Reportage audio : Catherine RAOULAS – L’ENCRE DE MER
Pas besoin d’un sextant pour se repérer dans Lorient : vous voyez le Bar des flots ? Si vous ne voyez pas « le ‘ repaire des amis de l’élément liquide et de la mousse, auréolé à la gloire de Raymond Poulidor autant que de la pêche, vous risquez de passer pour un bleu. « Et dès que tu vois le Crédit maritime, tu tournes à gauche. ‘ Pas de politicaillerie, mais le droit chemin pour s’y rendre :
Jouxtant Le Galion, l’autre bar, celui-là même où les pêcheurs touchaient leur paie en un premier étage révérencieusement resté en l’état, pour la dépenser sitôt dégringolé au rez-de-chaussée avant de retourner en mer se refaire le porte-gousset, ils sont là . « Huit conteneurs de quarante pieds ‘ vous explique une tignasse rousse, « …quarante pieds, c’est douze mètres de long. ‘… avis au bleu. «Et à côté, quatre conteneurs de vingt pieds. ‘, Faites vous-mêmes la conversion. « Le douze mètres, c’est le lieu noir, et le vingt pieds ‘ » on attend votre conversion » « c’est le lieu jaune. ‘ Allusion évidente aux poissons. Des conteneurs qui ne traverseront plus les mers. Et après ? La mer, elle est désormais à l’intérieur des conteneurs : «Mon inspiration, c’est le poisson, la mer, les pêcheurs, le métier. Et cela m’inspirera toute ma vie. Je suis incapable de faire autre chose. ‘
Voire. Seulement, quand on n’est pas une barbe jaunie au tabac de contrebande, mais un bout de femme à la tignasse en bataille finie par des kickers à bout rond, comment convaincre les gaillards ?« J’suis limite port de commerce, port de pêche. Quand on arrive, on pourrait croire à une zone en ruine. Mais elle n’est pas en ruine du tout. C’est assez austère, mais on s’aperçoit qu’il y a des gens qui font osmose avec ça. L’aspect brut de l’environnement correspond à l’aspect des gens. Au début, on se demande où est-ce qu’on arrive et comment on va bien pouvoir discuter avec eux. ‘ Les kickers campées dans le sol et les poings dans les poches au moment de causer, Catherine Roualas n’a pas eu besoin de savoir y faire. Sans leur dire, elle était des leurs : «j’aime bien les gens qui sont quelque part par nécessité. Et qui en sortent meilleurs. Et moi, je veux m’inscrire dans « ça ‘.
La rushbod de Catherine, c’est eux. Les pêcheurs. Ce côté « brut de décoffrage ‘ qui garantit le vrai. Etres humains frelatés, s’abstenir. D’ailleurs, à force de voir ses conteneurs faire le pied de grue sur leur terrain de jeu, les gaillards l’ont embarquée. Deux embarquements de douze jours à bord d’un chalut de fond de la Scapèche : « J’habite à vingt mètres, alors ! ‘. Vous pensez d’un motif. « Donc là , au mois de septembre, je rembarque sur le même bateau parce que je commence à connaître l’équipage … ils vont redescendre sur Concarneau pour la visite annuelle, donc c’est l’occasion de discuter avec les gars un peu plus calmement. ‘ Pour un peu, la routine. Deux jours sans pêche à redescendre l’Ecosse avec eux, le canal Saint Georges : « en tant qu’artiste, je suis aussi sensible aux paysages… . ‘
Il y avait le bleu labellisé Klein. Il y a désormais aussi le bleu Mapa et le jaune Cotten des peintures de Catherine. Ciré jaune et casque obligatoire. Catherine croque et dessine ses pêcheurs dans le mouvement : «et sur un chalut de 46 mètres, du mouvement, il y en a ! ‘. De l’élégance taillée dans le métier. Sur quoi peint-elle ? « Sur des cartes marines, mais pas des cartes qui sortent du commerce. Des cartes qui ont vécu, où il y a les tracés de chalut et les marques de verres dessus. ‘. Les poissons, eux, sont taillés dans de la planche de récup’, avec des clous pour dentition, à vous flanquer le tétanos. « Moi aussi ,je suis un peu brute, au sens de sortir du beau de quelque chose de vrai. C’est ma force. De tout moment dur, si on se donne un peu de mal, on peut sortir quelque chose de chouette. ‘ La beauté du geste, c’est son univers. Et c’est vrai que c’est beau.
Alors, cette touche ex-garçon manquée pour faire comme les pêcheurs ? « Quand ils sont au chalut, je ne peux pas les aider, ce serait dangereux pour eux et pour moi. Petite, j’étais triste de ne pas être un garçon, maintenant je suis ravie d’être une fille, pour être artiste. ‘ Artiste pour eux : « l’émerveillement, il l’ont au fond d’eux-mêmes. Mais ils ne vont pas le dire. Alors, je suis un peu là pour ça. ‘
Catherine à « hâte de rembarquer. ‘ Septembre, nord Ecosse, pinceaux en mains. Et osmose avec son élément : « depuis toute petite, j’aime étriper le poisson. C’est bizarre, mais c’est comme ça. ‘
Pascale Marcaggi
Photographies : Sophie Hourdin-Marty