Reportage audio : Pêcheur lorientais
S’il s’excuse de ne pas être « cultivé » et a préféré garder l’anonymat, ce marin-pêcheur lorientais n’en n’est pas moins une page de bibliothèque vivante, de cette époque où l’emblématique armement de pêche industrielle Jégo-Quéré armait jusqu’à quinze chalutiers industriels en mer d’Ecosse : il a notamment embarqué sur le chalutier le Ludovic Quéré, avant d’opter pour la pêche côtière à son propre compte, vie de famille oblige ! Ce marin lorientais aura alors deux chaluts, les « Pousse au loin ». Mousse à l’âge de treize ans et demi « avec les bottes et le ciré des anciens », ce marin pêcheur natif de Gavres a ainsi connu l’époque florissante de la langoustine, la « demoiselle du Guilvinec », et la vente au « pan coupé » selon l’expression calquée sur la forme du quai de Lorient, où les pêcheurs vendaient « à l’entente », le produit de leur pêche : « mais c’est moi qui fixait le prix ! » Parmi les corvées qui incombaient au mousse – dont l’appellation vient de la lessive qui mousse quand il frotte le pont – la fabrication de la rogue, l’appât pour la pêche à la sardine, à base d’œufs de morue. Sa variante, à base d’œufs de maquereaux, laisse encore quelques souvenirs tenaces ! Alors, la sardine se pêchait à la bolinche, et se vendait « au mille », soit deux cents sardines par caisse.
La pêche a eu des moments difficiles ? « Très sombres, 1993, huit mille pêcheurs ont manifesté à Rennes » mais quand le Parlement de Rennes a brà’lé « on a eu le dos large, de nous mettre ça sur nous…je ne vais pas plus loin. » Aujourd’hui, son bateau de pêche pour la plaisance, et le tour du port deux à trois fois par semaine pour voir le poisson, les cours, la criée : « les nouvelles », en somme. Et, une fois l’an, une présence assidue au Festival International de Films Pêcheurs du Monde.
Placide, notre marin pêcheur jamais ne se départit de son couteau. En mer, un couteau, ça vous sauve la vie.
Et de fait, mieux vaut une fine lame qu’un nom à rallonge. Si le vieux marin veut rester anonyme, c’est parce qu’il sait que nous le sommes tous un peu, dès lors que les vents se font contraires. Plaira à qui le chante, de croire le contraire… .