Des expéditions maritimes consacrées à  la planète

Les amarres ont été larguées, lundi 9 novembre en début de matinée. L’équipage de La Boudeuse se languissait à  Brest depuis une quinzaine de jours d’une météo favorable pour se lancer dans la traversée de l’Atlantique et débuter son exploration scientifique de deux ans. Baptisée Terre-Océan, l’épopée est des plus officielles. Patrice Franceschi, le capitaine du trois-mâts, a reçu, le 7 janvier 2009, une lettre de mission du ministre de l’écologie, Jean-Louis Borloo, comme en son temps le navigateur-explorateur Louis-Antoine de Bougainville obtint la sienne de Louis XV pour guider sa frégate La Boudeuse autour du globe, de 1766 à  1769.

oceans.taraexpeditions.org. Le site de Tara-oceans permet de découvrir le journal de bord de l’expédition en mer depuis début septembre. Il propose aussi des vidéos et des infos très pédagogiques sur la mission scientifique.

la-boudeuse.org. Quel sera le parcours du trois-mâts de l’écrivain-aventurier Patrice Franceschi ? Quels scientifiques vont l’accompagner ? Etc.

www.planetsolar.org. La découverte en ligne du multicoque 100 % solaire.

seaorbiter.com. Schémas et simulations permettent de mieux se familiariser avec le projet futuriste de Jacques Rougerie.
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Traduction concrète du Grenelle de la mer, Terre-Océan vise à  mieux évaluer l’effet du réchauffement climatique sur la planète et sensibiliser les publics rencontrés lors du périple à  une écologie plus humaniste. Le programme de la mission a été établi par un comité scientifique composé de membres de la Société des explorateurs français et de la Société de géographie, qui a fait appel à  plusieurs organismes dont le CNRS, le Muséum d’histoire naturelle ou l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Pendant les douze premiers mois, La Boudeuse naviguera dans les bassins des grands fleuves d’Amérique du Sud, puis, la seconde année, partira dans les îles du Pacifique menacées par la montée des eaux.

« Bateau du futur »

Deux mois plus tôt, le 4 septembre 2009, c’est , la goélette arctique, qui quittait son port d’attache de Lorient, pour une expédition scientifique de trois ans sur l’ensemble des mers du globe, afin d’y étudier le plancton et les autres micro-organismes marins, qui absorbent plus de la moitié du CO2 produit sur Terre.

Cette flottille maritime dédiée à  la sauvegarde de la planète va encore se renforcer en 2010 et en 2011. En 2010, Gérard d’Aboville, 64 ans, premier homme à  avoir traversé l’océan Atlantique à  la rame en 1980, devrait se lancer dans un tour du monde sur PlanetSolar, un multicoque de 30 mètres entièrement propulsé à  l’énergie solaire. Lors des escales, le bateau aura pour mission de promouvoir le photovoltaïque et le développement durable.

Quant à  2011, ce devrait être l’année de la mise à  l’eau – les derniers tests réalisés en Norvège ont, semble-t-il, été concluants – de SeaOrbiter, un laboratoire océanographique flottant conçu par l’architecte Jacques Rougerie et capable de se laisser porter par les courants marins pendant plusieurs mois. Objectif ? Travailler, notamment, sur les liens entre climat, gaz à  effet de serre et océans…

« Toutes ces expéditions, dignes héritières de celles que nous avons connues les siècles précédents, montrent combien l’écologie est capable de mobiliser aujourd’hui, estime l’amiral Gard, directeur du Musée national de la marine, partenaire de La Boudeuse et de SeaOrbiter. Cela semble difficile à  croire, mais nous manquons toujours de données sur la mer. L’océan est moins connu que la Lune. »

Le cabinet de Jean-Louis Borloo reconnaît être « extrêmement sollicité depuis plusieurs mois par des inventeurs, des anciens skippers qui veulent partir en mer pour aider, récolter des données. » Partenaire de La Boudeuse, Tara, PlanetSolar et SeaOrbiter, le ministère confirme que, d’une manière générale, « on ne connaît pas bien la mer », et que chacune des aventures actuelles ou à  venir est utile. « PlanetSolar, par exemple, va nous aider à  définir le bateau du futur, que l’on veut beaucoup moins pollueur. » Le transport maritime représente actuellement 3 % des rejets mondiaux de C02 et rechigne à  la mise en place de quotas d’émission.

Du côté des scientifiques dont certains vont embarquer sur La Boudeuse ou Tara, l’intérêt semble unanime. « Ces expéditions visent à  mettre à  la disposition de chercheurs des jeux de données cohérents qui permettent de confirmer ou d’infirmer ce que nos modèles décrivent, estime Loïc Petit de la Villeon, de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer). Nous travaillons déjà  avec des navires de commerce qui acceptent, par exemple, de mesurer la salinité ou la température de l’eau en surface, ce qui nous aide à  mieux modéliser le climat. Mais beaucoup d’endroits ne sont pas couverts par la marine marchande. Notamment les hautes altitudes. A ce sujet, le périple de Tara nous intéresse particulièrement. » L’alliance semble scellée entre scientifiques et navigateurs. « Nous sentons aujourd’hui que les amoureux de la mer ne veulent plus naviguer pour naviguer, ils veulent que cela serve… », assure M. Petit de la Villeon.

Cet enthousiasme demande néanmoins un minimum de coordination. Le ministère de l’écologie devrait annoncer en 2010 la création d’un « Club des explorateurs » associé à  une fondation « pour mieux organiser toutes les demandes ». Et les financements, bien sà’r. Le budget prévu pour l’ensemble de l’opération La Boudeuse se chiffre à  2,5 millions d’euros environ. L’expédition bénéficie du soutien d’une douzaine de sponsors et de huit partenaires techniques. Mais SeaOrbiter pourrait coà’ter, lui, 25 millions d’euros.

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