L’île de Sein

Tandis qu’avec diligence le navire à  passagers fait route, l’on croit distinguer une vague ligne claire flottant sur l’horizon cernée de 2 grands doigts pointés vers le ciel. Sein, comme un mirage, étale ses blanches façades sur une fine pellicule de terre brune. Sein, émergé au cœur des déferlantes océaniques, croisement tumultueux des courants de la Manche et de l’Atlantique qui affrontent aux abords du Cap une chaussée immense de roches éparpillées…

Derrière la digue, le port n’est pas petit. Une coursive longe la côte, quelques ruelles serpentent entre maisons et jardins, déjà  le chemin de sable et de galets invite à  la promenade dans l’axe vertigineux du phare. Vent d’est, la mer gronde sur la gauche, vent d’ouest, elle change de couplet sur la droite.

Comment vivre loin de ce bercement régulier qui caresse les jeunes années ? Comment concilier cette vie à  l’écart avec le travail, la vie moderne, le besoin régulier de contacts et de nouveautés ? Pour tout visiteur, le lieu semble idyllique, si paisible d’un coup loin du fracas quotidien. Pour l’îlien d’origine, le choix est d’autant plus ardu qu’il prend une allure collective : l’île se vide de ses Seinans et se gonfle par saccades d’afflux touristique. Quel sera l’avenir de ce petit peuple qui, par son savoir, son expérience, règne en maître et depuis des lustres, sur un immense champ maritime ?

« Ancien lieu de culte celte puis romain, Sein a une longue histoire. Zone de frayère du lançon qui attire les bars, fonds rocheux propices aux crustacés, les pêcheurs habitent un vaste territoire dont ils connaissent les accès fluctuant au gré des vents et des courants. Venus de Paimpol ou d’ailleurs au 19ème et 20ème siècle, ils y fondent leur famille, attendant la force de la marée pour vendre les apports sur le continent. Très jeunes, les garçons embarquent, apprenant à  naviguer entre les cailloux. Mais la ressource se raréfie et certains partent l’hiver faire la saison de la coquille saint jacques à  St Quai Portrieux, Port en Bessin, Finalement, plusieurs familles préfèrent regagner le continent.

L’île compte plus d’un millier d’habitants en 1950 contre 120 aujourd’hui. Côté pêche, le port abrite 3 ligneurs de bars ainsi qu’un caseyeur qui vient pour la saison des crustacés Nous avons le sentiment de perdre notre culture d’îlien, d’autant plus que les touristes viennent « faire la fête ‘ par centaines les mois d’été. Une île, pour eux, c’est un des derniers endroits de liberté ‘

Avec les va et vient de population, sa situation géographique, le changement climatique, Sein reste un lieu difficile à  gérer. Construite sur des galets, l’île doit se protéger des fortes tempêtes et préserver ses pierres. Il est interdit d’en emporter. Attenante au Parc d’Armorique et au Parc marin d’Iroise, ses 330 maisons font partie du patrimoine tout comme les dunes, les parcelles et les enclos dont les murets protégeaient les cultures de patates. Pour l’eau douce, chaque maison a un réservoir d’eau de pluie que complète un desalinisateur. Des cantonnements de pêche sont mis en place avec le Comité local des pêches d’Audierne pour repeupler les fonds à  crustacés. Il reste des parcs de retrempage pour des huîtres d’Audierne qui y acquièrent une saveur salée mais l’écloserie construite dans les années soixante-dix a été abandonnée.

Témoignage de Florent Spinec qui fait visiter son île dans le cadre d’une rencontre internationale sur la gestion du littoral organisée en juin 2010 par la Fondation pour le progrès de l’homme

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