La demande croissante de nourriture, liée à l’accroissement de la population mondiale ainsi que l’utilisation toujours plus importante de biomasse telle que le pétrole, mettent sous tension les réserves en eau, selon des experts réunis cette semaine à Stockholm.
« Si nous regardons la quantité d’eau dont nous avons encore plus besoin pour la nourriture et celle pour la biomasse destinée à l’énergie… c’est plutôt inquiétant », résume Jan Lundqvist, qui dirige le programme scientifique de l’Institut international de l’eau de Stockholm (SIWI).
Récolte de blé par des fermiers israéliens le 30 avril 2008 près de la bande de Gaza.
Les besoins en nourriture devraient doubler d’ici 2050. Parallèlement, le climat change et les réserves en pétrole qui s’amenuisent, pressent les pays à consacrer davantage de terres à la production de biomasse afin de remplacer les énergies fossiles émettrices de gaz à effet de serre.
Ces tendances risquent de se heurter à « la réalité biophysique de la pénurie de l’eau de la planète », souligne le SIWI qui a organisé la Semaine mondiale de l’eau dans la capitale suédoise.
« Quasiment chaque augmentation de l’eau utilisée dans l’agriculture affectera la quantité d’eau disponible pour d’autres utilisations, dont celle nécessaire pour que les écosystèmes soient préservés et puissent résister aux changements et perturbations », souligne l’institut dans une étude récente.
Selon M. Lundqvist, la population mondiale utilise aujourd’hui environ 4.500 km3 d’eau par an pour couvrir l’ensemble des besoins en eau y compris pour l’irrigation, l’utilisation urbaine et la production d’énergie.
Bien que ce nombre soit inférieur au seuil considéré comme « irresponsable sur le plan environnemental », il souligne que les besoins à venir pourraient conduire à une utilisation de l’eau dans des quantités dangereuses.
« Il pourrait être raisonnable sur le plan de l’environnement de retirer peut-être 6.000 (km3) », dit-il mais guère davantage car cela aurait un coà’t environnemental très élevé, l’eau étant indispensable aux différentes écosystèmes.
Selon le directeur de projet du SIWI Jakob Granit, des études récentes montrent que « d’ici 2030, la même quantité d’énergie, produite aujourd’hui à partir des énergies fossiles, devra provenir de la biomasse ».
En même temps, les scientifiques prédisent que nous serons en mesure de « répondre aux demandes en nourriture d’ici 2050 si nous avons une utilisation de l’eau un peu plus efficace (…). Cela n’inclut pas l’eau dont nous avons besoin pour toute cette biomasse », a-t-il expliqué à l’AFP.
Aussi la meilleure manière de s’atteler au problème de l’amenuisement des réserves en eau est-elle d’améliorer l’utilisation de cette ressource et de la terre, relèvent les experts.
Il faut trouver en particulier une alternative aux systèmes d’irrigation, qui pressurisent les rivières, les lacs et nappes phréatiques, renchérit M. Lundqvist.
« Quand nous arrivons à l’irrigation, nous sommes au bout du chemin, toute l’eau disponible des rivières et autres ayant déjà été plus ou moins utilisée », dit-il.
Il propose alors de se centrer davantage sur le potentiel que les précipitations représentent.
« Dans une grande partie de l’Afrique, si l’on regarde le total de (la quantité de) l’eau de pluie (tombée) tout au long de l’année, la quantité est habituellement suffisante… pour faire pousser nombre de cultures », affirme-t-il.
Il conclut que si l’on parvenait à récupérer cette eau de pluie, « il serait possible d’accroître considérablement la production de nourriture dans ces zones ».