La photographie pour se défaire de certains clichés : l’orient et l’occident sans oublier l’Asie, la Méditerranée n’a rien de la configuration d’un long fleuve tranquille. Née plusieurs fois, la dernière il y a 5 millions d’années de la formidable cataracte lors de la brusque réouverture naturelle du Détroit de Gibraltar, la Méditerranée est faite de ces caractères trempés dont le flegme n’a jamais été la vertu cardinale. Allez dire à un occidental ce qu’il a de commun avec un oriental, et réciproquement ! Sans prétendre résoudre ni les conflits ni le politique, Photomed nourrit néanmoins ouvertement l’ambition de mettre en avant le verre à moitié plein de cette Méditerranée agitée.
Du 22 mai au 15 juin, quatrième édition et quelques remaniements
Tout d’abord, pas facile de monter un festival de photographies en la période qui est la nôtre : mais allez en choisir une autre ! Les co-fondateurs de Photomed, les deux Philippe » Philippe Sérénon et Philippe Heulant » ont pourtant en trois éditions, ancré le festival dans le paysage : et là n’est pas le moindre. Chacun sait la concurrence faite aux fabricants d’appareils de photographies par les marchands de téléphone : Fujifilm a arrêté d’être partenaire de Photomed. Au revoir Fujifilm, bonjour la région PACA, soutien non encore financier mais d’ores et déjà précieux par ses liens noués avec d’autres pays de la Méditerranée, qui vient ainsi parfaire, après le département et la ville de Sanary-sur-Mer, l’engagement des strates publiques locales aux côtés de Photomed.
Côté trombinoscope, bienvenue au nouveau président de Photomed, Pascal Bono, le nouveau président de l’association Horizons, basée à Sanary et qui gère Photomed. A son programme, «exigence artistique et culturelle, transparence de la gestion, et rayonnement du festival. ‘. Ne disons fort heureusement pas au revoir à Jean-Luc Monterosso, directeur de la Maison Européenne de la Photographie et directeur artistique de Photomed » les photographies inédites de Costa Gavras l’an dernier, c’était grâce à lui ! Mais, après des heures supplémentaires – Jean-Luc Monterosso avait dit oui pour deux ans en tant que directeur artistique et l’a été pendant trois ans – cet amoureux de la photographie autant que de la Méditerranée cède « avec un petit pincement au coeur ‘, à la fois pour cause d’emploi du temps très booké et « parce que le festival a pris sa vitesse de croisière ‘, le siège unique de directeur artistique à un conseil artistique collégial à quatre têtes (cinq l’an prochain avec Sylvie Grumbach, directrice de la communication de Visa pour l’Image et fondatrice de l’agence de communication le 2e Bureau )… dont il fait partie.
Essaimer : première étape franchie avec le Liban
Le Liban à l ‘honneur de Photomed 2013 a donné naissance à Photomed Liban dès le mois de janvier 2014: volontairement le même festival, afin de faire partager ces visions de la Méditerranée, mais avec l’actualité venue s’interposer. Le festival a été maintenu. Et rendez-vous d’ores et déjà donné pour le deuxième Photomed Liban en janvier prochain. Pas facile d’être photographe, encore moins à plein temps, surtout au pays du président le plus hospitalisé au monde : à l’instar de Philippe Sérénon, le public de Photomed 2014 appréciera le « travail émouvant et solide photographiquement ‘ d’Arslane Bestaoui, qui a fait ce choix courageux. Philippe Sérénon a du reste entrepris un rapprochement entre Photomed et la ville d’Oran, dont Arslane Bestaoui a photographié les femmes seules du premier arrondissement, ce quartier de Sidi El Houari, le plus ancien de la ville avec la Casbah, le quartier St Louis et le vieux port, qui a connu les époques arabe, turque, espagnole et française, et est aujourd’hui délaissé par les autorités algériennes. A voir absolument.
L’Italie à l’honneur, et l’architecture
Ainsi est la Méditerranée, à violemment occuper le devant de la scène. Lors de la destitution d’Hosni Moubarak par le premier Printemps arabe en 2011, Denis Dailleux, photographe de l’agence Vu vivant au Caire depuis15 ans, a photographié « l’Egypte et les martyrs de la Révolution ‘, hommage en forme de portraits 6×6 que les Parisiens ont pu voir au premier trimestre de cette année. Ceux de passage à Sanary pourront apprécier son travail à visage humain. Contre vents et marées, la Méditerranée entre violence et quintessence. Le pays cette année à l’honneur est l’Italie. Place ici par exemple, au pays de l’imaginaire de Barbara Luisi, qui photographie les paysages marins de nuit » à voir sur l’île de Bendor « , ou encore aux scènes du quotidien avec Fabrizio Bellomo dont les portraits sur les plages sont ceux de gens qui ignorent qu’ils sont filmés. L’Italie, archétype de l’art photographique. Place pour la première fois à l’architecture, cette année, avec les villas de la Méditerranée. Elles ont pour nom la Villa Noailles à Hyères, le Palais Bulles avec ses mille hublots à Théoule-sur-Mer, la villa Malaparte éponyme de l’écrivain pour qui elle fut construite à l’est de Capri… toutes photographiées par François Allard, Lucien Hervé, Gabriele Basilico, qui a faussé compagnie à la veille de Photomed 2013 après avoir arpenté les villes du monde entier pendant quarante années, « en se penchant sur l’urbain comme le médecin sur son patient. ‘
Si vous aimez la photographie, vous connaissez Mimmo Jodice : voici quatre ans, la Maison Européenne de la Photographie a consacré une rétrospective à ce photographe majeur de la photographie italienne, qui redonne vie aux sculpture antiques. Quant aux colonnes de Troyes de l’affiche de Photomed 2014, elles sont signées Stefano de Luigi, parti au printemps 2012, accomplir son Idyssey : Stefano de Luigi a rencontré depuis Troyes jusqu’à Itaque, les habitants de l’Odyssée, à l’aide d’un simple I Phone. La photographie italienne est riche : Paolo Verzone a photographié « les cadets ‘ des académies militaires, un travail tout d’abord de commande qu’il a poursuivi par lui-même.
Place aux îles, également, sans lesquelles la Méditerranée ne serait pas ce qu’elle est : les îles italiennes photographiées par Bernard Plossu, photographe qui a déjà consacré une part de son travail aux îles Stromboli, Lipari, etc » mais aussi le travail de Bastien Defives sur les îles témoin de l’intrusive planification urbaine, Bascou, l’île du Frioul, celles de Lérins et, bien sà’r, la Corse.
Sanary, perle inattendue de la Méditerranée
Comment prétendre à l’exhaustivité ? Encore un nom ? François Delebecque expose « Une vie à la villa ‘, dont il a été pensionnaire. L’oeil du grâcieux visiteur profitera des deux week-end de l’Ascension et de la Pentecôte pour s’épargner les bronzages intempestifs et plus sà’rement plonger en une Méditerranée à bien des égards méconnue : pour Patricia Aubert, première adjointe au maire de Sanary-sur-Mer, la photographie a ce même pouvoir que Cocteau aimait en la poésie, « dévoiler ce que le quotidien nous voile ‘. Last but not least, mais cela est du domaine de l’évidence, Photomed n’existerait pas sans Sanary, « perle inattendue de la Méditerranée ‘ ainsi que l’a consigné un croisiériste dans son journal. Perle ou écrin, au choix. Jean-Luc Monterrosso ne cache pas avoir découvert le petit port de pêche avec la création de Photomed, et être tombé sous le charme. De la mer ou de la terre ? Un lien terre-mer qui tient à cœur de plus d’un Méditerranéen, et que Philippe Heulant, cofondateur du festival, a bien compris : « La Méditerranée, c’est aussi la terre, grâce à l’association des Vins de Bandol. Photomed, c’est tout de même le lieu où l’on boit 400 bouteilles de Bandol en 4 jours de vernissage… .’.
Encore un mot ? Deux…Augurons que les prochains Photomed donneront une jolie place à l’ habitant millénaire du nourricier lien terre-mer, le pêcheur, déjà présent grâce à Photopêche dont jamais Philippe Sérénon ne manque le vernissage à la Prud’homie. Il y sera, une fois de plus, accueilli par les siens. Quant aux lambris du parisien Hôtel Lutétia, ils n’accueilleront pas la prochaine présentation de Photomed, pour cause de fermeture pour 36 mois de travaux. Gageons que les délicieuses coquilles St Jacques du cocktail, preuve que la Méditerranée n’est pas chauvine, se transporteront sans peine ailleurs. Mais, d’ici là , l’eau aura coulé sous les ponts. Aujourd’hui, place à Photomed. Pardon, aux Photomeds.
Pascale Marcaggi