Q I T : PEUT-ON éVITER L’IRRéPARABLE ?

La Commission Européenne s’apprête à  valider sa proposition de généraliser
les quotas individuels transférables (QIT), déjà  mis en oeuvre dans plusieurs
pays européens. Les armateurs industriels espagnols en frétillent déjà  d’impatience car ils vont pouvoir se ruer sur les lambeaux de la pêche hauturière française.

Une fois l’accès aux ressources privatisé, il sera pratiquement impossible de
revenir en arrière à  moins d’un effondrement du système spéculatif que ces QIT
risquent d’engendrer, comme en Islande.

La bureaucratie européenne, les industriels,
la majorité des scientifiques, et une bonne partie des mouvements écologistes
défendent cette option. Comment y résister face à  une opinion façonnée
par les discours et les images qui présentent les pêcheurs comme des «Madoff
spéculateurs’, des conducteurs de bulldozers des mers ?

Bien sà’r, écologistes, responsables européens et scientifiques s’empressent
d’ajouter qu’ils défendent la petite pêche, surtout très petite, réduite au minimum, cantonnée dans les 12 milles, sur des bateaux de moins de 12 mètres. Eux n’auront pas de QIT mais comment partagera-t-on les stocks chevauchant
les 12 milles ?

Les derniers pêcheurs qui résisteront se replieront de plus en plus nombreux
sur la bande côtière déjà  largement occupée, souvent surexploitée et polluée,
mais de plus en plus convoitée par les pêcheurs « amateurs ‘, les réserves
intégrales, les champs éoliens, les extractions de toutes sortes. Depuis des siècles, les pêcheurs artisans les plus audacieux ont toujours cherché à  dépasser la bande côtière pour accéder à  des ressources au large, au moins pour des pêches saisonnières. Réduire ainsi leur zone d’activité, c’est les condamner à  une réduction de leurs captures, mais n’est-ce pas le but recherché par tous ceux qui, effrayés par
les désastres environnementaux à  terre, rêvent d’un océan vierge de toute présence humaine ?

Pendant ce temps, on laissera champ libre en haute mer aux nouveaux
seigneurs, rentiers des océans, utilisant de la main-d’oeuvre bon marché du Sud, mais on ira aussi de plus en plus se ravitailler dans ces pays du Sud, dans des fermes aquacoles industrielles, tant qu’elles n’auront pas complètement pollué les zones côtières.

L’Europe était un beau rêve C’est devenu un cauchemar. Aurons-nous encore
la force de lui donner un sens dans un espace maritime qui dépasse nécessairement
les frontières ?

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Cf le bulletin en ligne sur le site du Collectif
ou à  télécharger

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