La recherche polaire s’est trouvé d’intrépides et infatigables auxiliaires : les éléphants de mer… L’océan austral, qui s’étend sur plus de 20 millions de km2, est encore mal connu des scientifiques. Les glaces y rendent impossible l’accès des navires océanographiques en hiver et les satellites ne peuvent en observer que la surface. Les mesures in situ sont donc très rares. D’où l’idée de recourir aux champions de la plongée sous-marine que sont les éléphants de mer du Sud (Mirounga leonina) : ces grands phoques, qui passent 90 % de leur temps sous l’eau, effectuent plus de 60 immersions par jour à plusieurs centaines de mètres de profondeur (le record officiel est de 1 998 mètres), pour se nourrir de calmars et de poissons…
Durant les hivers 2004 et 2005, sur quatre îles subantarctiques – Kerguelen (France), Géorgie du Sud (Royaume-Uni), Macquarie (Australie) et Shetland du Sud (Etats-Unis) -, 58 éléphants de mer ont été équipés de balises Argos achetées par le Centre national d’études spatiales (CNES). Fixés sur la tête des animaux, ces capteurs, munis d’antennes, émettaient des signaux permettant de suivre en temps réel leurs déplacements, mais aussi de relever la température et la salinité de l’eau aux différentes profondeurs de plongée…
En mesurant la teneur en sel des colonnes d’eau, les chercheurs ont pu aussi calculer la vitesse de formation et l’épaisseur de la banquise. La congélation de l’eau de mer libère en effet du sel qui, combiné au refroidissement, augmente la densité des eaux de surface, lesquelles plongent alors vers les plaines abyssales. Un processus dont la compréhension est capitale : cette eau antarctique de fond est le moteur de la circulation thermohaline, le grand brassage océanique, dont le cycle, qui dure un millier d’années, joue un rôle majeur dans la régulation du climat de la planète.
Une nouvelle campagne est en préparation en terre Adélie avec, cette fois, des phoques de Weddell.