La prolifération des méduses témoigne des dérèglements du milieu naturel
Etranges animaux gélatineux encore mal connus, les méduses prolifèrent en de
nombreux points du globe, notamment en Méditerranée où elles sont de nouveau
attendues cet été, témoignant des dérèglements du milieu naturel.
La surexploitation des mers et le réchauffement climatique font partie des
principales raisons avancées pour expliquer ce « boom démographique » des méduses
qui « occupent aujourd’hui la place de nombreuses autres espèces », selon les
termes de Ricardo Aguilar, directeur de recherche au sein de l’ONG Oceana.
« Les populations de méduses explosent partout. Or, la méduse est un excellent
marqueur de l’environnement. Plus elle est présente, plus cela veut dire que le
milieu s’est modifié », explique Jacqueline Goy, de l’Institut océanographique de
Paris.
Le cas de la Méditerranée, excellent bassin d’étude de cet invertébré devenu la
hantise du baigneur, est éloquent.
Les scientifiques sont d’accord: les Pelagia noctiluca, dont les piqà’res
provoquent des brà’lures, s’apprêtent une nouvelle fois à envahir les côtes
méditerranéennes.
Si leur présence n’est pas, en soi, extraordinaire, la fréquence de leurs
apparitions inquiète.
Une analyse sur deux siècles a permis d’établir qu’elles apparaissaient tous les
12 ans et qu’elles restaient en moyenne 5 ou 6 ans. Or, cette année devrait être
la huitième consécutive, ce qui suscite des interrogations.
La surpêche est considérée comme un facteur central de la prolifération de cet
animal.
« Lorsque des vertébrés tels que les poissons disparaissent, des invertébrés tels
que les méduses apparaissent », résume Ricardo Aguilar.
Une pêche excessive réduit le nombre de prédateurs de la méduse – tortues,
requins, thons… – et la raréfaction du poisson lui offre plus de zooplancton
pour se nourrir.
Or une fois qu’ils ont pris la place, ces animaux sans cerveau lâchent peu de
terrain.
« Les méduses sont en compétition avec le poisson pour le plancton mais aussi des
prédateurs directs de ce dernier » (dont elles mangent les oeufs et les larves),
explique Andrew Brierley, de l’université de St Andrews, en Ecosse. « Il est par
conséquent difficile de voir comment les poissons peuvent reprendre leur place
lorsque les méduses se sont installées ».
Ce dernier a mis en lumière que la surpêche dans l’Océan Atlantique avait
provoqué une véritable explosion du nombre de méduses au large de la Namibie.
Même si son impact est très difficile à mesurer, le réchauffement climatique est
également considéré comme un facteur-clé: des températures de l’eau plus élevées
allongent la période de reproduction de ces invertébrés.
Mais la méduse, difficile à étudier hors de son milieu, a fait l’objet de peu
d’études académiques et reste mystérieuse à de nombreux égards.
« Il n’y a que 20% des espèces (de méduses) dont on connaît le cycle de vie »,
souligne Mme Goy.
L’étude – essentielle – des migrations, qui dépend des vents et des courants, se
heurte à un obstacle de taille : les bancs de méduse sont difficiles à observer
par satellite.
En outre, l’absence d’exploitation commerciale, à quelques exceptions près en
Asie où certaine espèces se mangent, ne favorise pas les investissements
financiers dans ce secteur.
Des experts espèrent que l’impact négatif sur le tourisme poussera les
gouvernements à investir dans la recherche sur cet animal étrange dont le
comportement est un indicateur précieux sur les changements profonds en cours
sur la planète: au fond des mers, mais aussi sur terre et dans le ciel.