Communiqué du Collectif Pêche et Développement
Dès le vote de la Réforme par le Parlement Européen, deux déclarations sont venues confirmer les analyses que nous ne cessons de répéter depuis le lancement du projet. L’un des dirigeants de Pew déclare dans le New York Times que cette réforme reprend la politique mise en œuvre aux Etats-Unis. Maria Damanaki, pour sa part, est venue vanter sa politique de croissance bleue en faveur de l’aquaculture, des énergies marines, des extractions de toutes sortes qui sont bien connues pour leur impact sur l’environnement. On connaît les résultats de la Politique américaine : privatisation massive des droits de pêche, mise en réserves intégrales sous le contrôle des ONGE et des compagnies pétrolières, comme en Californie. Si la majorité des stocks n’est plus surpêchée, cela est dà’ à une réduction massive de l’effort de pêche plus qu’à la privatisation en soi. Il n’y a aucune croissance des débarquements là où ces politiques sont mises en œuvre, par contre le nombre de pêcheurs s’effondre, des ports disparaissent, particulièrement en Nouvelle-Angleterre où cette politique est totalement inadaptée aux pêcheries démersales plurispécifiques, du même type que les pêcheries bretonnes.
Cette politique écolo-libérale a été préparée par la commission Pew sur les Océans. Pew et diverses fondations issues des grosses multinationales américaines, dont la plus puissante, Walmart, bien connue pour ses pratiques sociales scandaleuses, ont décidé de promouvoir ce type de politique en Europe. Ils ont pour cela créé un « faux nez ‘, Océan 2012, coalition d’ONGE et de quelques pêcheurs, totalement sous le contrôle de Pew. Ils ont appâté, le monde de la petite pêche avec l’appui de Greenpeace et du WWF pour se donner une image sociale masquant leur projet libéral et socialement destructeur. Ils ont engagé une gigantesque campagne de propagande de plusieurs centaines de millions de $, créant de toutes pièces des ONG, finançant des études, des agences de relations publiques, des journalistes, des films. Le but était de créer un sentiment de catastrophe et d’urgence absolue devant des océans vides, pillés par des pêcheurs destructeurs, incapables de gérer. Il y a là une part de réalité, mais il fallait surtout mobiliser le grand public par des images et des films-choc pour faire pression sur les élus du Parlement. Ces derniers, soumis à un lobbying intense, incapables de résister du fait de leur méconnaissance absolue du sujet ont finalement été bien contents de se donner une image verte à peu de frais, aux dépens de pêcheurs totalement marginalisés. Cela a marché aux Etats-Unis et cela a marché en Europe.
Cette victoire acquise au prix d’une manipulation éhontée du public et des élus n’est qu’une étape vers la généralisation de politiques encore plus rigoureuses de dépossession et de mise sous tutelle des pêcheurs. Ces politiques fonctionnent déjà en Europe du Nord, en Suède (2/3 des pêcheurs ont été brutalement éliminés) et au Danemark. Ce dernier pays se paie le luxe d’apparaître comme un modèle de vertu alors qu’il pratique la pêche industrielle la plus destructrice qui représente près de 20% des captures européennes : une pêche pour faire de la farine. Les élus ont réussi à totalement oublier cette pratique, il est vrai qu’il n’y a pas de rejets En France, le rapport organisant la mise en place des QIT (quotas individuels transmissibles : l’outil d’appropriation privative des ressources marines) Dans la suite du programme, les caméras s’installeront sur les bateaux, payées par les pêcheurs, les réserves intégrales seront multipliées, les océans livrés aux nouveaux investisseurs de la croissance bleue, sans concertation, ni reconnaissance des droits des pêcheurs. On organisera « humainement ‘ l’élimination massive de pêcheurs, comme le dit Mme Rodust, rapporteuse du projet, même si le Parlement promet par ailleurs que, d’ici 2020, la réforme permettra de débarquer 15 millions de tonnes supplémentaires et de créer 30000 emploisViendront ensuite, la remise en cause de la détaxe des carburants, la recherche du rendement maximal économique, au-delà du rendement biologique maximal, et donc un nombre encore plus restreint de pêcheurs. On ira probablement vers une recherche de « l’intégrité ‘ des écosystèmes marins avec interdictions des arts traînants.
Cette réforme intervient alors même que la situation des stocks s’améliore en Atlantique et même en Méditerranée pour le thon rouge. Tous les pêcheurs le disent, l’espèce la plus menacée est celle des pêcheurs accablés d’une multitude de contraintes peu cohérente. Les pêcheurs ont mesuré l’impact de la surpêche et ont proposé des mesures de gestion efficaces quand on leur en a laissé la possibilité. Il reste du chemin à parcourir pour adapter la pêche aux ressources et aux nouvelles réalités (énergie, biodiversité), mais une réforme cohérente aurait dà’ renforcer les capacités d’adaptation des pêcheurs accompagnés par des scientifiques de terrain et de confiance, ainsi que des ONGE respectueuses des droits des pêcheurs. Au lieu de cela, la réforme a dégagé le terrain à tous les appétits mobilisés pour la conquête de la nouvelle frontière maritime et la croissance bleue. La défense d’une petite pêche, nécessaire, mais cantonnée dans les 12 milles, ne peut servir qu’à masquer une liquidation de la pêche artisanale sur le reste de la ZEE.
Collectif Pêche et développement – 8 février 2013