4ème Festival « Pêcheurs du monde » à  Lorient : l’alerte est donnée…

"Au royaume des poissons" Film de Michel Noll - Festival Pêcheurs du Monde à  Lorient 2012 Combien de fois avons-nous, dans la lueur de l’aube, de nuit ou en plein jour, embarqués sur les mers, les détroits et les océans du globe ? Les communautés de pêcheurs se donnent à  voir, les villages des bords du monde se découvrent, sans fard ou clichés, sous le regard sensible des réalisateurs.

En trois jours, à  Lorient, nous avons appris, au-delà  des mots, des concepts et de leurs agencements, la marche folle de notre organisation sociétale qui lamine à  ses abords les plus lointains, cultures et croyances, tout ce qui fait nos racines, nos espoirs et nos rêves de vie. A croire que la nouvelle croyance se doit d’être planétaire, elle gravite autour de la recherche de profit et d’un mythe porté par le discours scientifique pour sauver la nature.

"Whales of gold" film de Lucia DUNCAN - Festival Pêcheurs du Monde 2012 « Les tortues disparaissent et nous aussi » dit une Mexicaine en but à  la création d’une gigantesque réserve marine. Sa phrase me rappelle la question d’un prud’homme pêcheur de Palavas : « A quoi sert de préserver les anguilles si plus personne n’en profite ? » Une question que nous n’entendons plus dans nos univers technologiques si éloignés de la nature et de ses prodigalités nourricières.

Des tchouktches de la Tchoukovsky, pêcheurs de baleines dans le Détroit de Béring, à  la Basse Californie, en passant par la Baie de St-Brieuc, le Japon, la partie serbe du Danube, Puerto Rico, l’Acadie, le Vietnam, ou le Delta du Niger, nous découvrons l’intimité des familles et des villages, la façon dont ils organisent leur activité avec la nature, les croyances et les cultures qui les portent.

Festival Pêcheurs du monde 2012Me vient tout à  coup l’idée que la véritable richesse est « humaine », dans ce rapport justement de l’homme à  la nature, et non dans ce que nous croyons être « la nature » et qui n’est que la vision pseudo-scientifique que l’on nous donne à  voir. Quant à  la recherche du profit et de sa pseudo-légitimité dans notre organisation mondiale de la compétitivité, le déclic se fait avec « Toxic Somalia : l’autre piraterie ». Les industriels d’Italie (et d’ailleurs) qui ont naïvement confié leur déchets toxiques pour qu’ils soient recyclés en Somalie et dans d’autres pays du tiers-monde, provoquant épidémies et morts des populations côtières, tout comme le capitaine repenti qui dénonce le système après avoir vu les malades dans un hôpital d’Haïti, me rappellent « The Reader »*. La jeune femme entrée chez les SS parce qu’elle était mieux payée que dans son usine se suicide des années plus tard lorsqu’elle réalise ce qu’elle a fait. C’est en apprenant à  lire en prison et en découvrant de grands auteurs qu’elle acquiert le sens de l’humanisme. Nos industriels ne sont pas analphabètes…

Alain Le Sann, Président du Festival Pêcheurs du Monde 2012 à  Lorient - Photo Pascale MarcaggiPeut-être auront-ils la chance, comme nous, de voir les films de ce Festival. Nous n’aurions pu imaginer tel voyage et tel tour du monde en quelques heures… Par le biais de la caméra, et dans les échanges de couloir avec les réalisateurs, les pêcheurs et les spectateurs, nous avons appris plus que de mesure. Politiques, scientifiques, environnementalistes, gestionnaires devraient « investir de leur temps » dans un tel événement. Pendant une année, cette équipe bénévole recherche, visionne, sélectionne – et traduit parfois – des quantités de films (près d’une centaine de films projetés en 4 festivals). Que ce soit dans le domaine maritime, de la pêche ou du cinéma, leurs connaissances sont grandes et leur regard acéré. Les films montrés ne sont pas toujours, loin s’en faut, relayés par les télés et cinés. Dans ce jeu-là , il y a ceux qui témoignent, ceux qui filment et ceux qui donnent à  voir**. Cette fois-ci, l’alerte est donnée, ce ne sont plus des thématiques ou des secteurs qui sont en jeu, c’est notre humanisme…

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*Film de Stephen Daldry – 2008 – réalisé à  partir du roman de Bernhard Schlnk paru en 1995.
**A ce propos, Raoul Jomphe, réalisateur de « Phoque le Film » présenté au Festival l’an dernier, a écrit récemment : « Cette reconnaissance de votre part m’encourage à  continuer les documentaires sur les aspects culturels régionaux souvent mal connus du grand public. La projection en ouverture de « Phoque le Film » l’an dernier au Festival de Films « Pêcheurs du Monde » aura permis à  celui-ci de remporter le Prix du Public au Festival du Film « Chasse Durable et Biodiversité » qui se tenait tout récemment à  Paris les 9 et 10 mars derniers… »
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