Vivre « en commun » dans un avion : récit d’un voyage peu commun

Sur le chemin du retour de Ténérife, l’avion dans lequel je suis commence à  rouler pour gagner la piste de décollage. Plongée dans mon livre, je n’y prête guère attention jusqu’à  ce que j’entende ma voisine dire : « Il retourne à  la base ». Effectivement, l’avion revient à  son point de départ et je vois un passager, debout dans l’allée, qui parle nerveusement aux voisins alentour. Le steward fait une annonce, disant qu’il y a un problème et que nous allons être renseignés. Puis, il demande au passager de s’assoir et annonce finalement à  la radio que ce passager a un comportement inacceptable et qu’il va descendre. Petit flottement parmi les voyageurs…

Le passager et sa compagne prennent leurs affaires, l’on attend que la porte s’ouvre. Au bout de quelques longues minutes, ils descendent de l’avion avec des gens de la sécurité. Certains, par leur hublot, le voient invectiver les agents, menacer de se battre… Assise de l’autre côté, je ne reçois que les commentaires des uns et des autres, certains s’exclamant avec force, exprimant leur incrédulité. L’ambiance n’est pas tendue, l’on sent que tous, ici, reviennent de vacances, l’esprit reposé. Et pourtant, il en est qui n’hésitent pas à  lancer : « Sortez-le ! Foutez-le dehors ! » A plusieurs reprises, le steward, et peut-être le commandant de bord, je ne sais plus, expliquent que ce passager  s’en prenait de façon agressive au personnel de bord et que, pour le bien-être de tous, il était préférable qu’il sorte de l’appareil. Procédure de sécurité oblige, nous devons attendre encore de voir si ces inopportuns n’ont pas laissé de bagage à  bord ou en soute. En cet instant, je prends conscience de notre fragilité, foule amassée dans cette frêle carlingue, projetée dans les airs.  Notre salut repose certes sur la fiabilité de l’équipage et des machines mais encore sur le comportement de tout-un-chacun. Que l’un d’entre nous s’emporte avec violence, je n’ose imaginer les conséquences qui peuvent en découler et, pourtant, combien d’avions décollent à  chaque seconde ! Alors que tout semble rentrer dans l’ordre et que nous nous apprêtons à  repartir, le steward explique qu’il a pu échanger avec ce passager au caractère intempestif. Il semble qu’il ait été hors de lui, suite à  la perte d’un proche, et le steward insiste sur le fait que cet homme s’est excusé à  plusieurs reprises.

J’ai aimé cette phrase qui en quelques mots ramenait l’intrus, le fauteur de troubles, le dangereux individu à  exclure, dans la communauté des humains. J’ai admiré la conscience de cet homme d’équipage qui, tout en veillant à  la sécurité et au bien-être des voyageurs, avait contenu l’expression de colère de l’un des nôtres et cherché, malgré tout, un contact fraternel avec ce dernier.

Ce contenu a été publié dans Communication. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.