PIB mondial annuel, de l’ordre de 18 000 milliards de dollars par an (…), soit environ 5 500 dollars par personne et par an de services offerts par la nature. Cela n’est pas cher pour ces services vitaux « rendus ‘ par les écosystèmes, comme la régulation de la composition de l’atmosphère, du climat, de l’eau, la capacité de résilience, l’offre de ressources en eau, le contrôle de l’érosion, la formation des sols, le recyclage des nutriments, le traitement des déchets, la pollinisation, le contrôle biologique, l’habitat des espèces, la production de nourriture, de matériaux bruts, de ressources génétiques, de divertissement et de support de culture…
La marée noire a déjà directement et indirectement affecté au moins 20 catégories des services écosystémiques de grande valeur dans le Golfe du Mexique. La pêche locale, d’une valeur marchande estimée à 2,5 milliards de dollars par an, est en faillite complète. Sans compter les pertes du secteur touristique, ou encore la régulation du climat par la séquestration du carbone dans les marais côtiers et les étendues aquatiques, la protection littorale apportée par les zones humides et les mangroves vis à vis des ouragans, la valeur des paysages…
Selon une étude récente, la valeur totale des services écosystémiques dans le delta du Mississipi se chiffre entre 12 et 47 milliards de dollars par an. La prolongation de ces services dans l’avenir rapporterait entre 330 milliards et 1,3 trilliard de dollars, bien plus que la valeur marchande totale du groupe BP avant la marée noire (189 milliards de dollars)…
Si l’on considère que la marée noire de Louisiane va dégrader de 10 à 50% des écosystèmes du Delta, ceci revient à une perte de valeur écosystémique comprise entre 1,2 et 23,5 milliards de dollars par an pour une durée indéterminée, jusqu’à ce que les écosystèmes se rétablissent. Actualisées, ces sommes sont énormes : entre 34 et 670 milliards de dollars…
En regard de ces sommes, le fonds sous séquestre de 20 milliards de dollars provisionné a posteriori par BP — après en avoir été sommé par Barack Obama — pour la réparation des dommages, paraît dérisoire. On peut s’étonner que les entreprises à haut risque comme les compagnies pétrolières ne soient pas contraintes de provisionner en amont et a priori des montants correspondant à l’ampleur des dommages…
Pour Robert Costanza, il est temps de promouvoir un régime de responsabilité des entreprises pétrolières qui internalise à la source les coà’ts des risques environnementaux. Il serait par exemple envisageable qu’une compagnie pétrolière soit obligée de se doter d’une garantie en responsabilité d’un minimum de 50 milliards de dollars pour ses activités d’extraction offshore (soit un quart de la valeur de BP), ce qui l’encouragerait à investir dans des systèmes techniques de réduction du risque, ou à faire basculer ses investissements dans des secteurs moins risqués, comme les énergies renouvelables. Ce mécanisme de garantie sous séquestre pourrait inciter à la transition énergétique que Barack Obama a appelée de ses vœux.