La pêche au thon en Méditerranée

 » Le thon, c’est le poisson roi de la Méditerranée, c’est le plus prisé, le plus recherché, tout le monde en demande. C’est ce qui en fait sa misère au thon car tout le monde le pourchasse, le surexploite…

Ici, nous sommes à  St Elme, un tout petit port de pêche typique de Méditerranée, avec ses pointus, des bateaux traditionnels pointus des 2 côtés. Ils mesurent entre 5 et 8m20 de long, il y en a une dizaine. Avec ces bateaux, on pêche la bouillabaisse, les poissons de roche et même des thons puisqu’on les prenait au filet quand ils venaient dans la rade…

Bilan des 30 dernières années, on est la moitié moins. Ce n’est pas dà’ au fait que les gens se désintéressent de la mer, tout au contraire, mais c’est dà’ au fait que l’on a privatisé la mer…

Dans les années 1980-83, la France a décidé qu’on ne pêchait pas assez et que l’on importait beaucoup. Elle a donc décidé de développer la flotte de pêche et de déréglementer nos règlements méditerranéens. A l’époque, nous étions un groupe à  dénoncer la mise en place de l’organisation du pillage de la ressource. C’est une chose que nous avons vécu…

Dans l’ensemble la ressource a diminué mais le vrai problème est que l’on a permis à  certains de trop pêcher, d’aller piller la ressource, de créer des bateaux surdimensionnés, avec des surpuissances de moteur ; on a créé des engins de destruction massive.

C’est un gâchis socio-économique et un gâchis pour la ressource…  »

Didier Ranc, Président de l’UIPMPM (union intersyndicale des petits métiers de la pêche méditerranéenne)

« Le Japon entre en piste dans les année 90, c’est le plus gros marché consommateur des produits de la mer au niveau mondial, et de très loin. Surtout pour le poisson crà’. Or le thon rouge de Méditerranée est considéré comme le somôme… l’idéal du palais des gastronomes japonais. On capture, début juin, du poisson vivant que l’on transfère dans des cages et que l’on nourrit comme des oies pour les vendre à  des prix extrêmes en fin d’année pour les vendre à  un prix de base de 1200 € du kilo.

Les bateaux font de 40 à  42 m, ils sont bardés d’électronique à  bord, avec des investissements de 5 à  7 millions d’euros. Ils ont un énorme bulbe à  l’avant pour détecter les bancs de thons et un radar oiseaux qui les détectent à  25 km… Ils sont profilés à  l’avant, taillés pour la course. Ils ressemblent plus à  des formules 1 qu’à  des chalutiers et se déplacent à  35/40 km/h. Il y a beaucoup de bateaux lybiens à  Sète, exploités par les sétois dans les eaux lybiennes… La concurrence est très grande entre les pays pêcheurs et il faut sans cesse améliorer le matériel car c’est le premier sur le banc qui l’emporte. Cette surenchère de moyens et d’argent exerce donc une forte pression sur l’espèce »

Stephan Baucher, expert des pêches pour les associations

 » Cette zone méditerranéenne qui est petite puisqu’elle fait 3 million de km² est la plus productive. Près de la moitié du thon rouge mondial est pêché ici. L’espèce est très menacée car elle est vendue très chère et des milliers de bateaux viennent pêcher ici pendant la saison de ponte dans laquelle le poisson est concentré pour revendre leurs prises au Japon. Entre 1994 et 2007, 50 à  60.000 tonnes de thons ont été capturés annuellement, ce que tous les scientifiques jugeaient irresponsables. Jusqu’en 2007, aucune loi ne s’appliquait véritablement dans cette pêche. Depuis 2009, avec la pression du WWF, de Greenpeace… la position de l’ICCAT a changé et des efforts sont faits à  tous les stades : recherche, gestion, statistiques, suivis commerciaux… Par ailleurs, il y a eu de très bonnes naissances de thons dans l’océan il y a 3 ans et je serais assez optimiste sur la récupération du thon si l’ICCAT poursuit ses efforts….

Alain Fonteneau, Institut de Recherche et de Développement

Ces bateaux sont des unités capitalistiques qui coà’tent chères et qui exigent de pêcher beaucoup pour être rentabilisées. Les quotas par bateau posent donc des problèmes de rentabilité. Il y a un problème d’adéquation entre les quotas disponibles et la capacité de pêche. Nous sommes passés de 32 bateaux à  17 en 2 ans. Les pêcheurs sont contraints de détruire leur unité avec les compensations de l’Europe, ou de s’associer entre eux pour cumuler leurs quotas respectifs… Et 3 frontières plus loin, les copains peuvent faire tout et n’importe quoi. Dans un système d’ingérence globale, celui qui respecte les règles est le premier à  mourir…

Bertrand Wandling directeur général des producteurs Sathoan, organisation qui produit à  elle-seule la moitié des quotas français

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