L’Irak accuse l’Iran de causer une crise écologique dans le Chatt al-Arab BASSORAH,

L’Irak reproche à  l’Iran de provoquer une catastrophe écologique dans le Chatt al-Arab, région où selon la légende locale se situait le Jardin d’Eden, avec le détournement total cette année d’un affluent vital pour le bras d’eau qui sépare les deux pays.

L’obstruction du Karoun, un fleuve de 890 km de long ayant un débit de 1.200 à  1.800 m3 par seconde a aujourd’hui des conséquences dramatiques pour les habitants de la région de Bassorah.

« Depuis 2002, les barrages iraniens avaient réduit le débit du Karoun, mais cette année plus une goutte n’arrive chez nous », explique Oun Dhiab, directeur du Centre national irakien des ressources hydrauliques.

« Notre voisin a complètement obstrué le Karoun qui se jetait dans le Chatt al-Arab et l’a détourné vers son affluent le Bahman Chir, un autre fleuve iranien », a-t-il ajouté.

Long de 200 km entre l’Iran et l’Irak, ce bras d’eau stratégique qui débouche sur le Golfe, reçoit sur sa rive gauche le fleuve Karoun qui descend des montagnes d’Iran.

« Si l’on ajoute, à  cause de barrages turcs, la baisse du débit du Tigre et de l’Euphrate, principaux pourvoyeurs d’eau du Chatt al-Arab, cela aboutit à  une baisse de son niveau et un fort degré de salinité. Ces ouvrages entraînent une énorme crise environnementale », a-t-il ajouté.

« Auparavant, les rejets de la raffinerie d’Abadan n’affectaient ni la qualité de l’eau, ni l’environnement du Chatt al-Arab car le Karoun les poussait vers la mer. Avec le détournement du fleuve, le niveau du Chatt al-Arab baisse et les déchets s’y accumulent », explique pour sa part Naama Ghadban Mansour, le maire d’arrondissement du quartier portuaire de Siba, à  Bassorah.

Les premières victimes sont les pêcheurs. Assis sur la jetée du port de Fao, dans l’extrême sud de l’Irak, Fakhir Abdel Imam, jure qu’il est devenu impossible de pêcher cette année dans le Chatt al-Arab, l’estuaire commun du Tigre et de l’Euphrate.

« La plupart des poissons sont morts et ceux qui ont survécu sentent le pétrole », affirme ce pêcheur de 45 ans, dans son bleu de travail.

Pour ce père de cinq enfants qui pêche depuis plus de vingt ans sur son bateau « al-Safa », la situation s’est aggravée depuis quelques mois, l’obligeant à  s’aventurer dans les eaux profondes du Golfe.

Dans ce port transformé en champ de bataille durant la guerre avec l’Iran (1980-1988), la majorité des 10.000 pêcheurs partagent ses soucis.

« Il n’est plus possible de pêcher dans le Chatt al-Arab, à  cause de son degré de salinité et du pétrole rejeté par la raffinerie iranienne. Nous sommes obligé d’aller dans le Golfe et la concurrence y est très vive », assure Imad Sadeq, 35 ans.

Le revenu de ces pêcheurs qui fournissent le pays en poissons de mer, est en chute libre. « Auparavant, nous rapportions quotidiennement plus dix tonnes de poisson mais aujourd’hui, c’est à  peine si nous en avons la moitié », confie Adnane Ali Qassim, 38 ans, père de huit enfants. Selon lui, la pêche ne lui procure plus que 300 dollars par mois contre le triple auparavant.

Autre conséquence dramatique pour l’agriculture irakienne, l’eau salée du Chatt al-Arab a remplacé l’eau douce du fleuve Karoun du côté irakien après la clôture du fleuve en Iran.

« Nous assistons à  un début de migration de la population. Des habitants quittent leurs maisons car l’eau est devenue trop salée pour leurs animaux et pour l’agriculture », assure M. Mansour qui indique avoir demandé l’aide du gouvernorat.

Le conseiller pour l’agriculture du gouverneur de Bassorah dresse un sombre tableau. « La détérioration depuis près d’un an du niveau d’eau potable et pour l’irrigation endommage l’agriculture, tue les poissons du Chatt al-Arab, provoque le décès ou la cécité de nombreux animaux », exlique Mohsen Abdel Haï.

Et selon lui, « trente fermes piscicoles ont dà’ fermer ».

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