Une gigantesque nappe de pétrole menace la Louisiane. Avec 800 000 litres de pétrole s’échappant chaque jour du puits de pétrole qu’exploitait la plate-forme qui a sombré le 22 avril, la catastrophe pourrait dépasser en ampleur celle de l’Exxon Valdez, la pire de l’histoire américaine, en 1989 au large de l’Alaska. Des barrages flottants ont été déployés sur près de 50 km pour tenter de limiter l’avancée du pétrole et l’empêcher d’atteindre les côtes de la Louisiane et ses « bayous ». Ces forêts marécageuses sont des écosystème complexes et fragiles…
Les bayous sont des formations amphibies avec une forte dominante d’eau douce, à la différence des mangroves où il y a une coexistence d’eau douce et d’eau marine. C’est un milieu très complexe et structuré, parfaitement adapté pour résister aux variabilités qu’il connaît, mais qui est par contre très fragile dès qu’il est soumis à des perturbations qui ne lui sont pas habituelles.
Dans ces écosystèmes dont les sédiments sont très meubles, les systèmes racinaires se développent dans des conditions limitées en oxygène. Les racines ne servent pas seulement d’ancrage : elles font aussi office de poumons ou de tubas. Mais ce système de respiration n’est possible que si la racine est à l’air libre…
Avec les cycles de marées, les systèmes racinaires vont peu à peu être tapissés d’hydrocarbures. Les arbres vont mourir par asphyxie, et ne vont plus jouer leur rôle. C’est tout l’écosystème qui va être durablement perturbé. La faune qu’on retrouve dans les bayous a en outre une grande particularité : les espèces y viennent lorsqu’elles sont à des stades juvéniles pour avoir une croissance maximale, parce que ce sont des milieux très riches. Je pense notamment aux crevettes qui se reproduisent en mer et dont les larves viennent s’alimenter dans les mangroves.
D’une manière générale, tous ces milieux d’interface entre terre et océan hébergent beaucoup d’espèces qui y viennent généralement pour s’alimenter. à‡a peut être aussi bien des espèces proches du milieu marin, comme des lamantins, des petits dauphins, que des espèces d’oiseaux, avec beaucoup d’aigrettes, des hérons. Il risque d’y avoir des dégâts très importants sur des communautés d’oiseaux assez remarquables…
La grand majorité des hydrocarbures est issue de la minéralisation et de l’enfouissement d’anciennes mangroves. Il y a donc une continuité entre la végétation de ces espaces et les hydrocarbures en terme de structure chimique. La biodégradation sera donc plus rapide que sur un rocher car ce sont des molécules qui sont plus ou moins connues des communautés microbiennes qui vivent dans les mangroves.
Quand la crise sera passée, on peut donc imaginer qu’il y aura une exacerbation de la vie, ces hydrocarbures seront utilisés comme source de carbone. Les hydrocarbures restent un composé naturel : le problème est très différent que lors d’une pollution par pesticides, pour lesquels aucun organisme vivant ne peut dégrader la molécule. Mais il y aura des impacts écologiques majeurs, c’est certain. Pour que l’écosystème retrouve son intégrité, qu’une forêt se reconstitue et joue son rôle par rapport à la faune, il y en a peut-être pour 20 ou 30 ans.