Ci-après : une approche qui fonde réellement les principes des gestions collectives telles qu’elles sont expérimentées dans la pêche (cf. notamment les Prud’homies méditerranéennes de pêche) et qui, au passage remet en cause « la théorie des communs » de Harding fortement utilisée pour imposer la privatisation de droits de pêche monnayables et capitalisables.
« L’économie n’est plus cette théorie univoque qui servirait de hochet aux politiciens en mal d’instruments de pression sur les peuples…
Les décisions des humains de construire ensemble leur mode de production et de trouver des règles qui ne ressemblent pas à l’imagerie du marché afin d’autogérer leur actions communes pourraient revenir au centre de la réflexion…
L’extension du travail immatériel et du numérique à l’échelle du monde et dans toutes les activités humaines souligne l’émergence centrale d’un nouveau type de bien commun, articulé autour de la connaissance et de l’information, et des règles collectives de fonctionnement en réseau…
Dans son modèle abstrait, Hardin considérait l’usage abusif de paturages communs par des bergers, chacun cherchant à y nourrir le plus grand nombre d’animaux… au point de réduire la quantité d’herbe disponible. Ce modèle du « passager clandestin ‘, qui profite d’un bien disponible sans s’acquiter de devoirs envers la communauté, reste le modèle abstrait de référence ; un modèle simpliste qui colle parfaitement avec l’idéologie libérale. Avec de telles prémisses, la conclusion de Hardin s’imposait : « Le libre usage des communs conduit à la ruine de tous. ‘ Or Elinor Ostrom et Charlotte Hess, dans leur ouvrage majeur Understanding knowledge as a commonsn, réduisent en poudre ce modèle qui a pourtant fait couler tant d’encre. Pour elles, le modèle de Hardin ne ressemble aucunement aux communs réels, tels qu’ils sont gérés collectivement depuis des millénaires, à l’image des réseaux d’irrigation ou des pêcheries. Pour Hardin, les communs sont uniquement des ressources disponibles, alors qu’en réalité ils sont avant tout des lieux de négociations (il n’y a pas de communs sans communauté), gérés par des individus qui communiquent, et parmi lesquels une partie au moins n’est pas guidée par un intérêt immédiat, mais par un sens collectif…
Le grand apport d’Elinor Ostrom est dans cette distinction entre les « communs considérés comme des ressources ‘ et les « communs considérés comme une forme spécifique de propriété ‘. Cette conception prend de plus en plus d’importance avec l’intégration des préoccupations écologiques dans l’économie. La notion de communs devient attachée à une forme de « gouvernance ‘ particulière : il s’agit pour la communauté concernée de les créer, de les maintenir, les préserver, assurer leur renouvellement, non dans un musée de la nature, mais bien comme des ressources qui doivent rester disponibles, qu’il faut éviter d’épuiser. Il n’y a de communs qu’avec les communautés qui les gèrent, qu’elles soient locales, auto-organisées ou ayant des règles collectives fortes, y compris des lois et des décisions de justice. Les communs sont des lieux d’expression de la société et, à ce titre, des lieux de résolution de conflits…