Où sont passées les sardines d’antan ?

Descendant de l’une des plus anciennes familles de pêcheurs de Sanary-sur-Mer, André Béranger n’ a pas cédé à  la tentation d’une autre pêche à  la sardine qu’artisanale, selon  la tradition familiale et l’enseignement de ses oncles. Initié à  la pêche depuis l’âge de quatorze ans, il parcourt également les mers du monde entier, pour la plaisance : façon de comparer…

« Mais, depuis trois ans, je ne prends plus de sardines : seulement deux ou trois kilos dans l’hiver ! A quoi cela est-il dà’ ? A la surpêche, au changement climatique ? On ne sait pas trop. Il n’y a vraiment plus de sardines : même les mareyeurs qui gravitent tout autour de la Méditerranée pour en trouver, n’en trouvent pas. Ou ils la trouvent « très chères ‘ : en Bretagne et en Espagne. L’été dernier, j’étais en Espagne, où ils pêchent encore pas mal, mais avec des moyens énormes. On dit que les thons mangent les sardines, mais moi, je n’y crois pas : c’est vrai qu’il y a des mers de thon à  trois milles de la côte, mais tout cela se régule tout seul. Je crois plutôt au changement climatique et à  la surpêche. La pêche il y a trente ans, avec vingt-cinq bateaux, c’était 150 kilos par jour : aujourd’hui, avec les senneurs, c’est cinq à  six tonnes par bateau : si vous avez vingt bateaux, vous voyez ce que ça fait ! On ne s’en est pas méfiés, mais le stock s’est épuisé. Et la pêche artisanale s’est mal défendue, parce qu’auprès des instances qui nous gèrent, la pêche artisanale n’existe pas vraiment : elle ne crée pas de professions induites. Les filets ne représentent pas grand-chose. Tandis qu’un chalutier de dix ou vingt mètres de long représente un chantier de trois ans le construire, et les filets demandent beaucoup de main d’œuvre pour les remonter : quand ils mettent le poing sur la table auprès des gens qui nous « gouvernent ‘, entre guillemets, ils sont plus entendus ! « 

« Depuis l’âge de 14 ans que je navigue, j’en vois toujours autant, mais j’en vois de plus en plus à  la côte : ça, c’est un peu curieux. A mon avis, ça aussi, c’est dà’ au changement climatique : au réchauffement des eaux. A mon avis, le poisson cherche quelque chose d’autre que ce qu’il a au large. Peut-être les poissons fourrage, les sardines et les anchois, leurs alevins doivent beaucoup s’approcher de la côte, et à  ce moment-là , leurs prédateurs s’en approchent aussi. Je pense que c’est énormément une affaire de réchauffement climatique. »

« Il y a un grand tableau exposé au musée de la Marine à  Paris, un tableau de la pêche au thon en baie de Bandol* Je pense que le peintre était posé sur la corniche en descendant, je ne sais pas s’il n’y pas une galère du roi pas loin avec le roi à  bord, à  côté de la madrague où les gens harponnent les thons. Moi, j’ai des photos de famille, où mes oncles allaient à  la pêche au thon à  la madrague ou au filet à  poste, et il y a une trentaine ou une quarantaine de thons allongés devant mon bateau : le bateau des Bérenger était toujours là  devant. Et ça a complètement disparu. »

* « Vue du golfe de Bandol, la madrague ou la pêche au thon », Joseph Vernet, 1754, musée de la Marine.

 

André Bérenger – L’Encre de Mer

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