PARIS — Bruxelles et Paris sont finalement parvenus vendredi à un compromis sur les quotas français de pêche au thon rouge cette année, en allouant 171 tonnes supplémentaires à la pêche artisanale et côtière, mais les pêcheurs industriels font grise mine.
Mercredi, la Commission européenne avait décidé de fermer de manière anticipée la pêche industrielle pratiquée par les thoniers senneurs en Méditerranée, six jours avant la fin officielle de la campagne 2010, arguant que les quotas étaient déjà épuisés. La pêche artisanale et côtière restait, elle, autorisée jusqu’à la fin de l’année.
Cette décision avait provoqué la colère des pêcheurs français, qui contestaient avoir atteint leurs quotas. Et le ministre de l’Agriculture Bruno Le Maire avait demandé à Bruxelles de lui fournir des preuves, réclamant, à défaut, deux jours de pêche supplémentaires pour les senneurs.
Vendredi, au terme de trois jours de bras de fer, la Commission a reconnu que la France n’avait pas utilisé tout son quota. Il lui reste 171 tonnes, selon le décompte du ministère de l’Agriculture et du Comité des pêches maritimes. Un ordre de grandeur confirmé par la Commission.
Pour autant, les senneurs, dont sept bateaux attendaient encore à Malte une levée de l’interdiction, ne sont pas autorisés à reprendre leur activité. Pour eux, la décision d’arrêter la pêche est « irréversible », a prévenu la Commission.
Du coup, c’est la pêche artisanale qui hérite du reste de ce quota, en plus des droits qui lui sont normalement alloués pour cette espèce jugée menacée par les scientifiques et les écologistes.
Bruxelles ne voit pas d’objection à ce transfert, « l’essentiel étant que les méthodes (de pêche) utilisées soient des méthodes durables », a expliqué le porte-parole de la Commission en charge de la pêche, Oliver Drewes.
Autoriser les senneurs à pêcher ce reliquat aurait représenté un risque de dépassement du quota, compte tenu des quantités de poisson qu’ils sont en mesure de prendre en une seule fois, fait-on valoir à la Commission.
Une décision qui n’est pas du tout du goà’t des senneurs.
Malgré l’erreur de la Commission, « le poisson ne sera pas pêché par les senneurs mais par d’autres », regrette Bertrand Wendling de la Sathoan, organisation de thoniers-senneurs basée à Sète (Hérault). Sa décision est « inacceptable car la perte pour nos armements est importante ».
« Cela ne règle rien », renchérit Serge Perez, thonier à Port-Vendres (Pyrénées-Orientales) et vice-président du Syndicat des thoniers de Méditerranée (STM). « Tant mieux pour la pêche artisanale, mais c’est honteux de prendre aux uns pour faire plaisir aux autres ».
De même, Pierre-Georges Dachicourt, président du comité national des pêches, « regrette vivement » que la Commission n’ait pas rouvert la pêche aux senneurs.
Le reliquat « sera pêché par les entreprises lésées, selon des méthodes de la pêche artisanale et par les petits métiers, décimés ces dernières années par le lobbying intensif des ONG contre la pratique, pourtant ancestrale, de la thonaille », affirme M. Dachicourt.
Pour Greenpeace, « en réallouant les quotas à la pêche artisanale, la Commission a adressé un messages aux senneurs: est-on en train d’assister à la fin de la pêche industrielle (du thon rouge)? » s’est demandé François Chartier, chargé des Pêches à Greenpeace.
Les thons rouges peuvent être capturés à la senne, de grandes nasses permettant de les prendre vivants pour les transférer vers des « fermes » et les engraisser en haute mer, ou à la palangre (des lignes d’hameçons) et à la canne notamment.
Ces dernières années, les quotas de capture de thon rouge, très prisé à l’exportation sur le marché japonais où il finit souvent en sushi, ont été nettement réduits, sans que les stocks se renouvellent suffisamment aux yeux des scientifiques.