Par un clair matin d’hiver, le petit port de St Elme ressemble à une image d’Epinal. Peu de touristes, ce n’est pas un lieu de passage, l’on vient ici en résidents, en habitués. Retirés derrière la digue où vient battre la houle du mistral, une rangée de pointus colorés, actifs. Sur le quai, des amas de filets en tous genres. Aux abords du Cap Sicié, vertigineux, les fonds tombent vite. L’on retrouve ici-bas les étages montagneux » les végétations et leurs habitants spécifiques – tout cela ramassés sur quelques milles marins. C’est pour vous dire que l’on travaille à l’échelle : peu de longueur de filets mais des mailles variables pour s’adapter aux biotopes et à leurs saisons.
Revenant de la calée avant que le vent ne force » la saison est perturbée » l’un des pêcheurs démaille sur le pont de son bateau. D’un coup de maillet, il assomme un congre : « Inutile qu’il souffre longtemps ‘ et commence à démêler l’imbroglio laissé par la bête serpentiforme.– Une torque de fiella (comprenez une embrouille de congre), mon père disait que c’est le moment où le bon dieu revient sur terre…
– ?…
– parce que les gens, on ne peut pas médire dessus, mais les congres ‘.
Devant ces mains élargis qui délivrent avec patience les maigres prises de la calée – un jour est bon, l’autre non – le temps radieux prend consistance.
– Il y a longtemps, j’étais en Afrique noire pour le travail. J’avais vu des chasseurs chanter et danser au retour de leur capture. Il y avait un homme qui parlait français mieux qu’un ministre qu’il était d’ailleurs dans son pays. Quand il avait traduit les paroles de ces hommes à l’allure sauvage, ils s’excusaient auprès de l’antilope d’avoir du la tuer Ils n’étaient pas si sauvages que ça.
Raymond Cane,
pêcheur à St Elme