Monsieur le Premier Ministre,
Depuis 50 ans, les boues rouges de l’usine d’aluminium de Gardanne sont rejetées en mer, dans une fosse au large de Cassis. Contrairement à l’idée répandue que ces boues seraient cantonnées en zone profonde (320 m), nous les retrouvons sur le plateau continental, à 120 m de profondeur, et leur accumulation est telle qu’elle a ponctionné une large part de nos zones de pêche devenues désertiques. Il est à noter qu’un phénomène d’upwelling par temps de mistral fait remonter ces boues et les dispersent sur de grandes étendues qui s’étendraient au moins de Fos à Toulon.
Ces boues sont chargées de métaux lourds qui affectent directement la croissance et la reproduction des espèces marines. Nous craignons que, par leur accumulation, les métaux lourds ne pénètrent dans la chaîne alimentaire, affectant la qualité et la quantité des ressources marines et mettant en péril non seulement l’avenir de notre métier mais aussi notre économie littorale, liée aux fonctions résidentielles et touristiques. Par ailleurs, c’est une source d’approvisionnement alimentaire future qui est en jeu.
L’autorisation demandée par l’industriel de poursuivre des rejets en mer des eaux résiduelles, chargées de métaux lourds, nous inquiète au plus au point. Ces eaux plus chaudes que les eaux profondes remonteront en surface, leur débit sous pression remettra en suspension les boues accumulées (de 20 à 30 millions de tonnes), et le risque est grand d’aggraver fortement la pollution de notre bassin méditerranéen. Ainsi, de par son ampleur, cette pollution, n’est pas un « petit ‘ problème local entre Gardanne, Cassis et les communes littorales proches mais l’une des plus grandes décharges industrielles qui concerne, de fait, l’ensemble des régions méditerranéennes. D’ailleurs, de nombreuses plateformes et associations de la pêche artisanale (méditerranéennes, algérienne, internationale) se sont mobilisées pour répondre à l’enquête publique.
Vous remarquerez, par ailleurs, que située en plein cœur de parc national, cette autorisation serait de nature à remettre en cause le concept d’aire marine protégée. Pour l’heure, les pêcheurs de la région ont suspendu leur coopération avec ce parc, et ce mouvement pourrait s’étendre à d’autres parcs. Il serait inique d’imposer aux pêcheurs des restrictions au sein de telles aires marines protégées, tout en autorisant des pollutions industrielles massives.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons que ces rejets industriels soient définitivement interdits et que les fonds pollués soient stabilisés afin d’éviter que les métaux lourds n’affectent la chaîne alimentaire marine pendant les prochaines décennies.
En espérant que vous saurez entendre la voix de nos prud’hommes qui, forts de leur héritage multiséculaire, ont à cœur de préserver les communautés de pêcheurs artisans et la qualité des zones de pêche dont elles dépendent, veuillez agréer, Monsieur le Premier Ministre, nos respectueuses salutations.