Thon rouge : le problème ce n’est pas l’espèce mais celui de nos choix de production

Artisanat ou industrie ?

Pendant plus de mille ans, les pêcheurs méditerranéens ont ciblé le thon rouge sans mettre en danger l’espèce. Il y avait de tels rassemblements en bordure des côtes qu’ils ont imaginé des pêches communautaires pour répartir les frais et les apports. Madragues et seinches collectives(de petits bateaux munis chacun d’un filet s’organisent pour encercler collectivement un banc. L’on peut imaginer l’art et le savoir-faire pour coordonner l’action sans que le banc ne s’échappe…) ont jalonné le littoral.

En trois décennies, les flottilles sont devenues des armes technologiques de pointe qui détectent les bancs de jour comme de nuit, sur de grandes distances, et les encerclent quelle que soit leur taille, leur profondeur, leur vitesse… Avec la mise en place du grossissement en cage, toutes les tailles sont ciblées et débarquées. Les ventes se feront au meilleur moment sur des marchés asiatiques très lucratifs…

Cette rapide évolution s’est faite dans l’ombre tandis que les feux médiatiques étaient portés sur quelques artisans utilisant la thonaille (des filets emmaillants) en période estivale pour piéger thons, espadons et grandes castagnoles, et approvisionner le marché local.

Les QIT en mer, c’est comme les OGM à  terre

Avec les QIT (quota individuel transmissible) ou autre droit de pêche non collectif, que l’Union Européenne propose aujourd’hui, l’on aura la même expansion technologique sur d’autres espèces.

Les QIT qui permettent d’acheter et capitaliser des droits de pêche donnent la main aux grandes sociétés sur des ressources vivantes. C’est l’équivalent des OGM à  terre, une appropriation du vivant par de grandes sociétés. Sous couvert de gestion environnementale, ces droits vont permettre aux grands armements de mettre la main sur les ressources exploitées aujourd’hui par des flottilles artisanales. La pression est forte puisque d’un côté le marché des produits de la mer est le plus grand du monde et en expansion, et que de l’autre la flottille européenne est majoritairement artisanale : plus de 80% des bateaux mesurent moins de 12 m.

Comment ces petites flottilles artisanales peuvent-elles se faire entendre quand elles se retrouvent face aux lobbies portés par de grands groupes : Findus, Carrefour et leur label privé MSC ? Et pourtant, était-ce le rêve de tout citoyen que de vivre entre des ports industriels et des grandes surfaces ? Ne pourrions-nous imaginer un modèle de développement à  partir de « territoires régionaux compétitifs » plutôt que de grands groupes compétitifs ?

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