Les côtes de l’Espagne : un peuple de pêcheurs

Adossés aux montagnes, résolument ouvert sur le monde par l’Atlantique qui déferle sur les falaises entrecoupées de baies, rias et plages, Galiciens, Asturiens, Cantabrais et Basques sont ancrés dans la maritimité.

Pas une anse abritée naturellement, ou par de longues digues, qui ne recèlent de bolincheurs, caseyeurs, ligneurs ou fileyeurs quand les rias basses sont dédiées à  la culture et la collecte des coquillages.
Partout où les mannes océanes sont prodigues, s’activent les pêcheurs pour nourrir un pays si friand des produits de la mer, à  tel point qu’il faille en importer d’autres contrées.

La Galice à  elle seule dénombre 20.000 personnes dépendantes de la pêche et 62 cofradias (organisations de pêcheurs)

Chaque région organise la pêche à  sa façon tout en respectant les principes nationaux et européens : un art éminemment complexe vu les diversités de terrain. Les cofradias sont absorbées par la gestion quotidienne et la survie des communautés de pêcheurs, seules leurs fédérations travaillent plus en amont sur les perspectives de développement d’un secteur pléthorique.

Pour la pêche côtière, l’on a privilégié l’emploi en conservant des techniques artisanales moins capitalistiques que dans d’autres régions européennes. Ainsi la bolinche, senne tournante pour la capture des petits pélagiques, maniées par des équipages de 4 à  14 hommes selon la taille du bateau, remplace le chalutage pélagique interdit dans les eaux espagnoles. Avec une part minime de rejets, l’engin est jugé plus sélectif que le chalutage pélagique, et comme la ressource marine est limitée dans son renouvellement, c’est autant qui reste dans le « pot commun » à  disposition de l’ensemble des pêcheurs.

La pêche professionnelle est également protégée de l’essor naissant de la pêche de loisirs par une stricte réglementation : ni palangre, ni filet, seules les lignes sont autorisées et subordonnées à  l’achat d’un permis, tout comme la pêche sous-marine…

Quant à  la qualité des eaux littorales, elle peut être mise en cause par une urbanisation croissante et disséminée, une industrialisation ponctuelle mais polluante (papier, raffinerie de pétrole, aluminium…) et les sinistres marées noires.

4.183 personnes, dont 95% de femmes, récoltent les coquillages à  pied, avec une production de 11.341 tonnes pour 77,8 millions d’euros. Cela représente 241 plans d’exploitation annuels
pour la gestion de ces gisements…

Sur les côtes exposées, le jeu conjugué des courants, des vents et des marais renouvelle peu ou prou les ruissellements fréquents et abondants des bassins montagneux, mais dans les rias abritées, les risques de pollution sont accrus. Ces zones « naturellement » protégées ont une grande productivité biologique, l’impact de leur contamination sur la pêche artisanale, la récolte et l’élevage des coquillages est d’autant plus grand.

Les formes d’allocation des ressources et des zones marines, comme les techniques d’exploitation de cette manne collective, sont des choix de développement. Alors que se décide la nouvelle politique européenne des pêches dans un contexte où la problématique environnementale est de plus en plus présente, va-t-on privilégier un développement régional fondé sur la dimension artisanale de la pêche et de la conchyliculture ou opter pour les intérêts de grands armements industriels de dimension internationale ? De façon très pratique, va-t-on attribuer des quotas de pêche capitalisables à  l’industrie avec un fort risque de concentration du secteur, un choix qui pénalisera nécessairement l’artisanat ?

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