Epoque révolue que celle où Cherbourg était réputé pour ses « demoiselles », ses petits homards. Et si Granville était le port de la pêche hauturière de la Basse-Normandie, la vie n’y est désormais plus très différente. Dans la Manche, comme dans les autres régions, les pêcheurs vivent-ils la chronique de leur mort annoncée par le projet de réforme européenne de la pêche ?
Entretien avec Yves Léonard, le réalisateur de « Des hommes à la mer », présenté en sélection officielle du 4e Festival International Pêcheurs du Monde. (54′ – production : Les Films d’un Jour) :
Yves Léonard (cliquer pour écouter)
Yves Léonard, fils de marin-pêcheur mais réalisateur avant tout, porte un regard lucide sur la situation d’aujourd’hui et ne mâche pas ses mots.
Ci-après, quelques extraits :
« – La majorité de mes films tourne autour de la mer, des pêcheurs, de la pêche artisanale le plus souvent… Les contraintes de France 3 ne me convenaient pas, on a rompu les ponts. Il fallait un responsable de comité des pêches et une voix écologiste…
– Pourquoi faut-il à chaque fois « chaperonné » les pêcheurs, ils ne sont pas assez grands pour s’exprimer tous seuls ?
– On estime que les pêcheurs sont des bourricots qui n’ont pas conscience de « tout le mal » qu’ils font alors que les exemples de gestion par les pêcheurs ne manquent pas… Ce métier fait l’objet d’un bouleversement mondial qui leur est imposé de l’extérieur sur la gestion de la ressource, les techniques spécialisées, la fin du métier artisan… On ne veut plus de ces artisans car ce sont des gens indépendants qui sont capables de relever la tête et qui font des propositions qui ne passent pas par des technocrates, des commissions… Les pêches les plus touchées en Basse-Normandie concernent la coquille saint jacques, la raie et le hâ avec des réglementations aberrantes… A propos de la réforme de la PCP, la concertation avec le milieu professionnel n’existe absolument pas. L’homme pêcheur n’est pas considéré, c’est une matière complètement négligeable. Le monde ne fait plus « monde ». Le sens même de l’économie qui était de nourrir des individus est devenue « virtuelle ». On va vers la privatisation des ressources, la globalisation des marchés qui sont contre les individus…
– La pêche française, vous lui donnez combien de temps ?
– En 25 ans, le temps d’une génération, le nombre de bateaux et de pêcheurs est divisé par deux. On a une non-relève « organisée »…
– On nous rabat les oreilles avec l’écologie tout en détruisant la pêche durable ?
– Le discours écologique est récupéré… Les multinationales ne gèreront pas mieux. L’argent a toujours été incompatible avec une gestion intelligente des ressources. Le CAC 40 peut cohabiter avec des règles environnementales plus sévères…
– Que pensez-vous des AMAP ?
– C’est le consommateur qui est responsable, je fais partie d’une AMAP mais c’est un fonctionnement qui est lourd pour des gens comme nous qui sont devenus paresseux. Le supermarché met tous les produits, fraises hors saison comprises, à notre disposition…