Le poisson nourrit une bonne part de la planète. Vivre avec et par les animaux, telle est notre condition humaine. La raréfaction des ressources marines a émergé avec la pêche industrielle et l’aquaculture industrielle*. Seules les pêches artisanales, qui sont plus proches des écosystèmes et des communautés de pêcheurs, ont les moyens d’être durables. Pourtant, les projets en cours (réforme de la PCP, parc des Calanques, clapage dans le Finistère…) ne prennent pas en compte les conditions d’avenir de ce secteur :
1°) Révision de la Politique Commune des Pêches
Les lobbies industriels veulent récupérer les ressources exploitées par les pêches artisanales : la privatisation des ressources marines par des droits de pêche individuels et transférables montre, partout où elle a été appliquée, qu’elle concentre le secteur aux mains des grands armateurs sans pour autant améliorer l’état des stocks. Déjà , la gestion globale par quotas (quantités débarquées), sans considération de la structure démographique des populations de poissons, pose problème**. Partout où elles sont gérées, les pêches artisanales limitent les moyens et procédés de capture plutôt que les quantités débarquées. Ces dernières ne devraient être qu’une mesure de précaution, un seuil à contrôler. C’est ce glissement vers la gestion par quotas qui a permis de développer des techniques de plus en plus intensives, des technologies de plus en plus poussées et des bateaux de plus en plus grands. Il nous faut revenir à une adaptation fine des flottilles aux capacités locales de renouvellement des ressources marines. Les rares ONG de développement (ICSF, Collectif Pêche et Développement...) qui travaillent avec les pêcheurs artisans essaient d’alerter sur cette question.
2°) Les Aires Marines Protégées : projet du Parc des Calanques
Conçues comme des réserves de la biodiversité et des zones de gestion concertées, ces AMP doivent être mises en place avec les pêcheurs artisans et leurs organisations professionnelles. Le projet de parc national des Calanques comprend une immense zone de non-prélèvement, située sur l’un des rares sites de pêche artisanale (la Cassidaigne), dans une zone où le plateau continental est très étroit. Exclure d’emblée la pêche artisanale de cette zone n’aura pour effet que de déséquilibrer l’ensemble des pêcheries alentour, en augmentant la pression sur les zones littorales. Une telle mesure met finalement en cause l’avenir du secteur artisanal ; c’est un plan environnemental contre-productif. La création d’une AMP ne doit pas se limiter à la préservation d’un pré carré mais tenir compte du lien plus général des hommes et de leur environnement, particulièrement quand le pré carré est de grande envergure (2800 ha pour la Cassidaigne). Selon l’expérience prud’homale qui s’est toujours attachée à préserver l’activité des communautés de pêcheurs en lien avec leur environnement, pourquoi ne pas concevoir certaines techniques sélectives dans un cadre bien défini ? Focalisé sur des questions d’appropriation ou de mainmise, il semble que le débat sur la gestion des ressources marines occulte la finesse des mesures techniques. Suite à leur demande auprès du Préfet maritime, du Préfet de région et du Président du GIP Calanques, les Prud’homies varoises attendent d’être associées au débat.
3°) Projet de Clapage en Finistère
Les intérêts touristiques de la plaisance sont un autre levier puissant. Dans notre contexte environnemental, l’ensevelissement de terres arables ou de champs de langoustines, tout comme la désorganisation de la chaîne alimentaire à partir du plancton, ne sont plus de mise. C’est pourtant ce qu’a décidé le préfet du Finistère, en signant l’autorisation de clapage (rejet au large de boues draguées en zone portuaire). Le comité régional des pêches de Bretagne et le comité local des pêches du Guilvinec entreprennent une action en justice…
* Filière d’élevage d’espèces carnivores qui consomme une large part de farine de poissons sauvages. La pêche minotière représente 1/3 des captures mondiales…
** La surpêche des gros poissons déséquilibre les populations. Les jeunes adultes sont trop nombreux. En compétition pour la nourriture, ils perdent du poids et se reproduisent plus difficilement… Par ailleurs, la gestion par quotas génère des rejets importants.