« L’accumulation de débris plastiques dans la nature est l’un des changements récents le plus répandu et durable sur la surface de notre planète ‘ (Barnes et al, Royal Society).
La « platisphère ‘, ainsi les scientifiques appellent-ils désormais cette couche de fragments de plastique qui entoure la surface de la planète : « Il y a l’atmosphère, la biosphère, et désormais la platisphère ‘, souligne Gaby Gorsky, le directeur scientifique de Tara Méditerranée, directeur de l’Observatoire océanologique de Villefranche-sur-Mer et l’un des coordonnateurs scientifiques des expéditions Tara Oceans et Tara Oceans Polar Circle. Sept mois pour faire l’état des lieux de ces micro-fragments sur l’ensemble du bassin méditerranéen, tel est l’objectif prioritaire de Tara Méditerranée, du 19 avril jusqu’au 7 décembre prochain.
Les plastiques d’une dizaine de sortes (polyuréthane, polyester,etc) sont soit directement ingérés par la faune de taille plus importante (oiseaux, tortues marines, poissons,etc), soit se décomposent en fragments « sans perdre leur toxicité ‘, affectant le plancton et remontant à la surface avec le zooplancton. Comment ces plastiques interagissent-ils avec les milieux ?
«Il y a des écosystèmes différents selon les plastiques ‘, précise Romain Troublé, le secrétaire général de Tara Expéditions, 9eme mission scientifique de Tara, en l’occurrence coordonnée par le Laboratoire d’océanographie de Villefranche sur Mer (Université Pierre et Marie Curie et CNRS) et par l’université du Michigan aux états-Unis : « or, lors de nos expéditions précédentes, nous avons trouvé du plastique absolument partout, en Antarctique aussi bien qu’en Antarctique. ‘ En 2013, les études menées en mer de Ligure ont montré la présence de 300 000 fragments de plastique au kilomètre carré : « il n’y a pas de raison que l’on n’en remonte pas autant à chaque trait de filet de vingt minutes ! ‘. Quelles bactéries colonisent-elles le mieux ces fragments ? Et peut-on envisager de décomposer ces fragments désormais présents sur toute la surface du globe ? «Ce n’est pas le cas pour l’instant. C’est pour quoi l’un de nos objectifs est aussi de chercher les souches bactériennes à même de décomposer ces plastiques’, ajoute le Dr Gaby Gorsky.
Le plastique, quel impact sur l’homme ?
état des lieux géographique et chimique des fragments de plastique à la surface de l’ensemble de la Méditerranée, étude de leur interaction avec le milieu, analyse de jour et de nuit, du plancton directement en contact avec ces fragments, mais aussi et en lien avec la NASA, mise au point d’indicateurs environnementaux (température, salinité, turbidité, pigments, couleurs de l’océan), Tara Méditerranée étudiera ce qu’il advient de ces plastiques et leurs rôles dans les écosystèmes, afin de pouvoir prédire leurs impacts sur le milieu et sur l’homme : « les polluants organiques persistants se concentrent facilement dans le tube digestif. ‘
Autres missions, « mettre en valeur les initiatives locales : quand on voit en Albanie, le travail d’une Aire marine protégée, on a envie de la mettre en avant ! ‘ insiste Romain Troublé, qui pense tout haut que seul le grand public ne soit pas être informé : il faut éduquer les politiques… . ‘
Vingt-deux escales avec sensibilisation du public dans 11 pays (du 23 au 28 mai à Toulon, du 29 mai au 2 juin aux Embiez, etc), 16 000 kilomètres pour prélever des échantillons qui seront analysés dans les laboratoires d’Europe et des états-Unis, mais aussi partage des premières analyses obtenues de l’expédition Tara Oceans (étude planétaire du plancton marin – 2009- 2012) qui avait commencé en Méditerranée : toutes les données (physico-chimiques, température, salinité, oxygène, nitrate dissous, chlorophylle) seront disponibles en ligne (www.taraexpeditions.org)
250 milliards de micro-fragments de plastique
Mais à quand les matériaux biodégradables au lieu du plastique ? « C’est la solution, et nous savons faire. Le tout est de convaincre les industriels que cela crée de la richesse et des emplois », relève encore le Dr Gaby Gorsky. Pour l’heure, sachons que bien des crème solaires » tout comme bien des pâtes dentifrices » contiennent du plastique. Nous polluons de façon parfois insoupçonnée… l’Expédition M.E.D. (collectif de scientifiques et citoyens « Méditerranée En Danger ‘ – www.expeditionmed.eu ) a récemment attribué la « palme 2014 de la pollution pour la mer-poubelle en Méditerranée ‘ à un conteneur de la communauté d’agglomération Nice-Côte d’Azur reposant au large de Saint-Jean-Cap-Ferrat ! L’Expédition M.E.D. qui estime à 250 milliards, le nombre de micro-fragments de plastique en Méditerranée.
Pascale Marcaggi
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