A croire qu’ils s’étaient tous donnés le mot pour leur dernier show : barracuda, sériole, pélamide, sole, saint-pierre, langouste, rascasse, sar, pagre, dorade rose, thon, espadon, requin, girelle, mulet, saupe, dorade royale, maquereau, rouget, merlu, calmar, seiche, grondin, chapon, moustelle, soupe de roche rarement les étals avaient été aussi diversifiés !
A notre arrivée, trois pêcheurs découpaient un énorme thon à même le quai, scène antique dans notre monde aseptisé, l’équipe télé venue d’Angleterre pour une émission cuisine pouvait se réjouir d’une telle mise en scène. Savait-elle seulement que ce jour-là n’était pas ordinaire ? Nous retrouvions les pêches de fin d’été, semblables à certaines journées printanières mais, faute de temps clément, ces dernières avaient manqué, comme avaient aussi manqué les pêches d’un hiver par trop malmené par les tempêtes.
Quelques prises de vues et notre star en gastronomie, Jenny Morris, était partie chercher des moules et des olives au marché. Pour la suite, l’équipe de l’Encre de mer et de Slow Food Provence lui avaient réservé une bouillabaisse « maison ‘ préparée par Jean Canale, pêcheur au gangui et représentant de la prud’homie des Salins d’Hyères. Il est des pêcheurs qui sont nés acteurs là encore, la mise en scène était impressionnante : une belle table en bois, un chaudron gaulois, les ingrédients prêts à être assemblés. Jean avait gardé un congre à débiter – « avec un couteau à dents, c’est mieux ! ‘ – une seiche à nettoyer, ce qu’il fit en un tournemain : « à‡a fait 40 ans que je les manipule ! ‘ Polyvalents nos pêcheurs ? Au fait, comment traduit-on « farigoulette ‘ ? Les herbes de Provence (laurier, romarin, farigoulette) cueillies dans le jardin, pas très loin du barbecue conçu tout exprès pour ce plat mythique, étaient bien « de Provence ‘.
Labridés, rascasses : « le poisson phare de la bouillabaisse ‘, la murène : « encore plus goà’teuse que le congre dans ce plat ‘ Une petite assiette intrigua particulièrement nos convives : « En Méditerranée, la ressource est en petite quantité ; déjà , il y a des espèces qui ne viennent que de la petite pêche, c’est pas rare mais pas courant non plus Dans la « bouillabaisse-pêcheur ‘, c’est indispensable ! ‘ Les habitués auront identifié cigalons et crabes, de taille adulte naturellement, le cigalon ne venant pas gros comme la cigale.
Au plat traditionnel qui mélange tout à trac mais dans un ordre calculé, les différents poissons dans l’eau claire, Jean a apporté sa touche : un bouillon de poissons de roche « Pas n’importe quelle soupe achetée au magasin ; les bocaux, ça ne veut rien dire, il peut y avoir de la truite, un aileron de requin, une queue de congre là , on change pas de goà’t, il n’y a pas de choc, ce sont des poissons de la même famille (labridés) que ceux de la bouillabaisse mais plus petits. Attention ! Plus petits mais matures : certains labridés comme les « canadelles » sont adultes à 5, 7 cm‘ et surtout des poissons ajoutés progressivement en fonction de leur texture et de leur grosseur. Le résultat fut splendide et savoureux. Le fin saint-pierre comme le charnu grondin étaient fermes à souhait, rien ne se dépichait en morceaux, en miettes, les dés de seiche comme les carrés de pommes de terre étaient croquants, juste comme il faut. Dernière précision, les poissons étaient de la veille : « On n’est pas sà’r du temps, c’est mieux d’avoir un peu d’avance, et puis c’est meilleur que le poisson soit un peu « rassis ‘.
Melon jaune en apéro, tarte et gratin aux figues en dessert, un festin local et de saison, le « fun ‘ de la gastronomie !