Inquiets d’un projet de récifs qui leur enlèverait des zones et des postes de pêche multi-centenaires, dans une zone très réduite, du fait de l’étroitesse du plateau continental, les prud’hommes de La Seyne sur mer, Le Brusc et Sanary écrivent au Préfet maritime de Méditerranée et au Préfet du Var :
« Les pêcheurs des prud’homies concernées par cette zone de pêche sont très inquiets du préjudice que pourrait leur causer l’implantation de récifs (400 m² sur 2 m de haut) de part et d’autre du Cap Vieux. Au départ du projet, il était question d’installer ces récifs au droit de la station d’épuration. Depuis la mise en place de la station Amphitria, cette zone est redevenue propre. Malgré tout, les pêcheurs n’y travaillant pas, ils étaient d’accord pour la mise en place d’installations de nature à améliorer la biomasse.
Par la suite, la zone a été déplacée en un lieu très poissonneux, avec une biodiversité spécifique. Elle constitue une zone de pêche importante pour nous, avec des postes de pêche répertoriés depuis plusieurs siècles en prud’homie. S’y trouvent notamment une frayère de rascasses blanches et une petite frayère de soles, ce qui est très rare dans nos eaux. Comme vous le savez, nos zones de pêche sont très réduites du fait de l’étroitesse du plateau continental, et nous ne pouvons pas nous permettre de perdre des sites. Ce projet nous enlèverait une surface importante (de l’ordre de 1 mille sur ½ mille marins) et entraverait notre pratique polyvalente – en l’occurrence des battudes, battudons, entremails calés selon les espèces ciblées » qui est au fondement de la réussite de notre gestion prud’homale. Certains de nos pêcheurs ont déjà perdu une zone importante de pêche avec la zone de la Cassidaigne du Parc des Calanques, nous ne pouvons plus nous permettre de réduire encore nos territoires, sous peine de disparaître.
Enfin, nous ne comprenons pas les raisons qui motivent ce dernier projet :
– modifier un lieu qui est déjà riche avec une biodiversité spécifique, et des espèces rares (non capturées par nos engins) nous paraît discutable d’un point de vue environnemental. Notez qu’il s’agit, sur la partie ouest, de zones d’herbiers de posidonie (une flore protégée) parsemées de vaïres (trous de sable),
– s’il s’agit de mesurer la pollution et la dégradation du milieu engendrées par la station d’épuration, le lieu est très mal choisi. Il y a à cet emplacement un courant inverse du courant ligure qui amène des eaux du large et non de la station. Nous comprenons très bien qu’il y aurait un intérêt à rétablir des espèces sédentaires et des herbiers au sortir de la station mais pas du tout sur la zone nouvellement sélectionnée,
– enfin, s’il y avait des pollutions invisibles à l’œil nu et inodores, engendrées par la station, ce serait signe que celle-ci serait devenue obsolète. S’il y avait un danger pour la santé (produits chimiques, pesticides, médicaments), il faudrait le constater et nous prévenir rapidement.
Ainsi, jusqu’à ce jour, nous avons pu constater que plusieurs organismes scientifiques et plusieurs collectivités locales étaient impliqués dans ce projet, sans que les objectifs en soient clairement établis.
En conclusion, nous vous prions de bien vouloir prendre toutes mesures pour stopper l’avancement de ce projet, en attendant que les objectifs soient clairement définis et qu’ils soient compatibles avec la poursuite de notre activité artisanale. Nous vous demandons également de veiller à ce que notre profession soit concertée tout au long des réflexions, au travers de nos prud’homies et de nos comités des pêches. »