Les quotas individuels transférables dans toute leur réalité : un rapport de l’OCDE

navire usine Reyjkavik photo de Yves Lebahy en juin 2011

« L’indécente promotion des QIT par l’OCDE »

En 2009, le scientifique islandais Jon Kristjansson écrivait sur son site : « Je soupçonne la « science ‘ d’être un outil pour établir des restrictions telles que le système des quotas puisse être maintenu, La réduction des débarquements mène à  des prix plus élevés du poisson et plus d’argent pour les propriétaires de quotas qui les louentLa science est utilisée pour faire peur comme le pape au Moyen Age : « Qui sera responsable de la capture du dernier poisson ?’

La publication par l’OCDE d’un bref rapport à  la gloire du modèle islandais de gestion par les QIT illustre parfaitement l’analyse de Jon Kristjansson. Il vient à  point pour conforter les propositions de réforme de la PCP, il montre aussi très clairement quels seront les résultats de la mise en œuvre des QIT en Europe et l’aboutissement d’une gestion centrée non sur la ressource mais sur la recherche du profit maximum.

Les QIT entraînent la baisse des TAC (taux admissible de captures)

Le rapport s’intitule « Ensuring a sustainable and efficient fishery in Iceland ‘ et a été rédigé par Gunnar Haraldson et David Carrey, deux chercheurs de l’OCDE. Il commence par vanter l’efficacité du système des QIT pour assurer la pérennité des stocks, ce qui paraît d’ailleurs curieux parce que leur propre graphique montre que la gestion par les QIT a abouti à  diviser les captures de morue par deux en 25 ans, de 300 000 T à  150 000 T. Ils se félicitent en effet de ce résultat parce que les QIT créent une pression politique en faveur d’une limitation des TAC, favorable à  une meilleure valorisation des quotas. Ils se félicitent également d’une augmentation de la taille moyenne des bateaux, gage, selon eux, d’une meilleure efficacité. Cette limitation des TAC, associée à  l’augmentation de la taille des bateaux, permet d’accroître la rente.

Logiquement les QIT condamnent la pêche artisanale

Mais nos deux économistes, emportés par leur enthousiasme, ne veulent pas en rester là . Il faut améliorer l’efficacité du système, c’est-à -dire, la rente et la profitabilité des entreprises. Ils manifestent ainsi clairement que le but des QIT n’est pas d’améliorer la gestion des ressources pour fournir une nourriture de qualité mais de dégager le maximum de profit, signe pour eux d’une plus grande efficacité. Bien évidemment, comme seuls les gros bateaux dégagent le profit maximum, nos deux chercheurs demandent de renoncer au système qui protège la pêche côtière car celle-ci « a des effets négatifs sur l’efficacité du système de gestion des pêches ‘. Il est donc préférable d’éliminer la pêche côtière et artisanale pour développer d’autres activités dans les zones rurales. Ils suggèrent pour cela d’investir dans l’éducation et des infrastructures. De telles propositions vont certainement ravir et rassurer les pêcheurs côtiers auxquels ils proposent un avenir radieux avec des activités plus profitables, mais sans préciser lesquelles.

Les QIT remettent en question les droits des pêcheurs

Nos généreux économistes libéraux n’en restent pas là . Pour eux, il faut lever toutes les restrictions aux investisseurs étrangers dans la pêche car ceux-ci auront aussi intérêt à  peser en faveur de restriction des TAC, ce qui leur assure la rente maximale. Ils sont cependant conscients que l’introduction de capitaux étrangers en Islande s’accompagne de l’utilisation d’une main-d’œuvre non soumise au droit social islandais. Loin de remettre en cause le dumping social, ils proposent une phase de transition pour permettre le transfert de la main-d’oeuvre islandaise vers d’autres activités.

Voilà  l’illustration parfaite de l’aboutissement de la dynamique mise en œuvre par les QIT en vue d’assurer le profit maximum : élimination du secteur artisanal concentration des armements, dégradation des conditions des matelots, délocalisations et mort des communautés de pêcheurs. La logique de recherche du profit maximum n’est pas celle du rendement maximum durable, et les garde-fous mis en place pour protéger le secteur artisan risquent d’être en permanence remis en cause au nom du profit maximum des seigneurs de la pêche qui disposeront du pouvoir et des capacités de lobbying si on ne veut pas leur céder.

Alain Le Sann, Secrétaire du Collectif Pêche & Développement, 5 Octobre 2011

rapport OCDE sur les QIT

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