Gestion des pêches en fonction de leur contribution aux développements régionaux et sur la base des cohérences territoriales

La transférabilité de droits de pêche, conçus en termes de QIT, dans un contexte de raréfaction des stocks et des zones de pêche, n’a pour objet que de permettre l’expansion de flottes industrielles et la concentration de capitaux par des groupes d’armement au détriment de flottilles artisanales.

Les droits de pêche, conçus à  partir de quotas individuels, sont des outils de gestion conçus pour des pêches industrielles fondées sur des logiques de quantité.

Ressource halieutique : une attention extrême doit être portée à  cette richesse inégalable, renouvelable, facilement accessible et source d’alimentation pour l’humanité mais dont les conditions de reproduction restent fragiles dans un milieu non maîtrisé.

Il en résulte que la pêche industrielle  » et l’élevage d’espèces carnivores qui en dépend  » doivent rester résiduels, tributaires de quelques espèces pléthoriques et focalisés sur des zones qui ne remettent pas en cause les pêcheries artisanales.

Les secteurs liés aux ressources halieutiques ne peuvent être considérés comme des secteurs productifs dans lesquels les produits sont « élaborés ‘ par les hommes. En conséquence, ces secteurs ne peuvent être gérés à  partir de la demande, sans une réelle conscience de l’impact des formes d’exploitation sur l’environnement et sur les hommes qui en dépendent.

Les communautés de pêcheurs artisans, en se référant à  une logique économique d’adaptabilité aux composantes (biologiques, environnementales, sociales, commerciales), permettent une action « mesurée ‘ sur l’environnement. Par ailleurs, elles représentent bien plus qu’un prélèvement quantitatif sur des stocks d’espèces marines. Elles sont un maillon essentiel d’un développement régional au sein de l’Europe :

– par la qualité des apports,
– par le dynamisme littoral et leur présence sécuritaire sur l’eau
– par leur rôle de protection et de réhabilitation des zones maritimes
– par leur fonction d’alerte sur les incidences en mer
– par leur coopération avec les scientifiques pour la connaissance et la protection du milieu marin (aires marines protégées, plans de gestion, suivi d’espèces)
– par leur implication dans les organismes de gestion portuaire, littorale, environnementale ou halieutique (commissions portuaires, commissions nautiques locales, sites natura 2000)

Gestion des pêches : En lieu et place d’une gestion des pêches globalisante (par stock, par technique ou par flottille) conçue dans le cadre d’une politique productiviste et dans un contexte ultra-libéral (liberté des investissements technologiques, concentration des capitaux, forte mobilité des flottilles), les pêches doivent être gérées en fonction de leur contribution aux développements régionaux et sur la base des cohérences territoriales. Cela suppose d’appréhender la diversité et la complémentarité des techniques des pêcheurs artisans en fonction des composantes régionales (marchés, espèces, territoires, infrastructures, organisations sociales et professionnelles)

Aujourd’hui, les pêches artisanales prennent de plein fouet la gestion conçue pour les pêches industrielles (quotas, interdictions et réglementations par métier ou par technique, peu de limitation à  l’investissement technologique, à  la concentration des capitaux, à  la mobilité des flottilles et à  leur délocalisation), ce qui conduit à  brève échéance à  leur disparition.

Exemples :

– En Méditerranée française, les organisations professionnelles de la pêche dépensent une énergie et un temps démesurés par rapport à  leurs moyens pour défendre chaque métier (thonaille, ganguy, senne de plage, filet combiné, le verveux, etc.) alors que la diversité et la complémentarité des techniques sont les fondements même de cette gestion territoriale des pêches par les Prud’homies. Au contraire, le report sur d’autres techniques ou d’autres ressources de métiers interdits par l’UE pourrait avoir un effet désastreux sur l’équilibre des pêcheries que ce soit au niveau des ressources, des zones ou des marchés.

Dans le même temps, peu de crédits ou de moyens sont accordées pour permettre aux communautés de pêcheurs artisans de préserver leur rayon d’action dans un contexte de croissance exponentielle de la pêche de loisirs, de la plongée et du nautisme, d’affiner leur gestion territoriale de la pêche, et de jouer pleinement leur rôle de gestion littorale et environnementale.

– Dans le Finistère, la diversité et la complémentarité des métiers sont également les fondements de cette pêche régionale. Les apports des navires hauturiers garantissent le fonctionnement des infrastructures (criées, mareyage) également nécessaires à  la pêche côtière dans une zone littorale peu peuplée (pas de marché local). La pêche hauturière est fragilisée par l’impact sur la ressource des récentes innovations technologiques et par le rachat des navires par des groupes d’armement dont la logique économique n’est pas « territorialisée ‘. Les bolincheurs sont mis en difficulté depuis l’interdiction de la pêche de l’anchois (1/3 de leur chiffre d’affaire) : une mesure injustifiée dans cette zone puisque l’espèce y est abondante, mature et à  la fin de son cycle de vie. Ne pas la pêcher équivaut à  la laisser mourir

Organisations professionnelles : Gérer la pêche à  partir de son implication dans le développement régional et de sa cohérence territoriale est une dynamique qui devrait fédérer l’ensemble des secteurs économiques, en coopération avec les environnementalistes, les scientifiques et avec l’appui politique et financier des collectivités territoriales.

Les organisations professionnelles de la pêche, en pleine restructuration, doivent être conçues sur la base d’une représentation territoriale, et non plus à  partir des lobbies de la pêche industrielle, ou des grands métiers en Méditerranée.

Mà’ par le dynamisme du développement régional, le fonctionnement des organisations professionnelles doit être défini au cas par cas :

– représentation des différents métiers lorsque l’articulation terre-mer repose sur la diversité et la complémentarité des techniques,
– concertation avec les représentants professionnels de la transformation et de la commercialisation en fonction du contexte,
– implication circonstanciée dans la gestion littorale,
– découpage géographique et rationalisation des tâches en fonction de la répartition des pêcheurs sur le littoral

Aux politiques qui favorisent implicitement les unités les plus modernes et les groupes les plus puissants, ces organisations professionnelles chercheront à  définir collectivement les règles de compétition les plus adaptées pour permettre aux communautés de pêcheurs de valoriser et produire les ressources régionales tout en préservant leur environnement et leur qualité de vie.

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