L’utilité de la fragile nacelle translucide de la femelle argonaute, beaucoup plus volumineuse que le mâle dépourvu de coquille, a longtemps intrigué les biologistes. Une équipe de chercheurs d’Australie a levé ce mystère.
En faisant varier la position de leur frêle coquille pendant la descente, ces élégants poulpes cherchent à atteindre une flottabilité optimale
Yasushi Okumura, Japan Underwater Films – Yasushi Okumura
Trop fine pour offrir une protection aux prédateurs, cette nacelle blanchâtre semblable à un élégant drapé plissé aurait pu servir à abriter les oeufs, selon l’hypothèse la plus fréquemment admise jusque là .
Mais une nouvelle étude révèle que son premier rôle est de permettre à ce céphalopode de monter et de descendre entre le surface et une dizaine de mètres de profondeur dans l’océan, en utilisant l’air emprisonné dans cette poche comme système de régulation pour flotter sans effort entre deux eaux.
« En observant sous l’eau les argonautes sauvages, nous avons découvert les cinq étapes du processus qui permet aux femelles de capter de l’air en surface et de le transporter en profondeur », explique Julian Finn (Museum Victoria, Melbourne), coauteur de l’étude.
En faisant varier la position de leur frêle coquille pendant la descente, ces élégants poulpes cherchent à atteindre une flottabilité optimale, soulignent les chercheurs.
Les résultats auxquels ils sont parvenus remettent en cause la croyance selon laquelle les poches d’air dans la nacelle étaient néfastes et responsables d’échouages parfois massifs d’argonautes sur les plages du monde entier.
« L’étude démontre que l’air dans les coquilles des femelles argonautes n’est pas seulement bénéfique, il est essentiel », souligne M. Finn dans un communiqué.
En ajustant la quantité d’air captée en surface, les argonautes femelles choisissent la profondeur à laquelle elles peuvent demeurer en équilibre entre deux eaux.
Plus elles descendent profond grâce à une sorte de jet de propulsion, plus le volume d’air retenu dans la frêle coquille est compressé et donc réduit, ce qui joue sur leur flottabilité.
M. Finn pense que cette remarquable capacité de contrôle n’avait pas été détectée jusque là parce que les précédentes expériences avaient été réalisées dans des aquariums trop peu profonds.
Relâchées en mer à deux à sept mètres de profondeur par des scientifiques en tenue de plongée, les argonautes dont les nacelles avaient été préalablement vidées de tout air, se sont immédiatement précipitées à la surface de l’eau. En inclinant leur frêle coquille, elles ont capté un volume précis d’air et ont scellé la poche d’air grâce à deux de leurs tentacules avant de redescendre sous l’eau.