Pétardement, un désastre récurrent pour la faune marine…

Dauphin blanc bleu dans la Baie de La Ciotat

Dauphin blanc bleu dans la Baie de La Ciotat

Epilogue : Alertée, l’armée a bien voulu voir avec le Prud’homme de La Ciotat pour déplacer au large le lieu de pétardement…

Une nouvelle fois, les pêcheurs artisans s’élèvent contre un pétardement programmé en mer de la Marine Nationale. Depuis des décennies, sans crier gare et par une brève transmise parfois peu de temps avant « l’opération » aux navigants, la Marine procède à  des pétardements aux abords du littoral, des réserves, des parcs nationaux… Elle désertifie nos champs marins situés sur le plateau continental, ceux-là  mêmes qui sont inclus dans les zones de pêche prud’homales et cela, sans concertation. Arguant du principe de « sécurité » avec en fond d’écran les images de guerre si souvent vues à  la télé, la Marine s’impose en défenseur des populations. Pourtant, il semble que le sujet soit plus complexe…

Cette fois-ci, c’est Gérard Carrodano, premier prud’homme de La Ciotat, qui a réagi sur les réseaux sociaux : « Que vont devenir les poissons, les dauphins et l’ensemble de l’écosystème qui ont élu domicile depuis plusieurs mois aux abords de l’Ile Verte et en baie de La Ciotat ? A partir de dimanche 15 et jusqu’au jeudi 19 est prévue une opération de pétardement sous la responsabilité de la Préfecture Maritime. Scénario que l’on connait bien et refrain identique aux opérations antérieures : les explosifs doivent être neutralisés et donc pétardés ! Ces explosifs (probablement des bombes de la dernière guerre) sont immergés depuis 70 ans et n’ont tué personne. Et là , en une fraction de seconde grâce aux charges qui vont être ajoutées, on va stériliser une zone que la nature a créée au fil des décennies. La baie de La Ciotat est depuis plusieurs mois peuplée de grands bancs de sardines. Les sardines attirent les grands prédateurs que sont les dauphins, les thons, les espadons et autres poissons. Mais visiblement, on préfère utiliser la bonne vieille méthode ancestrale du « BOUMMM ». C’est pas grave, on accusera les pêcheurs quand des dauphins s’échoueront sur les plages, le scénario est habituel ».

Alerté, l’Administrateur des Affaires Maritimes répond au Prud’homme qu’il a transféré son courrier au Préfet maritime de la Méditerranée, en charge de ces opérations, et attire son attention sur le fait que la préservation de l’environnement est au cœur des préoccupations du Préfet Maritime et du Préfet de Région PACA, en leurs qualités de « préfets coordonnateurs pour la façade méditerranéenne »(1), que la sauvegarde de la vie humaine en mer reste néanmoins leur principal objectif, que ces munitions explosives sont « dangereuses et instables », qu’elles peuvent être heurtées par une ancre, et que du fait du balancement de la mer et de l’érosion du littoral, elles affleurent en surface et sont donc « potentiellement mortelles ». Et de conclure : « Le risque est donc avéré pour la Préfecture maritime qui semble être l’autorité la plus compétente pour en juger ». Ainsi, « l’opération de neutralisation » est confirmée, les plongeurs démineurs devront mettre en œuvre des mesures d’effarouchement efficaces et, par ailleurs, un observateur du Parc National des Calanques (2) devrait être présent, ce qui devrait rassurer les associations environnementales et les pêcheurs professionnels…

Cela ne rassure pas du tout le prud’homme de La Ciotat :

« Monsieur l’Administrateur, le discours que vous me tenez est celui que j’entends depuis des décennies sur ce sujet. C’est surtout celui qui arrange ceux qui ont à  se justifier de leur impact sur la mer. Heureusement que c’est le Prémar qui est le premier responsable de la protection de l’environnement marin !! Je maintiens que ces bombes sont là  depuis 70 ans ou plutôt qu’elles y ont probablement été regroupées pour opération de déminage et quelles n’ont tué personne.
Quand a-t-on vu une bombe exploser à  cause d’une ancre ? J’ai personnellement participé à  une opération de dévasage de multiples bombes, probablement les mêmes, en 1999, lors de l’extension du port du Havre. C’était les sociétés Géocéan et Géomin qui se chargeaient d’arrimer, de remorquer et de neutraliser les bombes très loin au large. Ce sont des centaines de bombes (3) qui ont été manipulées et je mets au défi quiconque de faire exploser un engin immergé, sans l’apport d’un explosif associé.
De toutes façons, ça ne sert à  rien de polémiquer, nous ne sommes pas consultés, ne serait-ce que pour décider, ensemble, des points qui seraient les moins impactant. Le système se fiche bien de nous et, quand les cétacés s’échoueront sur les plage, c’est la pêche qui sera en ligne de mire comme d’habitude. à‡a, vous ne pouvez que le constater.
Le fait qu’un observateur du Parc National des Calanques puisse être présent ne change rien, car y a rien à  voir. Et concernant les pratique d’effarouchement, c’est ce que j’ai entendu de plus comique ! Les poissons ne sont pas des moineaux et, bien au contraire, les petites déflagrations attirent leur curiosité. Tous les plongeurs ayant utilisé des «pétards de rappels ‘ vous le confirmeront. Nous sommes donc bien impuissants devant une méthode ne pouvant être approuvée que par ceux qui y ont un intérêt.
Dans notre prestation de serment de prud’homme, nous jurons de lutter contre toutes les nuisances marines. Il ne faut pas nous en vouloir d’honorer notre tâche comme je ne vous en veux pas de vous trouver entre le marteau et l’enclume… »

« La mer, c’est la poubelle de Gardanne et la zone de tir de la Marine Nationale ! » regrette Gérard Carrodano. Et nous, citoyens, resterons-nous sans voix face à  la destruction de champs marins qui produiront notre alimentation de demain.

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(1) On l’a vu avec l’autorisation préfectorale des rejets industriels en mer de l’usine d’alumine de Gardanne.
(2) Sachant que le Conseil d’Administration du Parc national des Calanques a voté la poursuite des rejets industriels de l’usine d’alumine de Gardanne dans le périmètre du Parc…
(3) « A la différence d’une mine conçue pour exploser au contact, la bombe nécessite un appareil de mise à  feu pour pouvoir exploser, ce qui n’est plus le cas de ces bombes immergées depuis des décennies… »

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