Reportage audio Joêl PADELLEC 2013 – L’Encre de Mer
Reportage audio Joel PADELLEC 2014 – L’Encre de Mer
Si son portrait existait en carte postale, vous le choisiriez au tourniquet des imageries : « bons baisers de la ville aux Cinq ports. Langoustines excellentes. La mayonnaise itou’. Qui se formaliserait du fait que, cet hiver justement, la langoustine a moins pointé ses pinces ? Cet hiver, «il fallait avoir des dents en or ‘ pour s’en offrir. La carte postale fiche facilement le camp : « vous voulez me prendre en photo ? On verra ça demain. ‘ Et le lendemain, le marin au visage taillé dans l’imaginaire a bien pris soin de faire faux bond. Non sans avoir rappelé que, l’an passé, l’interview que vous aviez faite de lui n’avait pas dà’ être diffusée. L’homme ne fréquente pas internet. Et après ? Il a trouvé le moyen de savoir.
Une figure assidue du Festival Pêcheurs International de films Pêcheurs du Monde. Mais qu’est-ce qui tranche ? Ni une gueule cassée, ni une posture voyante. Et même, discret : qui ne fait pas d’histoire, sauf celle de sa vie. Et c’est peut-être cela. Au Festival Pêcheurs du Monde, le pêcheur n’est pas seulement sur l’écran. Il est aussi dans la salle.
Souhaitons-nos un avenir bleu ou gris ?
Patron pêcheur en retraite, Joêl Padellec a enfilé « ciré et bottes des anciens ‘ à l’âge de treize ans « et demie ‘. Deux ans pêcheur à la sardinale avec son beau-frère, il devient alors matelot pour Jégo Quéré, armateur emblématique des années 60 à Lorient : marées de quinze jours en nord Ecosse et, innovation de l’époque, débarquement du poisson préparé à bord, au Royaume Uni, afin d’éviter aux chalutiers les allers et retours pour venir débarquer. Pêche à la bolinche avec la puanteur de la rogue – cet appât fait d’œufs de morue et de farine : si le matelot met pied à terre, c’est pour faire son service militaire. Libéré des obligations, le voici alors patron-pêcheur, à bord de navires construits de ses mains : le « Pousse au Large I » et « le Pousse au Large II ». Une pêche moins lointaine, quand on se marie et que la « dame ‘ exerce le « chagrin de métier ‘ d’attendre son retour. Une époque où l’on ne choisissait pas son métier, mais où sonnait l’heure de l’exercer : sans électronique pour repérer le poisson, mais sans règlement pour prendre à dessein le pêcheur dans les mailles du filet bruxellois.
Deux mois sans pêche, cet hiver : « Le plus difficile, c’est un bateau à quai. C’est la tristesse, c’est mettre un homme à nu. ‘ Mais le plus sale temps est ce vent mauvais que souffle Bruxelles sur toute une partie du monde la pêche : « souhaitons-nous un avenir bleu ou gris ? Le bleu de l’avenir ou le gris de la morosité ? ‘. Le métier est difficile, mais le plus rude est encore de ne plus l’exercer.
C’est en cela que l’homme a un petit air d’époque révolue. Pour le reste, toujours pêcheur dans l’âme : bien plus de miles que de kilomètres, au compteur. Non seulement, l’homme n’a pas son permis de conduire, mais il a déménagé une seule fois dans sa vie : de la presqu’île de Gâvres dont il est natif, à Larmor Plage, juste en face, à l’est de Lorient. Quarante deux kilomètres ! Le voici en ville, à pied d’oeuvre… pour se rendre au port et s’enquérir du prix du poisson à la criée, comme vous-même allez acheter vos cartes postales. Mais lui, en ne souhaitant pas « bon baiser », mais « bon vent » aux pêcheurs d’aujourd’hui.
Pascale Marcaggi