Une petite algue bleue à l’origine de la photosynthèse
« C’est grâce au volcanisme que la vie a pu apparaître. Le volcanisme a arraché de la croà’te terrestre les éléments qui ont fait le relief. Avec des températures élevées, des milliers de degrés dans le magma, l’eau qui était piégée dans les roches(1) s’est échappée sous forme de vapeur autour de la terre.
Pendant des centaines de millions d’années, la planète était une boule de feu très chaude avec des températures très élevées, entourée d’eau sous forme gazeuse. Puis, les volcans se sont ralentis, la température a diminué et la vapeur d’eau s’est transformée en eau. Il y a 4 à 5 milliards d’années, il a plu pendant des temps immémoriaux, cela a été un déluge, l’eau a rempli les creux et même couvert les bosses. La terre était couverte d’eau. En broyant les roches à 400°C, l’activité volcanique avait apporté des minéraux, du gaz carbonique, de l’hydrogène sulfuré, du souffre, de la silice, des métaux lourds (cobalt, cuivre, or, argent, plomb…) qui se sont dissous dans l’eau. C’était un milieu très pollué, invivable sauf pour des cyanobactéries, des algues bleues microscopiques qui, sous l’action de la lumière, ont pu se développer dans ces milieux extrêmes. En réalisant pour la première fois la photosynthèse, ces bactéries ont fabriqué de la protéine végétale. Aujourd’hui, on trouve encore des cyanobactéries dans des nappes souterraines, des réserves d’eau ou des lacs fortement pollués. Ces organismes ont régné 1 à 2 milliards d’années et ont consommé la pollution en excès, transformant la planète en un milieu respirable. Merci les cyanobactéries ! Elles se sont enfouies dans les sédiments et ont formé parfois des concrétions calcaires et des bancs littoraux(²). La température de l’eau était à l’époque à 80°C-90°C. La planète s’est refroidie, les calottes glaciaires se sont formées, l’eau est descendue et les continents sont apparus, ainsi que les estrans. La lumière pénétrant dans cette masse d’eau côtière – on sait qu’elle pénètre dans 100 m d’eau » toute la diversité du plancton végétal s’est organisée, avec des formes, des tailles, des couleurs spécifiques
Un des apports essentiels lors du broyage des roches a été la silice ; c’est un minéral essentiel pour notre planète(3). Le plancton l’a capté pour se faire un bouclier, une carapace, une boîte en verre, un peu comme des boîtes de camembert, et la partie végétale est restée à l’intérieur. Ce sont les diatomées, des cellules de 10 microns qui se sont divisées et multipliées(4). Certaines sont rondes, d’autres sont longues : les navicules par exemple ont la forme d’un petit navire. Certaines vivent parfois en colonies pour résister au courant, au mauvais temps, elles se collent les unes aux autres et sont à l’origine des plantes terrestres. On connait 15.000 espèces de diatomées en eau douce et 5.000 en eau de mer.
Le monde animal
Ce petit monde végétal prolifère pendant 2 à 3 milliards d’années, mais en mourant ces boîtes libèrent de la matière organique et la mer devient une vraie poubelle. Le premier animal qui apparaît alors est le protozoaire. Il se nourrit de la matière organique en suspension et en décomposition. Unicellulaire, d’une taille de 10 à 20 microns, il se divise pour se reproduire. Ces premiers être vivants animaux, qui datent de 900 millions d’années environ, peuvent respirer ; ce sont de bons indicateurs de pollution des eaux qu’ils vont épurer…
Progressivement, la vie s’organise autour d’un monde multicellulaire. Avec les copépodes, des animaux herbivores, on change d’échelle (100 microns). Ce fourrage marin sert de nourriture aux sardines, anchois, sprats, lançons et aussi aux petits poissons à leur naissance.
La biodiversité planctonique
De la diversité des formes, des tailles et des couleurs des espèces planctoniques dépend la diversité de la faune marine. Des traces de pesticides dans l’eau bloquent la division des diatomées qui laissent la place à des espèces plus robustes comme les dinoflagellés (dynophisis, cerratium, alexandrium…). Ces derniers se déposent au fond et vivent enkystés dans la vase. Ils resurgissent si les conditions d’y prêtent. D’une plus grande taille que les diatomées, ils ne peuvent être mangés par de petites larves qui disparaissent. En outre, certains dinoflagellés (dinophysis, alexandrium) sont toxiques pour les humains.
Le plancton végétal fabrique des substances qui permettent aux organismes marins d’être en bonne santé (bactéricides, vitamines, antibiotiques, oméga 3). Nous en bénéficions indirectement comme dans le cas des omégas 3 présents dans les poissons bleus. Trois espèces de plancton sont connues pour être comestibles et bénéfiques. Elles concentrent l’essentiel dont notre corps a besoin et pallient à la sous-nutrition comme à la malnutrition due à l’alimentation industrielle : la spiruline (une cyanobactérie très protéinée), la chlorelle, une microalgue riche en vitamines et l’odontelle, une diatomée porteuse d’omégas 3. Nous trouvions ces derniers, essentiels à notre santé, sont présents dans les plantes et le phytoplancton, se retrouvent dans le lait des vaches lorsque ces dernières mangent de la mâche, de la luzerne, du lin
Extraits de conférences de Pierre Mollo en Méditerranée en mars 2010 (organisées par l’Antenne Méditerranée du Collectif Pêche et Développement) et auprès du Groupe Mer du CCFD en sept. 2010
———————————————————————————————————————————-
1. On dit qu’il y avait 10 fois plus d’eau piégée dans la croà’te terrestre que ce qu’il y en a dans les océans aujourd’hui.
Selon Hubert Reeves, des comètes ou grands blocs de glace auraient frôlé la planète et mélangé à la pluie des bactéries anaérobies. J’aime bien cette idée que les premières traces de vie soient venues des étoiles !
2 Appelés « biscuits ‘ en Australie du Sud ou stromatolite.
3 Avec du sable siliceux, on fabrique du verre.
4 La division se fait au rythme d’une à quatre fois par jour en fonction de la lumière, de la température et des apports minéraux…