Une étude réalisée en 1993-94 par Ifremer([sous la plume de J. Bertrand, J. Catanzano, H. Rey et E. Tempier)] avec la coopération du Comité National des pêches maritimes et la participation des Prud’hommes de pêche du Golfe du Lion.
L’un des apports de cette étude a été de mettre en évidence 6 logiques différentes d’exploitation halieutique sur cette zone géographique :
– 3 logiques inhérentes aux petits métiers (petits métiers spécialisés, petits métiers côtiers polyvalents, petits métiers spécialisés dans la capture d’espèces vivantes),
– 3 logiques inhérentes aux grands métiers (chalutage de fond, chalutage pélagique et lamparo, thonier senneur) à partir d’une même grille d’analyse.
Ces logiques exprimant des articulations différentes aux territoires (physiques, sociaux, économiques), leurs présupposés et leurs limites diffèrent également, ce qui suppose une gestion différenciée des pêches.
Cette série d’observations a pu être établie à partir :
– d’une approche morphologique fondée sur la logique sémiotique de Peirce (suite aux travaux de César Centi à l’Université Aix-Marseille II),
– des apports de biologistes et technologistes de l’Ifremer,
– des données fournies par les pêcheurs professionnels et prud’hommes.
La grille comparative des données caractérisant chacune de ces logiques (et des métiers qu’elles représentent) a été validée par l’ensemble des acteurs concernés : chercheurs et professionnels.
Concernant la gestion des pêches – plus précisément l’administration des entreprises de pêche – celle-ci a été limitée à un ensemble de propositions faites par les professionnels. Selon les groupes de métiers concernés, l’on peut voir affirmer cette différence d’échelle spatio-temporelle mais également des différences qualitatives : Les petits métiers étant plus étroitement liés à la qualité environnementale du littorale, aux connaissances des produits « de terroir » par la clientèle… alors que les grands métiers raisonnaient sur l’organisation nationale et internationale des marchés, le statut des zones maritimes internationales…
Pour l’ensemble des métiers, les professionnels ont réaffirmé leur volonté d’être associés à la gestion des pêches, notamment par l’intermédiaire des Prud’homies. Les prud’hommes ont même demandé à être « formés » dans le domaine environnemental pour pouvoir mieux agir pour la préservation de leurs territoires..
Comme le suggère l’étude, le contexte n’était pas « simple » puisque dans le même temps où l’Union Européenne finançait ce programme pilote de gestion, elle discutait d’une « harmonisation technique en Méditerranée » qui empiétait largement sur un domaine très pointu, couvert jusqu’alors par les Prud’homies. Cela concernait particulièrement les petits métiers. Les Prud’hommes commençaient à voir que leurs gestions locales étaient menacées par la mise en place de la Politique Commune des Pêches et ce, sans aucune cohérence avec les caractéristiques de leurs territoires.
Par ailleurs, les restrictions européennes sur la puissance des flottilles se sont traduites, dans un contexte national de renforcement productiviste, par des mesures disqualifiantes et injustes à l’égard des petits métiers (gestion des PME : permis de mise en exploitation). A tel point que l’Administration interrégionale des Affaires Maritimes a elle-même proposé un système « généralisé » de licences qui serait substitué au PME pour les petits métiers. Ces derniers étaient prêts à s’y plier à condition de pouvoir conserver leur polyvalence. Ce projet de licences, longtemps discuté dans les bureaux mêmes de l’Ifremer avec des représentants des différents métiers et prud’hommes, a finalement été imposé de manière autoritaire. Las, les professionnels se sont retrouvés avec 2 systèmes contraignants : les PME et le système généralisé des licences. Ce dernier a été annulé par un recours en Conseil d’Etat à l’iniitiative de l’association des Prud’homies et d’une organisation intersyndicale de petits métiers.
C’est donc dans ce contexte troublé que les Prud’homies de Méditerranée ont éprouvé le besoin de s’associer pour avoir des chances de se faire entendre et qu’elles ont créé l’Union des Communautés de Prud’hommes Pêcheurs de Méditerranée en 1994 (UCPPM).