Près de neuf millions de saumons rouges, ou saumons sockeye, auraient disparu lors de leur migration d’été, selon le ministère canadien des pêches et des océans. Depuis leur publication, mi-aoà’t, le débat fait rage sur les causes de cette disparition aux conséquences dramatiques pour l’économie et l’environnement.
Le ministère avait prédit, début 2009, qu’environ 10,6 à 13 millions de ces poissons remonteraient cet été la rivière Fraser, le plus long cours d’eau de Colombie-Britannique. Or seulement 1,7 million d’individus étaient au rendez-vous. En juillet, le ministère notait pourtant, dans son plan de gestion des pêches, qu’il y aurait « certaines difficultés durant la saison de pêche », notamment pour les saumons quinnat, mais que « des stocks plus abondants dans le fleuve Fraser devraient offrir des possibilités pour la pêche, contrairement aux années précédentes ».
Il ajoutait que « les saumons rouges du Fraser entrent dans le premier de deux cycles de grande abondance », ce qui augurait bien pour la pêche locale, réservée aux tribus indiennes. Mais les saumons rouges, l’une des cinq espèces de saumon du Pacifique, ont déserté leur frayère natale, ce qui met en danger toute la pêche commerciale dans le Pacifique, tant au Canada qu’aux Etats-Unis, les stocks de la rivière Fraser étant les plus importants au monde.
Tout récemment, un député néodémocrate local, Peter Julian, estimait que « la baisse des stocks de saumon en Colombie-Britannique est de même ampleur que celle qu’a connue la morue au large de Terre-Neuve ».
Les avis divergent sur les raisons de cette disparition. Pour Barry Rosenberger, porte-parole du ministère des pêches, les poissons sont sans doute morts au cours de leur migration en mer. Certains accusent les fermes d’élevage de saumons, au sein desquelles un parasite se serait développé, avant d’attaquer les jeunes spécimens en migration dans le détroit de Georgia, bras de mer séparant l’île de Vancouver du continent.
Brian Riddell, président de la Fondation du saumon du Pacifique, une organisation non gouvernementale, n’y croit pas : ces parasites peuvent certes affaiblir les poissons, concède-t-il, mais « ne peuvent être l’unique cause de leur disparition massive ».
Stress physiologique
Le réchauffement climatique, avec la hausse des températures en rivière et en mer, pourrait être le principal coupable. La Commission américano-canadienne du saumon du Pacifique relève que la température de l’eau a atteint, le 4 aoà’t, un record de 21 °C – soit 2,5° au-dessus de la normale – dans le canyon de la rivière Fraser. Or, selon les spécialistes, le sockeye nage moins bien à partir de 18 °C, présente des signes de stress physiologique et de difficultés migratoires au-dessus de 19 °C, puis les premiers signes de maladie et de mortalité à partir de 20 °C.
On imagine l’hécatombe dans une population de jeunes poissons déjà affaiblis par un manque de nourriture dans le Pacifique, pour cause de hausse des températures en mer…
Pour expliquer l’énorme différence entre prévisions et évaluation réelle par le ministère, Craig Orr, directeur du Watershed Watch Salmon Society, avance que les modèles mathématiques utilisés par le gouvernement ne sont « pas du tout fiables ». Il cite les travaux de Randall Peterman, chercheur de l’université de Colombie-Britannique, qui avait démontré, en 2007, que les treize modèles utilisés dans le passé pour prédire le flux migratoire des saumons donnaient des résultats erronés. A l’époque, ce spécialiste de la pêche prédisait une aggravation de la situation due au changement climatique.