Au mois de Septembre, sous les étoiles, Pierre Mollo témoignait de sa grande expérience planctonique, en commentant la pêche du jour, dans le port de Sanary, et en donnant force détails après le visionnage de deux documentaires : « Planète plancton, au service de l’homme » de Jean-Yves Collet, et un reportage de France 3 Littoral (voir photos ci-après).
Le 19 octobre, il est interviewé à la radio « Voix contre oreille, ode au plancton« . Parlant de morceaux de vie, il témoigne et commente : « Venus me voir dans un petit laboratoire à Quiberon, les marins-pêcheurs de Houat m’ont demandé : « Comment se fait-il qu’il y ait tant de poissons dans la mer ? Nous, on s’intéresse au plancton » Vous imaginez, une coopérative de pêcheurs qui, dans les années soixante-dix s’intéresse au plancton ! Ils m’ont recruté pour repeupler la mer avec eux, en bébés homards… Mon travail consistait dans la maîtrise du phytoplancton qui nourrissait le zooplancton qui nourrissait des larves de homards, de très petite taille : 2 à 3 mm. Pour cela, il fallait une écloserie que l’on a construit nous-mêmes ! Les pêcheurs m’amenaient des homards grainés… Tout le travail de fond était fait avec le groupement des pêcheurs houatais…
A Guérande, c’était 2000 ha de marais-salants, un vivier à plancton extraordinaire ! C’est pas que du sel. Mon travail a été de leur montrer que leur activité avait un impact extraordinaire sur le monde de la pêche et de la culture de coquillages. Le paludier prend de l’eau de mer à 30 g de sel par litre et l’emmène à 300 g de sel par litre d’eau ! Ce qui représente toute une diversité de milieux, c’est un laboratoire à ciel ouvert avec des populations de plancton très différentes. Quand on parle de biodiversité, on pense aux dauphins, aux ours blancs mais derrière ces mammifères, il y a un monde invisible qui fait la richesse de la mer et qui fera la nourriture de l’ours blanc…
A la fin des années soixante-dix, on a voulu créer des écoles d’aquaculture en France, pour apprendre à élever des poissons, des coquillages et crustacés… et j’ai été l’un des premiers à créer cette école avec les différents niveaux : CAP, BEP, BAC PRO, BTS…
La première action de coopération internationale, je l’ai faite au Bénin avec les paludiers de Guérande pour sauver la mangrove qui était brulée pour faire du sel. Aujourd’hui, des milliers d’hectares servent à récolter du sel par l’évaporation solaire. Quand on sauve la mangrove, on sauve le plancton et donc le poisson qui sert de nourriture aux populations qui vivent autour…
En 1971, les marins pêcheurs d’Houat m’ont payé un voyage au Japon pour apprendre les techniques de repeuplement pour les adapter au homard. J’ai été au Cambodge pour créer une école de biologie marine avec les pêcheurs, pour leur apprendre que, si les poissons et les crevettes étaient là , c’est qu’il y avait, à l’échelle invisible, un monde planctonique. Au Vietnam, c’était un observatoire du plancton créé avec des scientifiques… La Fondation Léopold Mayer m’a accompagné dans l’écriture de mes ouvrages, dans mes missions à l’étranger, en Chine, en Afrique, sur le lac Victoria, le lac Tchad… Il me fallait aussi un outil pour filmer, travailler, et Océanopolis m’a accueilli depuis que je suis en retraite, dans ses laboratoires. Cela nous permet de faire des images extraordinaires. Par exemple, on a assuré les images de plancton pour le film « Océans » de Jacques Perrin. Pour montrer du plancton qui fait 20 microns sur un écran de 14 m, il faut un matériel un peu sophistiqué !…
Le plancton, sa particularité c’est de se laisser porter. Il se scinde en phytoplancton (plancton végétal) et zooplancton (plancton animal). Les végétaux unicellulaires sont nées il y a 3,5 milliards d’années ! On en retrouve certaines espèces, des cyanobactéries qui ont consommé le gaz carbonique en excès et produit de l’oxygène, permettant ainsi le développement ultérieur de la diversité… Plus de 50% de l’oxygène que nous respirons, nous le devons aux océans…
Si la mer a fabriqué la terre, aujourd’hui, la terre nourrit la mer par les affluents qui apportent des sels minéraux indispensables à la vie planctonique. Quand on pollue, on détériore tous ces microorganismes. Si l’on considère que les océans couvrent 70% du globe terrestre et que la plus grande part des zones terrestres est occupée par les déserts et les métropoles, en 2050, alors que la population pourra atteindre 9 milliards d’habitants, ce sont les mers et les océans qui nourriront l’humanité. Et le plancton est à la base de tout cet édifice…
Du plancton, il y en a partout, même en Antarctique, sur la neige. Au froid, il vivait au ralenti et quand la neige a fondu, il s’est réveillé. On en trouve en eau douce, salée, très salée… Il est très sensible à la qualité de l’eau, d’où l’intérêt de travailler avec les agriculteurs dont les pratiques peuvent être bénéficiaires ou catastrophiques. Tout ce qui exclue les microorganismes du sol est défavorable (labourage, pesticides, engrais…). Avec la pluie, l’érosion ces particules enrichissent la mer, ce qui sera bénéfique aux éleveurs de coquillages…
Le plancton d’aujourd’hui fabrique les protéines que l’on trouvera dans 10, 20, 30 ou 40 ans. Le repeuplement de homards d’il y a 40 ans, se fait sentir maintenant. On a construit un capital homards dont les pêcheurs prélèvent les intérêts. Les pêcheurs ont la connaissance locale de leurs milieux et s’y adaptent…
La menace sur le plancton vient de la méconnaissance du public. Il faut que les citoyens soient informés, qu’ils soient émus par cet univers qui n’est pas la seule affaire des scientifiques et des professionnels de la mer… La plus grande menace pour le phytoplancton, ce sont les pesticides. Et cela ne concerne pas seulement les agriculteurs mais aussi le jardinier du dimanche, les municipalités, les infrastructures routières ou ferroviaires… »
Vous avez un projet de mettre en musique le plancton avec Antonio Santana qui a composé un chant pour la planète et qui témoigner sur notre antenne…
Ecouter sur : Voix contre oreille