Terra Madre célèbre sa journée du 10 décembre

Pour célébrer le Jour de Terra Madre 2010, nous étions au Castellet, au restaurant « Le Pied de nez » de Benjamin Lagorce [1].

Petit débat autour du film de Coline Serreau :« Solutions locales pour un désordre global« , suivi d’un vernissage pour des tableaux humoristiques de Michel JEAN et d’un apéritif dinatoire « divin ».

Les producteurs avaient apportés vins, légumes, cèpes, charcuterie, fromages de chèvre, pain, miel… avec lesquels le cuisinier a fait des merveilles…

Michel JEAN et l’un de ses tableaux

Quelques points forts qui ont traversé notre débat

– Artisans pêcheurs, agriculteurs et éleveurs locaux doivent continuer à  fournir notre alimentation : une alimentation de proximité, saine, goà’teuse et rémunératrice pour les producteurs

– L’accès à  la terre et aux zones de pêche doit être préservé.

De plus en plus de terres agricoles sont déclassées et destinées à  la construction, ce qui a pour effet d’augmenter le prix du foncier, en général. Bon nombre de terres sont « en friche », probablement dans l’attente de leur déclassement. En Provence, il y a des jeunes prêts à  s’installer, un marché grand et ouvert mais une très grande difficulté pour trouver des terres, à  un prix abordable.

Cf. Collectif Terres fertiles

On notera qu’en mer aussi la pression est forte. Outre le développement d’activités littorales et maritimes (nautisme, loisirs, éoliennes, clappage, activités portuaires…), l’engagement politique de la France de mettre un pourcentage d’aires marines en réserve se traduit par la multiplication de projets locaux. L’avenir de la pêche artisanale se joue sur une corde raide : d’une part, il est indispensable de réguler l’ensemble des activités maritimes dans la bordure littorale, ce que la gestion d’aires marines protégées devrait permettre a-priori, d’autre part, il est nécessaire de ne pas trop rogner les zones de pêche dans une région où le plateau continental est très étroit et la pêche artisanale ciblée sur des concentrations saisonnières « mouvantes » des différentes espèces.

– La qualité des terres et des mers doit être préservée, elle passe par une analyse régulière des sols et du plancton.

Méconnaissance de la vie qui se joue, à  l’échelle microscopique, dans nos terres et nos mers, il nous faut repartir du vivant et des pratiques ancestrales qui l’ont préservé pendant des siècles.

Pour exemple, l’on remarquera que l’observation planctonique n’est pas prévue dans les programmes de recherche des sites Natura 2000 en mer. Quand on sait qu’une observation régulière du plancton permet de voir les déséquilibres, de rechercher les causes, et d’intervenir avant que toute la chaîne alimentaire ne soit « impactée », c’est un oubli surprenant.

Pour en savoir plus sur Terra Madre, la Journée qui lui est consacrée, et les 7 piliers qui la fondent [2] , voir la Newletter n°5 de Slow-Food France

Parmi les producteurs, il y avait :
Boucherie Kamal
– Maraichers : Pierre Zoubkoff de St-Cyr sur mer et Thierry Valarino de la Cadière qui vendent en AMAP,
– Fromagers Luc Falcot de Cuges les pins qui élève des chèvres du Rove pour la fameuse « brousse du Rove » , Claudie Bruna de Signes qui vend ses fromages notamment à  Gamm’Vert d’Ollioules, et Jérome Magnaldi de la Cadière d’Azur,
– Miel : Olivier Paxe de Ste Anne du Castellet,
– Vignerons : Corinne et Bernard Aimar pour les Moulins de la Roque, Agnès Henry pour le Domaine de la Tour du Bon, Jean Luc Poinsot pour la Badiane, Jean Baptiste Dutheil pour le Château Sainte Anne, Daniel Ravier pour le Domaine Tempier, Patrice Malfatto pour un vin bio à  La Cadière, Cédric Gravier pour le Domaine de La Suffrene et Jean Marie Castell, pour le Domaine Castell-Reynoard
Benjamin Lagorce
Photo S. Marty
Consciencieuse et accueillante, la serveuse du Pied de nez
Photo S. Marty
Le « chef » du Pied de nez
Photo S. Marty

Pour voir les photos de la soirée prise par S. Marty

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Sauver l’anguille européenne : une priorité mais pas sans les pêcheurs professionnels !

Sur avis du Groupe d’examen scientifique CITES de l’Union Européenne, le Comité CITES vient de fixer un quota nul d’exportation hors de l’Union européenne pour les civelles (alevins de l’anguille européenne). Cette décision touche principalement la France, qui constitue le principal pays producteur. Le WWF-France et le CONAPPED [1] considèrent que cet arbitrage est un coup d’épée dans l’eau.

Outre le fait qu’il ne sera d’aucune efficacité pour enrayer le déclin de l’espèce, considérée en danger critique d’extinction, il met gravement en danger toute une profession qui joue un rôle essentiel de veille écologique sur des milieux aquatiques fragilisés. Les pêcheurs professionnels ne doivent pas devenir les boucs émissaires de ce déclin constaté depuis les années 1960.

En effet, bien au-delà  de la pêche, les causes du déclin de l’anguille sont multiples : disparition des zones humides, fragmentation des habitats par l’édification d’obstacles aux migrations du poisson, contamination et pollution des milieux, turbinage, maladies, parasitisme ou encore introduction d’espèces envahissantes. Toutes ces perturbations ont conduit à  une importante dégradation de la qualité des habitats essentiels de l’espèce, mais également à  une réduction de 50 % des zones historiquement colonisées par l’anguille depuis le début du 20ème siècle. Cette décision européenne qui ne tient pas compte des efforts consentis par la profession depuis de nombreuses années, d’autant que les dernières mesures d’encadrement et de réduction [2] de la pression de pêche appliquées depuis le 1er janvier 2009 sont particulièrement drastiques. En intervenant directement sur l’équilibre économique des quelque 800 entreprises concernées, sans leur laisser le temps de s’adapter, le programme européen de repeuplement visant à  enrayer le déclin de l’espèce risque de ne jamais voir le jour. Les pêcheries disparaîtront les unes après les autres, compromettant ainsi l’approvisionnement des programmes des autres Etats membres désireux de reconstituer le stock d’anguilles. Afin de permettre à  la filière de s’adapter, en accord avec les obligations communautaires et nationales et les principes du développement durable, le WWF-France et le CONAPPED demandent :
- l’attribution à  la France d’un quota d’exportation hors Europe tant qu’un programme de repeuplement européen compatible avec la viabilité de la filière ne sera pas mis en oeuvre ;
- la mise en oeuvre de plans d’accompagnement et de sortie d’activité d’une partie de la pêcherie ;
- la mise en oeuvre d’un dispositif de traçabilité des civelles de repeuplement en Europe, à  l’image du système développé en France depuis 2009 ;
- un contrôle et une évaluation de l’efficacité des mesures mises en oeuvre dans les plans nationaux de gestion.

Contacts presse CONAPPED : M. Philippe BOISNEAU (Président) : 06 11 29 11 64 Mme Sylvie SICOT (Communication) : 02 40 04 64 08

Contacts presse : Camille Lajus  » Responsable presse : 01 55 25 84 61  » 06 15 39 24 95 / clajus@wwf.fr Pauline Dame  » Attachée de presse : 01 55 25 84 70  » pdame@wwf.fr

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communiqué de presse

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dossier

Notes

[1] Comité National de la Pêche Professionnelle en Eau Douce

[2] Cette réglementation est mise en oeuvre depuis le 1er janvier 2009 dans le cadre du plan français de gestion de l’anguille, conformément au Règlement (CE) n° 1100/2007

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Carnon : au gangui, ils attrapent le jol

« … Aux Quatre-Canaux, l’un des trois postes tirés en juin à  la prud’homie, les marins ont mouillé le gangui et attendent le jol, ce petit poisson argenté qui va si bien en friture, « fariné pourquoi pas ‘, et que premiers froids sévères et vent virant au Nord poussent vers la mer. Encore faut-il que le courant y mette du sien…

Accroché à  des chaînes aux piles du pont, lesté au fond de l’eau, le long ensemble – deux bras et une nasse à  la maille fine – paraît mollement ballotté en attendant la bascule de ce courant rétif… « Quand on vient pêcher le jol, lâche Didier Daynac, c’est qu’on est en perdition à  la mer, histoire de gagner quatre sous. ‘..

Quand les eaux refroidissent à  cette époque, expliquent les deux hommes, le jol se promène, entre et sort des étangs par le grau, vers la mer, jusqu’à  sa sortie définitive lorsque les étangs deviennent très froids. ‘ Il siffle alors la fin de la pêche au gangui propre à  la géographie de ce littoral… »

Note de L’encre de mer : ce gangui est un filet fixe posté dans les canaux. A différencier du gangui, petit engin traînant utilisé dans le Var.

Voir en ligne : Midi Libre

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D’importantes compagnies chinoises se ruent sur les ressources marines et le marché africain des produits de la pêche

La compagnie de pêche China Fishery Group, spécialisée dans la pêche au chalut pour les petits pélagiques et la production de farine et d’huile de poisson, a commencé à  pêcher en octobre dans les eaux mauritaniennes pour des espèces telles que le chinchard et la sardine, et espère que l’Afrique va devenir non seulement une source de poissons pour la compagnie, mais également un marché pour ses produits. Le directeur général de la compagnie a dit que le continent pourrait représenter entre 20 et 30 pourcents des ventes totales de la compagnie dans 3 ou 4 ans, alors qu’il représente actuellement moins de 7%.

China Fishery Group compte investir en Afrique en ouvrant des usines de traitement du poisson en Mauritanie, et elle est à  l’affà’t d’autres acquisitions possibles qui l’aideraient à  augmenter sa flotille de pêche. Actuellement, China Fishery Group exploite une flotte d’environ 80 bateaux de pêche et vend la plus grande partie de ses captures sur le marché chinois. Par cette expansion en Mauritanie, China Fishery Group obtient l’accès à  de nouvelles zones de pêche, lui permettant de faire pêcher ses navires pendant la saison creuse dans le Pacifique sud, où ils pêchent habituellement, et ce sans devoir consentir d’investissements trop importants, ajoute le directeur général. China Fishery Group est également en relation avec la compagnie Pacific Andes, un autre géant de pêche. Après un accord avec un agent mauritanien de pêche, Pacific Andes a envoyé deux de ses chalutiers congélateurs en Mauritanie avec la possibilité d’augmenter ce nombre de bateaux à  cinq. Pacific Andes a aussi envoyé en Mauritanie le La Fayette, bateau-usine qui sera approvisionné par ses propres chalutiers frigorifiques utilisant de l’eau de mer (RSW) aussi bien que par d’autres chalutiers européens, provenant d’Irlande et d’Ecosse, utilisant la technique du chalutage en boeuf. Le directeur général de Pacific Andes a souligné que la société avait décidé d’augmenter fortement sa présence dans la capture et la distribution africaines, parce que Pacific Andes pense que l’Afrique a un potentiel de croissance élevé, supérieure même à  celui de la Chine. La Mauritanie est également proche des marchés africains importants pour les petits pélagiques congelés, tels que le Ghana ou le Nigéria.

Sources FIS World News, 26 November 2010

China Fishery Group website, financial information, prospects and outlook 2010

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L’hippocampe, un poisson unique en son genre

Un très beau film, avec des prises de vue magnifiques, sur les hippocampes de nos mers et lagunes sur ARTE

Le premier site visité est la lagune de Thau, sous l’oeil « masqué » de Patrick Louisy.

Visible sur internet. Rediffusion le 10 déc 2010 à  14h

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Ces boues polluées qui entrent dans la chaîne alimentaire…

I. Un bilan inquiétant

- l’importance des volumes dragués en France : 37,4 millions de m3, essentiellement dans les 7 grands ports maritimes [1] sur 180 zones
- l’immersion de 85% des sédiments
- le rejet de 4200 tonnes de métaux lourds, de 600 kg de PCB et de TBT, avec des franchissements de seuils importants,
- le suivi incomplet de certains rejets (PCB et HAP), totalement insuffisant pour d’autres contaminants (HCB, g-HCH, DDT, cyanures, fluorures et étain) et nul (ou non diffusé) pour les substances rédioactives…

Voir : Bilan 2008 des dragages en France (source Enquête « Dragage 2008 ‘ Analyse des données. Juillet 2010 CETMEF)

2. Un impact sur la santé des êtres vivants marins et sur la nôtre

Métaux lourds, DDT, PCB, TBT, éléments radio-actifs… se concentrent chez les animaux en fin de chaîne alimentaire, ou filtreurs, et passent progressivement chez l’homme qui en consomme. « Des effets sont observés sur la reproduction ou mortalité de certaines espèces marines… Les poissons stockent dans leurs viscères et dans leurs muscles divers polluants organiques et organo-métalliques stables.. ». Sans compter la présence de nombreux germes pathogènes dans les ports.

Cf. notamment l’interdiction de la pêche à  la sardine et autres espèces en Baie de Seine ou en Manche, ou encore aux Antilles (chlordécone).

Voir notamment Menus toxiques, une enquête sur les substances chimiques présentes dans notre alimentation, une étude mentionnée par Aquablog. Cette étude est édifiante et les poissons (surtout saumon d’élevage) et crustacés n’en sortent pas indemnes…

Voir également article du Monde de ce jour

3. Des boues et sédiments de dragage à  considérer et traiter en tant que « déchets »

« Le dragage et le clapage conduisent à  redisperser des substances accumulées durant des années, voire des décennies, engendrant parfois des flux importants de toxicité ».

Cette immersion de boues contaminées n’est pas compatible avec les directives européennes : les Directives sur l’eau et la stratégie en milieu maritime qui prévoient d’atteindre en 2015 et 2020 un bon état écologique des masses d’eau côtières et des milieux marins.

France Nature Environnement demande, avec le soutien de Robin des Bois, que l’Etat mette en place un programme sur 5 ans pour arrêter l’immersion de boues et que la filière française s’adapte sur le modèle de ce qui existe déjà  ailleurs, ou même dans certains ports français.

Voir le dossier de presse de France nature environnement « Boues de dragage : la grande omerta »

3. L’implication des professionnels de la mer : pêcheurs, conchyliculteurs…

Voir la liste d’articles sur le site du Comité local des pêches du Guilvinec

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Quand la voie prud’homale sert d’exemple…

Ce 1er décembre 2010 s’est réuni le Comité de programmation du Groupe FEP varois pour voter les projets à  financer, et sélectionner de nouveaux projets à  venir. Au cours de cette longue réunion ont été présentés différents axes (études scientifiques, pescatourisme, portail internet, livre, bornes touristiques…) dont le compte-rendu sera prochainement disponible.

Concernant la communication de L’encre de mer, les prud’hommes présents ont manifesté leur soutien à  L’encre de mer : revue et site internet. « Une revue et un site internet pas comme les autres… une revue qui change l’image du pêcheur… qui est envoyée aux élus et à  la Commission à  Bruxelles… qui est connue dans le monde de la pêche… qui part facilement auprès du grand public lors de manifestations… »

L’équipe de rédaction tient à  remercier ces prud’hommes pour leur soutien « inconditionnel » à  L’encre de mer tout en remarquant que la démarche a été inspirée par la voie prud’homale : avancer posément, avec des articles de fond et sur la base de notre propre conviction, même si cela ne colle pas toujours à  l’actualité. Accepter un décalage fréquent avec le sentiment que l’on avance plus sà’rement en prenant le temps de la réflexion, et en s’appuyant sur le ressenti plutôt que le réactif, respecter profondément la parole de l’autre, sa cohérence et sa culture jusqu’à  prendre le temps de retranscrire mot à  mot ses explications…

C’est un pari audacieux qui n’est pas « rentable » dans notre monde actuel, et qui n’aurait pu voir le jour sans l’appui presqu’inconditionnel des collectivités territoriales : Région PACA, Département du Var et récemment Toulon-Provence-Méditerranée [1] ainsi que l’Etat et le FEP dans le cadre du Groupe FEP varois.

C’est une démarche engagée depuis 5 années à  laquelle se sont associés toutes les personnes interviewées, nous accordant tout leur temps (et leur patience sà’rement) pour nous faire réellement comprendre et sentir le message qu’elles avaient à  transmettre. Il est rare qu’après cela ne se soient pas tissés des liens d’amitié et établie une relation de confiance et de reconnaissance mutuelle.

C’est un partage d’équipe où chacun se sent libre de poursuivre son propre chemin, heureux finalement de pouvoir croiser nos modes d’expression (peintures, photos, textes), et ce qu’ils véhiculent au-delà  des mots.

A notre façon, nous donnons corps et voix aux témoignages d’hommes en prise avec la nature. La sagesse prud’homale dont ils héritent, tout comme leur liberté d’agir alliée au respect des cycles saisonniers, forcent nos traits, nos avancées. Qu’ils en soient remerciés !

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Les étangs palavasiens : un territoire prud’homal à  gérer

« Y a 200 ans en arrière, Palavas était pas créé et le Lez était pas canalisé. Un coup il se déversait au bout de l’Etang du Prévost, un coup il se déversait vers la Campagne St Maurice. Il chassait comme ça suivant la force qu’il avait. Son lit était là  où il est canalisé. Quand y avait la crue, il se déversait sur les côtés. Donc un kilomètre de chaque côté, un truc large. Ici, ceux qui venaient, c’était les pêcheurs de Sète parce qu’ils trouvaient que ces étangs étaient poissonneux. Ils venaient l’été ou l’automne pour pêcher là . Ils faisaient les cabanes au bord du Lez. Et quand y avait la crue, le Lez il chassait et foutait toutes les cabanes en l’air. Il fallait qu’ils reconstruisent toutes les cabanes. Quand ils ont été plus nombreux, ils ont construits des cabanes en dur et ils ont canalisé le Lez. Palavas n’existait pas qu’on y pêchait déjà  !

Pendant des années, la station d’épuration de Montpellier était dépassée, la pollution arrivait dans les étangs par la rivière du Lez. Les ulves se sont développées. C’est une algue que quand il fait chaud elle se décompose rapidement et ça fait des malaïgues [1] généralisées. Il a fallu se battre. La nouvelle station avec un émissaire en mer a été ouverte en 2006. La prud’homie a été favorable à  l’émissaire en mer à  condition qu’il y ait un traitement supplémentaire par bio-filtration, ce qui s’est fait. C’est un acquis important. On demande également un contrôle automatique en continu, avec des prélèvements toutes les heures sur les matières organiques en suspension.

Il y a moins d’ulves qu’avant. A la place, il y a des algues comme du crin, elles se décomposent moins vite et résistent mieux à  la chaleur. Comme ça fout pas le feu à  l’étang, y a moins de malaïgues et ça te fait moins pêcher. Mais moi je dis : sur le long terme, on va s’y retrouver.

Avant même que la station fonctionne, on n’avait déjà  plus les ulves. Rien que de savoir que les papiers allaient être signés pour la station, ça allait déjà  mieux dans l’étang ! L’étang, il commençait à  frémir déjà  !

C’est un pêcheur, il avait mis des barres en travers, il faisait sécher les filets dessus. Il a enlevé les barres en travers et il a laissé ça planté parce que c’était dur. Alors les cascails lui ont poussé autour. C’est « Ficopomatus enigmaticus ‘, là  t’es renseigné ! C’est des mattes de calcaires qui ont la forme de tubes, que dedans il y a un vers. A force, ça fait des récifs, des murs et tu perds de la surface d’étang. C’est du à  la mauvaise qualité de l’eau

La vie dans les étangs dépend de la circulation de l’eau, les étangs se comblent et devraient être dragués, tout comme les roubines : les communications entre les marais et les étangs.

Dans l’Etang de l’Or qui est plus saumâtre que les autres mais qui connaît des pics de salinité dévastateurs pour les espèces, il faudrait installer des vannes à  partir du Canal du Bas-Rhône pour déverser de l’eau douce à  la saison chaude.

Il y a aussi la question de la propriété des étangs. On s’est battu pour essayer de récupérer le droit de pêche dans un étang qui était racheté par le Conservatoire du Littoral. Il faudrait faire valoir nos usages sur certains étangs privés

Les pêcheurs se sont opposés aux projets de comblements et de lotissements des étangs par la Commune. Sur l’un des projets, nous avons perdu, l’association a été attaquée à  titre collectif et 5 membres du conseil d’administration (dont 2 prud’hommes) ont été attaqués à  titre individuel pour « abus d’ester en justice ‘. Nous avons été condamnés à  payer 2 millions de frs. Depuis, l’amende a été réduite à‡a crée un précédent. Sur d’autres projets, on a pu empêcher ou limiter l’urbanisation.

Nous, on souhaite des buses sous les voies pour faire communiquer les trous d’eau avec les étangs. à‡a sert aussi en cas de crues et d’inondations. L’eau ne s’étale plus si on construit. »

Jean-Pierre Molle, patron pêcheur Premier Prud’homme de Palavas


Complément d’informations :

Formation des étangs : Après la dernière glaciation (il y a 6000 ans) le niveau de la mer monte. L’apport d’alluvions des fleuves et des galets refoulés par la mer forme le lido. Au 16ème siècle, une seule lagune s’étend d’Agde à  l’embouchure du Rhône. Au 17ème les baies se ferment en arrière du lido. Au 18ème, le canal du Rhône à  Sète coupe les lagunes sur toutes leurs longueurs. L’urbanisation des bassins versants poursuit la modification de ces étangs.

Des milieux riches, fragiles et menacés : Ces étangs sont riches  » les milieux lagunaires produisent trois fois plus que la forêt tropicale  » et étendues (3700 ha). Réceptacles des bassins versants (480.000 habitants entre Sète et Montpellier) et de faible profondeur (70 cm en moyenne), ils sont très fragiles. Adossés à  un cordon littoral voué aux fonctions balnéaires et résidentielles, ils sont soumis à  la pression grandissante de l’urbanisation.

Des risques d’inondations : à‡a commence toujours par du mauvais temps et des tempêtes à  la mer suivies de fortes pluies. Les étangs se remplissent d’eau salée, ils sont déjà  pleins quand la pluie arrive. Il faudrait freiner le remplissage par les ports, les graus et le lido : installer des portes sur Palavas et le Grau du Prévôt, finir le lido, renforcer les dunes

Un nouveau paysage institutionnel : Depuis quelques années, les politiques de gestion de l’eau et des sites naturels concourent à  la préservation de ces milieux. Mais la multiplication des structures [2] et des réunions alourdit la charge des prud’hommes : Quand tu as fait le tour de toutes ces structures, des réunions où il te faudrait aller Ils font souvent les réunions le matin, tu travaillerais plus à  l’étang. Et puis y a tous les trucs à  toi, toi, tu provoques des réunions : la création de la chambre froide pour laquelle il faut réunir l’architecte, le CEPRALMAR, le Conseil Général, la Région

Tu vois ces taches noires au fond, c’est du limon, c’est gluant, c’est très difficile pour arriver à  le sortir de l’eau, ça se met par paquets avec le froid. Ca se met dans les trous, ça bouche les trous. Et là  où y a pas de trous, on voit que c’est plus marron que d’habitude. à‡a a une odeur, la même que celle des filets quand je les fais sécher  » je pense que c’est l’ammoniaque  » Un jour j’en ai parlé à  un scientifique. La réponse c’est : « Ne nous demande pas ça parce que c’est pas prévu dans nos programme ‘. Baraque, avec ça tu vas loin !

Nous la pêche, il nous faut diversifier

« Avant c’était très réglementé [3] mais il y avait beaucoup de pêcheurs (80 pêcheurs sur l’Etang de l’Or, 10 aujourd’hui). Grosso modo, ce qu’on dit, on le fait surtout dans les petits étangs. Il y a moins de concurrence et moins à  pêcher, on est un peu plus sociable. Les anciens, quand tu étais calé, ils allaient en sens inverse pour chercher un autre endroit. C’était des vrais pêcheurs, nous, on est des gangsters américains !

C’est plus facile de gérer dès lors que les types ne sont pas spécialisés toute l’année sur la même espèce. Sur 68 pêcheurs de la prud’homie, 22 à  23 travaillent dans les étangs et 5 font l’étang et la mer. Il y en a 3 qui voudraient aussi aller à  la mer et qui ont acheté une barge de 7m mais on ne leur donne pas de PME [4]. On oblige ces types à  rester à  l’étang alors qu’il faudrait limiter la pression sur l’anguille. Tu as 2 choses qui se croisent et qui vont pas ensemble : l’exploitation sage et durable des étangs et la distribution de KW. Soi-disant, la distribution de KW est faite pour gérer la ressource ! Là , c’est tout le contraire.

Nous la pêche, il nous faut diversifier, et un plan de gestion c’est le moyen de rentrer dans la gestion européenne ; c’est le moyen de faire comprendre que quand on supprime une activité, automatiquement l’effort de pêche, il va s’accroître sur une autre. Tu prends le cas de la thonaille. Si l’Union européenne l’interdit, le report de cette flottille sur le merlu, sur la sole ou sur la bande côtière, ça va faire effondrer les autres espèces et tu vas faire couler les pêcheurs qui y travaillent. C’est pas ça qu’il faut faire, c’est pas adapté. J’espère que l’Union européenne en a conscience »

Entretien avec Jean-Pierre Molle, Prud’homme de Palavas


L’info en quelques clics :

Posidonie : « Préservation et conservation des herbiers à  Posidonia oceanica ‘, un rapport très complet, bien illustré et téléchargeable sur le site de Ramoge. D’autres informations sur le site du GIS Posidonies. A noter que cette espèce aux multiples qualités est protégée juridiquement [5].

Sites classés, zones inventoriées : voir le site de la DIREN (Direction Régionale de l’Environnement). Pour DIREN PACA, suivre « Données ‘ puis « Données communales ‘.

Informations sur la réglementation pêche de loisirszones de mouillages

Informations concernant les aménagements et travaux sur les plages ou la bande côtière : contacter la Direction Département de l’Equipement (DDE) ou la Direction Régionale de l’Environnement (DIREN).

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Alerte sur l’anguille

L’anguille semble déserter nos estuaires et nos rivières. Espèce complexe, difficile à  suivre entre son lieu de reproduction dans la Mer des Sargasses, ses déplacements au stade larvaire grâce à  l’action des courants atlantiques, sa dissémination sur les côtes d’Europe du nord et du sud, sa longue croissance de l’état de civelle au stade juvénile (anguille verte) puis mature (anguille argentée).

Que se passe t-il dans l’océan au moment de ses longues migrations ? Etait-ce l’action du réchauffement climatique, des courants qui agissent sur les larves, des virus qui affaiblissent les géniteurs lors de leur long retour vers la Mer des Sargasses, des barrages sur les rivières et les fleuves, de la pollution ou de la pêche qui réduisent les populations dans les milieux lagunaires et les cours d’eau ?

Personne aujourd’hui n’a de réponse. D’abord cette espèce qui change de milieu dérange le clivage de nos institutions spécialisées dans les eaux douces ou marines. Les observations sur les captures de civelles signaleraient un stock en mauvais état et soumis à  un processus en chaîne qui conduirait à  sa disparition. En milieu lagunaire, la relative stabilité des captures militerait pour une vision plus optimiste. Toujours est-il que nous pouvons agir principalement sur le cycle de croissance sur nos côtes (barrages, qualité des milieux, pêche)

Pression des lobbies des pêcheurs de civelles, des aquaculteurs qui les font grossir, des transformateurs qui les fument et les conditionnent ? L’Union Européenne a proposé de protéger, par la réglementation de la pêche, les géniteurs au détriment des civelles. Indignation des pêcheurs méditerranéens qui se sont toujours refusés à  pêcher la civelle malgré son prix élevé et qui gèrent depuis plusieurs décennies la pêche des anguilles vertes et argentées dans les étangs tout en essayant de préserver la qualité de ces milieux.

«

- C’est fou de vouloir protéger les choses si y a plus personne pour en profiter.

- S’il y a plus de pêcheurs, on saura plus rien sur l’anguille ‘

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Thon rouge : de la thonaille à  la canne, bilan négatif pour les artisans et l’environnement

Avec l’interdiction de la thonaille, nous nous sommes reconvertis à  la canne. Nous avons 8 cannes à  bord et pêchons à  la traîne, à  une vitesse de 8 nœuds. Chaque poisson est remonté à  bord au fur et à  mesure de sa capture. Nous avons perdu 50% de nos captures et de notre chiffre d’affaire par rapport à  la thonaille. Déjà , nous ne prenons plus les prises accessoires : espadon, grande castagnole. Quant au germon, il a disparu avec l’augmentation du thon rouge. Nous pouvons, en principe, travailler 3 à  4 mois. L’été dernier, nous avons bien pêché en juillet. Au mois d’aoà’t, il y avait mauvais temps. En septembre, notre quota était épuisé. Pour être rentable, il nous faudrait un quota de 10 tonnes par bateau (bateau de moins de 12m, 2 à  3 hommes à  bord). Une tonne de poissons, cela paie tout juste le gas-oil.

Avec la thonaille, on travaillait d’avril-mai à  octobre. On était un peu plus limité par le mauvais temps et la lune mais les captures étaient plus importantes : de 20-30 à  parfois 100 poissons dont des espadons et des grandes castagnoles, avec des filets de 2500 m. C’était suffisant, et bien diversifié, pour le marché local. La moitié se vendait à  quai et le surplus aux mareyeurs. A la canne, on prend en moyenne 20 poissons et uniquement du thon. Il doit rester 9 bateaux à  faire ce métier, dans le Var et les Alpes-Maritimes.

Les débarquements sont très contraignants et sans fondement pour la pêche artisanale vendue à  quai. Il faut appeler les gendarmes 4h avant, que ce soit des jours ouvrables Ils savent bien qu’à  la ligne, on ne prend qu’une vingtaine de poissons. Nos captures sont équivalentes à  celles de la pêche récréative. Les plaisanciers ont droit à  un poisson de 30 kg par jour mais comme il y a 1000 bateaux et qu’ils sont peu contrôlés

Certains patrons ont du licencier leur matelot. Pour conserver mes deux matelots, j’ai du reporter mon activité sur d’autres espèces côtières qui sont déjà  bien exploitées (merlu, dorade rose, sabre, soupe, rouget, langouste) alors que le poisson le plus abondant et le plus facile à  pêcher et à  valoriser, est le thon. Je suis obligé d’avoir trois fois plus de matériel et de travailler beaucoup plus pour compenser avec les autres métiers (trémails à  langoustes, filets maillants à  merlus, battudes, palangres de fond et palangres fins, trémails à  rougets, soupe et rascasses, tautenière ou calamarette, escombrière). Pour nous comme pour la gestion environnementale, c’est un mauvais choix. Nos captures sont dérisoires par rapport au stock de thon rouge, et nous avons montré que l’impact de la thonaille sur les mammifères marins était négligeable.

Voir aussi :

– Thon rouge, espadon, dorade rose : pour une réglementation qui colle au terrain

– Thon rouge : la voix des pêcheurs artisans

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