Tu vois comme on est bien géré de Bruxelles ? Le quota de 49,5 t de thons pour les 61 petits bateaux* que nous sommes est déjà épuisé par la pêche dans le Golfe du Lion. Y a tellement de thons qu’en 15 jours, à raison de 15 à 20 débarques par jour, le quota est terminé. Et les pêcheurs du Var et des Alpes Maritimes n’ont pas eu la possibilité de pêcher. Le thon suit un parcours en commençant par le Golfe du Lion avant de remonter vers l’Italie. Il commence à peine à y en avoir ici. Certaines mattes sont même rentrées dans la rade de Toulon, elles suivent l’anchois à terre. Certains pêcheurs ont essayé d’en prendre mais, avec les profondeurs qu’on a, il ne se prend pas à la palangre. Les lignes et les cannes ne sont vraiment efficaces et rentables qu’à partir de juillet et, d’ailleurs, cette pêche là n’était pas encore ouverte**. C’était fatal qu’avec ce dispositif, on n’en pêcherait pas. On a demandé à avoir un quota départemental mais cela n’a pas suivi… Il manquerait plus que l’on nous retire notre PPS thon (permis de pêche spécial) pour l’année prochaine parce que l’on n’aura pas eu de captures cette année…
Maintenant qu’il y a des milliers de thons qui approchent, on va les regarder passer et on se reportera sur les autres espèces déjà bien ciblées… C’est une gestion aberrante. De mémoire de prud’homme, on n’a jamais agi ainsi.
En Italie, le gouvernement soutient la pêche artisanale. Il a accepté le moratoire pour la pêche à la senne***. Les senneurs ont été indemnisés et ce sont des pêcheurs artisans qui pêchent les thons avec des petits bateaux. Ils ont des thonailles (filets dérivants) à bord et des palangres. Ils font ce que leur gouvernement leur permet de faire. Pourquoi notre gouvernement ne nous soutient pas en France ? Il suffit de passer la frontière pour avoir un régime différencié. C’est cela l’Europe ?
Ce qui a permis de gérer nos eaux et de préserver nos territoires depuis des siècles, c’est la diversification de nos engins de pêche**** maintenues grâce à la gestion prud’homale. L’Europe est en train de nous interdire les métiers et les espèces, les uns après les autres. C’est une gestion des stocks, conçue pour des pêches industrielles et des pêches intensives. On exploite certaines espèces puis on passe à d’autres quand elles sont mal en point… Ce n’est pas une gestion des écosystèmes et des territoires pris dans leur ensemble. Et ce n’est pas du tout adapté à la Méditerranée…
La gestion d’un territoire, ce sont tous les impacts qui doivent être pris en compte. On nous bloque la pêche des thons. Dans le même temps, les plaisanciers pêchent sans gestion*****, ni contrôle, et la Marine procède à des pétardements sous-marins. Ironie du sort, hier, alors qu’il y avait les mattes de thons, des charges de 90 kg ont explosé dans la grande rade de Toulon…
Didier Ranc, Prud’homme de La Seyne sur mer
Jean-Michel Cei, Prud’homme de Sanary
* Il s’agit des pêcheurs qui vendent hors OP (Organisation de Producteurs). Au total, le quota est de 95 tonnes pour 77 petits bateaux.
** Règlement CE n°302/2009 du 6/04/2009, la pêche de thon rouge pour les canneurs à appât et ligneurs à lignes de traîne est interdite entre le 15 octobre et le 15 juin. Idem pour la pêche sportive et de loisir.
***En 2010 en Italie, ce serait plus l’effet d’une mésentente entre les patrons des armements de thoniers-senneurs concernant les regroupements de quotas qu’un moratoire voulu par les pêcheurs ou le gouvernement…
**** C’est aussi une utilisation rationnelle et contrôlée des engins de pêche.
****** Est prévu un quota de 9 t pour les seuls plaisanciers faisant partie d’une Fédération…
Autres articles :
– Thon rouge, espadon, dorade rose : pour une réglementation qui colle au terrain
– Thon rouge, bilan négatif pour les pêcheurs artisans et l’environnement
– Thon rouge : la voix des pêcheurs artisans