La pêche en 2020 : une démarche environnementale à  l’échelle planétaire, une organisation économique et sociale à  l’échelle humaine

Les interactions environnementales sous l’angle de la biodiversité et du plancton

Cela fait bientôt 10 ans que l’on a cessé de raisonner par « stock ‘ de poissons pour aborder pleinement les interactions environnementales à  l’échelle planétaire :
– La chaîne alimentaire de nos océans et de nos mers est appréhendée à  partir de l’observation régulière du planton et de sa diversité, particulièrement aux abords des côtes. De l’état du plancton dépend le recrutement des poissons fourrages qui à  leur tour nourrissent les poissons qui composent nos menus.
– La biodiversité fondée sur la diversité de la faune et de la flore fait la richesse de nos territoires maritimes. L’accent est mis sur l’observation de cette diversité et sur la compréhension des écosystèmes marins et littoraux. Les pêcheurs artisans et les conchyliculteurs, de par leurs connaissances et leur présence régulière sur l’eau, nourrissent au quotidien ce suivi effectué par les scientifiques.

qui conduisent à  une vision planétaire de la ressource et à  une attention particulière à  la gestion littorale

L’on a compris que la ressource marine présente au large, qui était le plus souvent exploitée par la pêche industrielle, dépendait de l’état de nos rivages, souvent entretenus par les pêcheurs artisans, et que par conséquent l’ancien clivage « sectoriel ‘ ne reposait pas sur des stocks indépendants. L’on a compris également l’intérêt stratégique à  réduire la pollution venant de la terre, voire de l’air pour des zones à  forte pollution atmosphérique, puisque celle-ci appauvrit la diversité planctonique et par suite nos sources futures d’approvisionnement halieutique. Une grande vigilance est donc apportée aux rejets et écoulements des bassins versants, aux rejets atmosphériques qui, par le jeu des vagues, se retrouvent dans nos eaux, à  l’impact des différentes activités maritimes dont le transport, les extractions Les milieux lagunaires et littoraux, source d’une richesse extrême, font l’objet d’une attention soutenue. Compte tenu de l’engouement pour la pêche de loisirs et la chasse sous-marine, ces activités sont strictement limitées (plafonnement des captures par pêcheur, restriction des engins utilisés, interdiction de moyen de relevage mécanique pour la pêche de loisirs). Tout le monde est surpris de la productivité naturelle des zones côtières depuis qu’elles sont restaurées et bien gérées.

Des choix de production halieutique et aquacole adaptés aux interactions environnementales

La pêche et l’aquaculture industrielles d’espèces carnivores sont devenues marginales depuis qu’elles ont du intégrer les coà’ts environnementaux (gas-oil, rejets de CO², pourcentage de rejets et déchets, gaspillage protéinique, pollutions) et sociaux, et que les consommateurs sont devenus très vigilants sur la qualité des produits (perte de qualité des produits congelés, concentration de polluants dans les farines de poissons). D’ailleurs la pêche minotière, qui représentait près d’1/4 des captures mondiales , a été arrêtée, depuis quelques années, par mesure de précaution tant que n’est pas mis en évidence l’impact sur la chaîne alimentaire des captures massives de poissons fourrages .

avec une large priorité à  la pêche artisanale du fait de sa capacité d’adaptation aux écosystèmes.

La pêche artisanale, de par son aspect territorialisé , s’intègre complètement dans la gestion des territoires appréhendés dans leurs dimensions environnementales, sociales, économiques et culturelles Les pratiques de pêche artisanales sont examinées, non plus une à  une pour leur impact respectif sur certaines espèces, mais dans leur cohérence globale relativement à  la richesse et à  la biodiversité des territoires. Scientifiques et pêcheurs artisans coopèrent étroitement pour affiner les techniques, améliorer leur répartition dans le temps et dans l’espace sur la base d’indicateurs révélateurs de la biodiversité du plancton, de la faune et de la flore, et de l’observation sur la taille des poissons. Non seulement l’analyse du vivant se fait très en amont (relativement aux modèles biologiques sur l’estimation des stocks qui servaient de base à  l’ancienne gestion des pêches), mais la recherche est orientée sur les meilleures combinaisons d’engins sélectifs, relativement aux potentialités des territoires.

Les outils d’une politique de pêches artisanales intégrées aux territoires

Les formations de pêcheurs ont intégré l’apprentissage des diverses techniques artisanales locales et favorisé la polyvalence, grâce à  la participation de pêcheurs professionnels et aux nombreux stages effectués en mer. Les apprentis et pêcheurs professionnels disposent d’enseignements sur les fonctionnements des écosystèmes marins, sur les façons de les observer, les préserver, les restaurer et les repeupler (récifs artificiels, ensemencement de juvéniles issus d’écloseries en coopératives).

Chaque territoire fait l’objet d’une allocation spatiale en fonction des usages et de leur intensité respective. Des objectifs généraux sont fixés à  grande échelle mais leur application locale fait l’objet de concertation entre les représentants des différentes activités. Compte tenu de l’importance stratégique de la pêche artisanale, les postes de pêche sont prioritaires et protégés, tout comme les places à  quais et les infrastructures portuaires qui leur sont nécessaires. La création d’aires marines protégées n’est plus un objectif défendu en lui-même mais un outil à  disposition des acteurs concernés, compte tenu des situations précises de chaque territoire. Chaque commune littorale doit, en fonction de sa situation de départ, conserver un certain périmètre en site naturel, et cela est particulièrement appliqué pour la bande littorale, ce qui a permis de réduire le bétonnage de la côte, et son impact sur la faune et la flore littorales.

Encouragés par des programmes culturels et des campagnes d’information, les consommateurs ont découvert les espèces locales saisonnières, ce qui a permis de réduire les importations massives d’espèces halieutiques ou aquacoles. Dans chaque région, dans les pays du nord comme du sud, la pêche artisanale participe pleinement au développement économique et social du territoire.

avec un système de gestion décentralisée et une forte coopération des instances européennes.

La Direction Générale européenne des pêches ne cherche plus à  gérer et contrôler l’activité par le haut mais elle met tout en œuvre pour faire avancer les connaissances sur les écosystèmes et sur le plancton, pour faire circuler l’information et les expérimentations d’un territoire à  l’autre, pour organiser les échanges de manière à  privilégier la gestion des territoires et pour maintenir une cohérence environnementale, sociale et économique entre les territoires.

La gestion proprement dite des territoires se fait donc à  l’échelle locale ; elle est déléguée aux pêcheurs qui décident collectivement des règles et usages, et bénéficient pour cela de l’aide des scientifiques. A une gestion des pêches par quota est substituée une gestion par l’effort de pêche, les pêcheries décidant collectivement des conditions d’exercice sur leur territoire respectif (engins utilisés, allocations spatiales et temporelles, mesures d’ajustement) L’innovation est encouragée sur une base artisanale et pour développer la polyvalence des pêcheurs. Toute nouvelle pratique dont l’incidence pourrait être importante relativement à  l’équilibre de la pêcherie donne lieu à  des décisions collectives (expérimentations, règles de précaution) Des activités aquacoles pour des espèces non carnivores (moule, huître, coquille saint jacques, algues) ont été développées (en pleine mer notamment) comme activité complémentaire ou à  temps plein. Chaque pêcheur s’engage à  mettre en œuvre tous moyens pour préserver le territoire et respecter le travail des autres. La communauté des pêcheurs détermine les moyens de contrôle et de discipline à  mettre en œuvre.

Il en résulte que

le changement opéré en une dizaine d’années est édifiant. La nature, et ses contraintes, nous ont appris les risques de l’infini mathématique appliqué au monde financier, économique et social, et la nécessité de travailler en harmonie avec l’ensemble du vivant. Ce nouvel objectif, condition essentielle à  l’avenir de notre planète, mobilise petit à  petit les esprits plutôt que la recherche basique d’accumulation de biens et de capitaux, et de « représentation ‘ sociale ou politique par le jeu des médias. Ce transfert d’objectif s’opère progressivement, en favorisant la compétitivité sur la base de savoir-faire plutôt que l’accumulation des capitaux. A d’ailleurs été abandonnée toute idée de droits individuels capitalisables sur la ressource, ou sur le plancton, qui d’une part n’était pas opérante pour une bonne gestion des ressources mais, de plus, représentait un danger certain d’appropriation du vivant. Le rapprochement avec les contraintes et les richesses du vivant, tout comme l’effort considérable opéré pour mettre en place des lieux de concertation et de décision à  échelle humaine, redonnent à  chacun une action politique, sociale économique, culturelle, et un sens aigu des responsabilités individuelles et collégiales. Dans ce nouveau cadre de réflexion et d’action concertées en vue de préserver l’environnement pour assurer l’avenir de notre planète, les femmes ont progressivement pris leur place. A l’initiative individuelle sanctionnée par le marché ou les réseaux sociaux et médiatiques, qui constituait notre ancien modèle et qui avait tendance à  isoler chaque individu, est substituée l’idée d’une nécessaire coopération entre les savoir-faire et les compétences pour penser, construire et acter notre organisation économique et sociale. C’est un nouvel axe pour l’homme en sa planète qui se veut porteur d’avenir.

Texte

Voir également :

« Le merlu à  la farine, le hoki à  la cantine et les pêcheurs à  la ruine »,
texte du Collectif Pêche et Développement

Commentaires de Jean-Michel Le Ry sur le Livre Vert

Texte du livre vert

La commission invite toutes les structures professionnelles de la pêche et les pêcheurs eux-mêmes à  donner leurs avis sur la future politique commune de la pêche, jusqu’au 31 décembre 2009. Les commentaires sont à  envoyer à  l’adresse postale suivante : « Réforme de la PCP, B-1049 Bruxelles, Belgique »
ou par courrier électronique à  l’adresse suivante : « mare-cfp-consultation@ec.europa.eu »

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