Ce mercredi 9 juin, une classe du lycée hôtelier de Toulon, accompagnée des professeurs de cuisine, Guy Oboeuf et Patrick Legouy, est attendue sur le petit port du Niel par le Prud’homme pêcheur de Giens, Luc Coupez allias Pépito, et ses amis : Laurence et Jean-Pierre Pirault. La pêche est bonne, la soupe de poissons mijote, le barbecue calé entre les roches de la digue se prépare, et les élèves découvrent la découpe des filets de saupe pour la préparation de carpaccio. Les convives sont surpris de la finesse de la saupe crue, finement découpée et agrémentée d’une bonne huile d’olive et d’une pincée de sel. La diversité des poissons grillés – dorades royales, dorades grises, sars et mulets – permet des comparaisons dans les textures et les saveurs. Le ciel venté et légèrement voilé nous protège du cagnard. L’on échange des recettes, de poissons bien-sà’r. Surprise du dessert, le repas sur la digue prend des allures princières avec les « forêts noires » préparées par les élèves !
La découpe du poisson cru ou cuit est un métier comme en témoignent certaines réflexions :
– Respecte-le ton poisson
– Je le respecte
– Non, tu l’as tordu.
Plusieurs pêcheurs du port, actifs et retraités, viennent échanger quelques mots. L’un d’entre eux raconte la pêche communautaire du lamparo, exercée avant les années soixante, par 3 ou 4 bateaux. L’un d’entre eux portait la lampe pour attirer et concentrer les bancs de sardines et les rapprocher de la côte : » Les bancs remontaient petit à petit en tournant, ils tournaient parfois plusieurs heures…« . C’était avant la poulie remonte-filets et le filet de 40 m de hauteur était remonté à bras. Les heures travaillées étaient longues mais les barcades réservaient toujours 3 caissettes de sardines à faire griller sur la digue, une tradition bien ancienne dans ce petit écrin portuaire.
Avec les dernières tempêtes hivernales, les pannes se sont vidées. Si ces dernières, rodées à toute épreuve, n’ont pas souffert : « Je les ai toujours connues, elles ne bougent pas » confirme Pépito, il en est autrement de quelques vedettes de plaisance. « L’une d’entre elles, mal amarrée, est venue percuter les autres« . Les bateaux de pêcheurs dont les vives couleurs animent le site ont vu, sans dommages, voler les vagues par dessus les roches. Leurs propriétaires veillent naturellement à tendre les amarres. Pensez donc ! Le port, c’est l’antichambre de leur jardin maritime dont les innombrables tumultes sont bien familiers.
« Et bien, vous avez beau temps pour pêcher en ce moment » nous disent certains clients. Heureusement, que l’on a aussi du beau temps, on y a droit à ces jours-là ! Certains matins d’hiver où j’entends le vent, je n’ai vraiment pas envie de me lever pour aller chercher les filets. Mais, question de principe, je ne laisse pas les filets à l’eau, le poisson serait gâché. Et quand je reviens, je suis content, mais vraiment content, de l’avoir fait !
Des yachts de plus en plus grands traversent au large : « Autrefois, quand il en passait un de 20 ou 30 m, nous étions tous sur la digue pour le voir. Aujourd’hui, ils sont beaucoup plus grands et il en passe bien 3 en une heure de temps ». Un autre monde parfois : « Je connais le propriétaire d’un yacht à Cannes, un investissement de 9 millions d’euros. Il passe de temps en temps un week-end en Corse avec ses amis. Son bateau consomme en deux jours 20.000 l, c’est à peu près la consommation de tous les pêcheurs du Niel pour travailler pendant 5 ans ! »
Au port, un collègue s’équipe pour aller caler : « C’est bien parce que j’ai une commande de bouillabaisse… sinon je ne sortirai pas » explique le patron. Et oui ! Dans cette petite pêche du bout du monde et du fond des âges, l’on travaille parfois à la commande.
Puissent nos Politiques faire une belle place à cette pêche légendaire, et préserver le cachet de ces sites portuaires qui sont de véritables patrimoines collectifs.