La pêche artisanale fait partie intégrante de notre environnement, les deux marchent ensemble. Ne pas l’intégrer reviendrait à soutenir implicitement pêche et aquaculture industrielles. Nous sommes des humains qui avons besoin de nous nourrir. Les pêcheurs artisans vivent avec les écosystèmes marins, les connaissent, les observent, les préservent… Ils ont besoin de l’appui de la société civile pour assurer leur avenir dans notre contexte capitaliste, nous avons besoin d’eux pour préserver les milieux maritimes, participer au développement local de nos côtes.
De nombreuses « belles » idées surgissent tous les jours pour protéger faune et flore. Après le mérou, il faudrait faire un moratoire en Méditerranée sur le corb, protéger 10% des océans d’ici 2020… Ces belles idées avancent par à -coups médiatiques et messages politiques. Qu’en pensent les pêcheurs artisans ? Ont-ils leur place dans les discussions, ont-ils les moyens d’intervenir dans les débats ? Ne peut-on travailler ensemble, apprendre à partager, à inventer ?
Prenons l’exemple du mérou. Ce n’est pas une espèce-cible de la pêche artisanale. Lors du renouvellement du moratoire qui concerne les captures à l’hameçon et au fusil, les pêcheurs ont demandé à ce qu’il y ait un régime dérogatoire pour qu’ils ne soient pas obligés de rejeter les prises accessoires capturées à la palangre ou à la ligne. C’était avoir le même régime que les pêcheurs au filet non concernés par le moratoire. Les biologistes n’ont pas répondu à leur requête…. Alors que les mérous augmentent en nombre, les rares prises à la palangre devraient être rejetées, même lorsqu’elles sont bien mortes, par des pêcheurs dont les conditions de vie sont déjà difficiles. Va t-il y avoir la même chose avec le corb ? Faut-il grignoter pas à pas toutes les chances de survie de ce métier méritoire ? Jusqu’à quand ?
Concernant les réserves, ces pêcheurs sont les premiers concernés. La gestion des territoires, ils la font au travers des prud’homies depuis plusieurs siècles. Quand cela est possible et souhaitable, ils ont eux-même provoqué la création de réserves. Les pratiques de « moutons » qui visent à protéger certaines zones de frai, sont déjà en elles-mêmes des formes de réserve. Leur procédé réglementaire qui vise, par leur polyvalence et la multiplicité des techniques sélectives, à changer de zone et d’espèce « afin de les laisser reposer alternativement » s’apparente à nos jachères terrestres. Encore faut-il que la réglementation européenne et nationale ne leur sape pas les espèces, et les techniques, les unes après les autres (thon, soupe et bouillabaisse de gangui, prises des sennes de plage… sans compter les visées sur l’espadon, la dorade rose et autres espèces en ligne de mire). Il existe des réserves dans lesquelles la pêche artisanale est autorisée comme c’est le cas pour le Parc National de Port-Cros connu pour sa richesse maritime. Pourquoi vouloir faire du « chiffre » (10%, qui dit mieux ?) quand les réserves créées n’ont pas de sens, comme c’est le cas avec la réserve en zone profonde à La Cassidaigne (Parc des Calanques) ? Les moyens de communication n’ont jamais été aussi développés mais le plus souvent utilisés comme moyens de pouvoir. Ils pourraient redevenir les outils d’une démarche intelligente de recherche collective de « bonnes » solutions…