On n’est pas qu’en train d’éventrer les poissons !

Marie Cadieux, photo Sophie H-MartyLa réalisatrice Marie Cadieux a présidé le jury professionnel du Festival international de Films Pêcheurs du monde 2014. Impressions depuis « l’autre côté de la barrière »….

« La pêche est tout de même le ciment de toute une société, je ne crois pas qu’il y ait de honte à  en parler, bien au contraire, on devrait en être fiers ‘ lançait la réalisatrice Marie Cadieux à  l‘antenne de Radio Canada lors de la première projection de « Petits bateaux. Grande vision’, son dernier long métrage documentaire, traitant de la lutte menée par les pêcheurs côtiers pour s’organiser en Union des Pêches Maritimes, afin de sauver leur moyen de subsistance. Un moyen de subsistance qui épuiserait plutôt les hommes que les océans. C’est cette réalité de plus en plus criante qui est ressortie du Festival international de Films Pêcheurs du Monde 2014. Au quatre coins du monde, de la Pologne à  la Papouasie-Nouvelle Guinée, la pêche cristallise cette interrogation : la planète bleue n’est-elle qu’une carte bleue aux mains d’une logique ?

Un jury avec pêcheur

La présidente 2014 du jury professionnel du Festival international de films Pêcheurs du monde n’était pas une inconnue du public du festival qui, voici deux ans, a pu voir « Homarus Americanus » en sa présence et, l’an dernier, « Petits bateaux. Grande vision ». Une présidente qui s’est félicitée de la composition du jury : « un pêcheur (Alain Cariou), une personne qui a eu une entreprise de pêche (Mithe Howell, co-directeur avec son mari de la compagnie British Cured Pilchards), une monteuse (Emmanuelle Pencalet), un journaliste spécialiste des questions maritimes (Philippe Urvois). Souvent, dans les jurys, on se retrouve entre artistes ou créateurs. Là , il y a vraiment une expertise.  C’est fascinant ! ‘. Pêcheurs du Monde associe les pêcheurs : exemplaire au sens étymologique du terme… .

La jeunesse engagée

La présidente du jury professionnel s’est aussi montrée particulièrement sensible au choix des jeunes qui, dans la catégorie long métrage, s’est porté sur Canning Paradise, le tout premier film documentaire d’Olivier Pollet : « Je ne suis pas étonnée du choix des jeunes ! Ce qui est très chouette est que, dans ce film, un jeune lance justement un appel à  la jeunesse pour se mobiliser, signer des pétitions. ‘ Dont acte, le jury jeune de Pêcheurs du monde – des élèves des Lycées du Pays de Lorient et du lycée professionnel maritime et aquacole d’Etel – à  la suite du FIFO l’an dernier – l’Oceanian International Documentary Film Festival  » s’est laissé « embarquer ‘ par la démarche du réalisateur – lire à  ce sujet www.fifo-tahiti.com : « Je trouve très chouette que les jeunes « embarquent ‘ dans cette lutte et la soutiennent. ‘ coussinspécial  jury

Le documentaire, art national du Canada ?

Quant à  « Suivre la marée » de son jeune compatriote Thomas Szacka-Marier, primé dans la catégorie court métrage par les deux jurys, la bouffée de fraîcheur a  séduit  – «ces pêcheurs sur une pirogue travaillent de façon très physique, mais avec une dignité et quand même du plaisir ! ‘ – dans un contexte de plus en plus difficile : «Aujourd’hui, les portraits de pêche sont durs, voire négatifs et posent beaucoup de questions. Avec « Suivre la marée », on s’en pose, mais pas « nommément ». » Une bouffée de joie de vivre qui n’empêche pas de « tirer des conclusions quand on voit cette petite pirogue aux côté des grands navires, dans le port de Dakar. Même s’il n’y a pas de discours, on comprend tout de suite. ‘ Pas de gilet de sauvetage non plus, même si les pêcheurs ont  affirmé le contraire à  Thomas Szacka-Marier, une fois de retour au port… alors qu’ils ne les ont pas sortis lors de la tempête qu’ils ont essuyée. Courage, tel est aussi le maître-mot attribué aux réalisatrices et réalisateurs : « Je suis très contente aussi pour « Fishermen » – mention spéciale du jury professionnel – parce que Viktoria Marinov a sà’rement travaillé dans des conditions pas faciles. ‘

Pendant que les jeunes réalisateurs s’emparent de plus en plus de la pêche pour montrer le monde,  le festival a rendu hommage à  Michel Braut et Pierre Perrault, en projetant le mythique « Pour la suite du monde. ‘ Inusable Grand Louis, qui sait de façon scientifique  que la lune est inhabitée parce qu’elle tombe en miettes. Et si, à  force de la massacrer, il en était un jour autant pour la terre ? Pour le coup, cela ne serait pas une légende. Un des ces films, en tous les cas, qui « marquent l’imaginaire ‘ et sont « à  la fois des albums de famille indestructibles et posent des questions auxquelles ont peut se référer aujourd’hui.’ Impérissable. Quant à  la présence marquée du Canada lors de cette cinquième édition de Pêcheurs du monde, Marie Cadieux voit la possibilité pour le documentaire d’être la « forme d’art national ‘ qui distingue son pays.

Tout y passe, la condition humaine… .

Ni anglophone, ni francophone, le personnage de Night Labor a plu ou déconcerté  : tout comme les films toujours très signés du tandem de réalisation David Redmon et Ashley Sabin. Clope roulée et casquette à  l’envers,  le personnage est de longue date  « on the road » de la marginalité, première sortie la précarité. Du langage, il tient quelques onomatopées, et de notre monde, fait la fine bouche pour en becqueter le minimum vital, en tant que veilleur de nuit dans une poissonnerie  : « une démarche esthétique et cinématographique brave, avec un parti pris de tournage qui correspond plus aux films d’art et essai qu’aux films documentaires que le public a l’habitude de voir. »  Marie Cadieux a apprécié le film « et  le courage du Festival, qui a osé le programmer. » De fait, plus besoin d’être marginal aujourd’hui, pour connaître la précarité. Effet miroir inquiétant ? Le film n’est pas seul expérimental… même il s’agit d’un film : «c’est un festival de films, c’est bien affiché comme cela ! ‘. La pêche, prisme contemporain  :  « on parle de pêche, mais tout y passe, la condition humaine, la place des femmes, le regard international sur ce qui se fait ailleurs, mais aussi les beaux paysages à  découvrir. On n’est pas qu’en train d’éventrer les poissons ! ‘. Et d’espérer que « le festival gagne encore en ampleur, parce qu’il le mérite.’

Une autre requête ?  La présidente a apprécié le public « qui pose des questions vraiment très intéressantes.’ Un public présent tout au long de la semaine, malgré le petit point dur : « Nous, en tant que jury, avions un petit coussin, un peu mince, mais un petit coussin  quand même… .’ 

Pascale Marcaggi

 

 

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