Cette expérience est partie d’un travail étroit, dès le début, avec les pêcheurs professionnels. C’est 30 km de côtes entre Marseille et Martigues avec 2 zones protégées et un ensemble de récifs artificiels devant le littoral. Il est géré actuellement par un Syndicat mixte, un établissement public qui rassemble la Région, le Département, les 5 communes de Martigues au Rove, les organisations professionnelles de la pêche de Marseille et Martigues : Prud’homies et comités locaux de pêche.
Au départ, il s’agit d’un programme de développement de l’aquaculture et de gestion des ressources marines qui date de 1980 et qui a été adopté par la Région. L’objectif était d’essayer une aquaculture à petite dimension pour compléter les revenus des pêcheurs « cela a été testé mais les résultats n’étaient pas toujours efficaces- et d’essayer de créer des zones marines protégées, des récifs artificiels comme outils de gestion de la ressource à disposition des pêcheurs.
Il y avait aussi l’idée d’un parc régional en mer. En 1983, la Région a proposé aux communes littorales de la Côte Bleue de s’associer à ce projet expérimental d’un parc régional en mer. La Côte bleue est une partie littorale entre le Golfe de Fos et Marseille, la dernière côte rocheuse de Provence, à proximité de l’embouchure du Rhône, située donc avant le Golfe du Lion. Elle est située également entre deux sources de pollution potentielle : les industries du Golfe de Fos et la Ville de Marseille, et elle a une vocation naturelle car peu habitée, avec des grands zones naturelles qui appartiennent au Conservatoire, et avec le plus grand herbier des Bouches du Rhône. Il y avait donc un intérêt fort à protéger cette partie du littoral.
A la frontière entre deux zones, on est sur des enjeux de ressource et de pêche importants avec une pêche très diversifiée, essentiellement de petits métiers. 40 bateaux aux petits métiers sur les 3 ports principaux de la Côte bleue, 60 marins, des filets très variés, un ou deux palangriers et la récolte du corail rouge et des oursins en hiver. Plus une pêche chalutière en provenance de Port St Louis, Port de Bouc, Saumaty (Marseille) qui est normalement interdite à moins de 3 milles du littoral. Depuis 2 ans nous sommes sur des évaluations de pêche de loisir qui est loin d’être négligeable, et même assez intense le long de la côte, toute l’année.
Nous sommes partis de la création de la réserve de Carry qui était un cantonnement de pêche prévu pour 3 ans. Le travail avec les pêcheurs a été de voir comment gérer au-delà de ce cantonnement la zone périphérique. Les pêcheurs ont demandé, et même conditionné le renouvellement du cantonnement, à la mise en place de dispositifs de protection contre le chalutage illégal dans la zone côtière. On a mis, en plusieurs programmes, 2500m3 de récifs artificiels et presque 200 obstacles par rapport au chalutage illégal. A cette époque, les chalutiers passaient sur l’herbier dans les zones coralligènes. Il y avait également un problème de cohabitation entre les métiers. Les petits métiers étaient cantonnés sur les zones non chalutables, avec donc une pression importante sur ces zones + le problème fréquent de filets emportés.
Le Parc marin, qui était alors une association, s’est étendu à cette époque à la ville de Martigues et a intégré le Comité local et la Prud’homie de Martigues. Les pêcheurs professionnels ont proposé, et délimité, une deuxième réserve devant le Cap Couronne et demandé la mise en place de récifs à cet endroit. Donc en 1996, nous avons 17 km d’alignements de récifs e t obstacles au chalutage, ainsi que 2 cantonnements de 210 et 87 ha.
Les résultats obtenus sur les réserves ont é té rapides. On a comparé 2 zones, dans et hors réserve, et constaté des « effets réserve ‘ :
– une densité plus importante des espèces de fond, notamment de labridés, sparidés,
– une régularité dans la présence d’espèces « rares ‘ comme le denti, le loup, 8,33 (93) qui atteignent en été des densités importantes,
– un retour d’espèces comme le mérou et le corb.
Pour la réserve du Cap Couronne, créée à l’initiative des pêcheurs professionnels, on les a associés pour le suivi scientifique. Des pêches expérimentales sont faites tous les 3 ans au trémail, en ayant intégré un point 0 avant la création de la réserve.
En 1995, soit avant la réserve, 5 pièces de trémail capturent 21 kg de poissons, en 1998 : 46 kg, en 2001 : 48 kg et en 2004 : 91 kg (même filet, même pêcheur, même site).
Le poids moyen des poissons capturés est passé de 102 g à 216 g.
Pour avancer dans la connaissance des effets réserve, on a été associé à un programme « Biomex ‘ qui essayait de démontrer l’exportation de biomasse des réserves, en quoi elles exportent leur production en poissons vers des zones périphériques, et comment elles peuvent bénéficier aux activités de pêche. 6 réserves ont été choisies (2 en France et 4 en Espagne), soit des réserves de plus de 10 ans gérées et surveillées et faisant l’objet d’un suivi de l’effet réserve. Différentes techniques ont été sélectionnées pour évaluer cet effet d’exportation : pêche en plongée, pêche expérimentale, enquêtes auprès de pêcheurs, captures de larves et plancton, caméra immergée… On a pu démontrer une exportation effective de biomasse.
Différents types de récifs artificiels qui donnent lieu à des densités en poissons assez différentes selon leur architecture, leur exposition et le fait qu’ils soient situés en zone protégée ou non. Sur les récifs de protection, on a pu faire un suivi avec le Sémaphore du Cap Couronne des traits de chalutage, en zone interdite. Ce chalutage a fortement chuté avec la mise en place des récifs.
6 personnes du Parc interviennent sur les 2 réserves pour une surveillance régulière (+ 10000 heures sur 325 jours).
L’équipe fait également des suivis à long terme, avec des laboratoires, sur les peuplements d’oursins exploités par la pêche professionnelle.
Nous avons un travail avec des classes de mer pour que tous les enfants scolarisés puissent faire un stage de découverte d’une semaine.
Nous travaillons sur un plan de gestion pour prendre plus largement en compte tous les problèmes du bassin versant, à l’échelle du littoral, ainsi que les autres usages que la pêche ou l’exploitation du milieu. Ceci va se concrétiser probablement par la prise en charge de la gestion de la zone Natura 2000 de la Côte bleue, avec la participation des pêcheurs professionnels.