« Il faut pêcher moins si l’on veut continuer à  pouvoir pêcher »

SÈTE (HÉRAULT) ENVOYÉE SPéCIALE

Un Français est le plus grand spécialiste au monde des ressources marines. Mais qui, dans son propre pays, connaît Daniel Pauly ? « C’est le numéro un dans son domaine. Il a fait comprendre à  la communauté scientifique et au monde l’ampleur de la surexploitation des poissons », dit Philippe Cury, directeur du Centre de recherche halieutique méditerranéenne et tropicale (CRH), basé à  Sète. M. Cury a invité Daniel Pauly à  passer quelques mois au CRH, afin que la France découvre enfin ce « grand monsieur » qui vit à  Vancouver, au Canada.

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Un parcours international

1946 : naissance à  Paris.

1979 : docteur en biologie marine à  l’université de Kiel, en Allemagne. Départ à  l’International Center for Living Aquatic Resources Management (Iclarm), aux Philippines, où il développe la base de données fishbase.org.

1994 : professeur au Fisheries Centre de l’université de Colombie-Britannique, au Canada.

1999 : début du projet Sea Around Us de cartographie de l’impact de la pêche.

2003 : directeur du Fisheries Centre. Le magazine Scientific American le classe parmi les 50 scientifiques les plus influents.

2005 : prix international Cosmos, qui récompense la recherche en écologie.

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En pénétrant dans le petit bureau mis à  sa disposition, voici ce que l’on sait de Daniel Pauly : il a derrière lui plus de 500 publications scientifiques et une trentaine de livres. Il est bardé de récompenses internationales prestigieuses – dont le prix Cosmos, l’équivalent du Nobel en écologie, en 2005.

Et il vient tout juste de rendre visite à  sa mère, dans la Creuse. La couleur de sa peau, ses yeux verts et son accent indéfinissable témoignent d’une histoire personnelle peu banale. Né en 1946 des amours d’une ouvrière française et d’un GI vite reparti aux Etats-Unis, il est confié par sa mère à  l’âge de 2 ans, malade, à  une famille suisse romande. Empêché de revoir sa mère, coupé du monde, il vit une enfance « à  la Dickens », où les livres sont « la seule échappatoire ».

Adolescent, il s’enfuit en Allemagne, où il travaille comme manoeuvre dans l’industrie chimique le jour et étudie le soir, tout en recherchant sa mère, qu’il retrouvera à  l’âge de 18 ans. « Elle s’était mariée et avait eu sept enfants, mais elle ne m’avait pas oublié, raconte Daniel Pauly. Son mari m’a adopté et je porte son nom. »

1969, année du bac, de la rencontre avec son père et de la découverte des Etats-Unis. « C’était un chaudron bouillonnant de luttes sociales, se souvient-il. J’étais très conscient du fait d’être noir. Je voulais partir dans un pays du tiers-monde et étudier quelque chose de concret, pour aider les gens qui m’accueilleraient. »

Passionné d’histoire, de littérature, de philosophie, il étudie… l’halieutique, c’est-à -dire ce qui concerne la pêche, et devient docteur en biologie marine en 1979. « Je ne suis pas comme beaucoup de biologistes qui ont une sensibilité forte à  la nature, dit-il. J’aime analyser les données chiffrées et déceler les grandes tendances. »

De quoi est-il le plus fier ? D’avoir mis au point une méthode simple d’évaluation des stocks de poissons, utilisable dans les pays pauvres. D’avoir développé la plus grande base de données au monde sur la biodiversité : fishbase.org est utilisée par tous les laboratoires spécialisés. Daniel Pauly a créé une autre base de données unique (seaaroundus.org), qui cartographie les prises de pêche sur tous les océans.

Directeur du Fisheries Centre de l’université de Colombie-Britannique, à  Vancouver, il a surtout été le premier à  développer une vision globale des ressources halieutiques, en analysant les statistiques de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les seules disponibles à  l’échelle mondiale. « Partout dans le monde, les chercheurs constataient que les pêcheries sur lesquelles ils travaillaient se cassaient la figure, mais personne ne distinguait le problème général », explique le chercheur.

Dans un article retentissant paru en 2001 dans la revue Nature, il prouve que, contrairement à  ce que disent ces statistiques, les prises mondiales de poissons – ainsi que les stocks – diminuent depuis la fin des années 1980, parce que la Chine, premier pays pêcheur au monde, fausse ses chiffres. Dans un autre article, il démontre que les hommes pêchent des poissons situés de plus en plus bas dans la chaîne alimentaire des océans. « Si nous continuons sur cette voie, nous finirons par manger du zooplancton », sourit-il.

« Le nombre de stocks de poissons surexploités ou épuisés ne cesse d’augmenter, constate-t-il. Si rien ne change, les conséquences seront terrifiantes. » Il condamne la gestion mondiale des stocks, dominée selon lui par les intérêts du secteur de la pêche, qui ont pris le dessus sur les considérations scientifiques et politiques.

Daniel Pauly est soutenu par le Pew Charitable Trust, une fondation américaine d’intérêt général, et considère les associations de protection de l’environnement comme les seules véritables représentantes des intérêts publics en matière de protection des océans. Cette attitude lui vaut la méfiance d’une partie de la communauté scientifique, qui lui reproche un engagement trop marqué, une tendance au catastrophisme, et une vision approximative. « Il pense en grand, c’est son originalité, commente Philippe Cury. Mieux vaut être approximativement juste que précisément faux. Aujourd’hui, le consensus émerge sur l’état des ressources. »

Daniel Pauly assume son engagement. Il recommande de « réduire l’armée déployée contre les poissons ». « Il faut pêcher moins si l’on veut continuer à  pouvoir pêcher, dit-il. En ciblant la pêche industrielle, on réduirait beaucoup les capacités de pêche, sans affecter beaucoup de personnes. »

Il plaide également en faveur d’un réseau étendu d’aires marines protégées (aujourd’hui limitées à  0,8 % de la surface des océans) et s’emporte contre les subventions à  la pêche, qui représentent 27 milliards d’euros par an, selon ses calculs, et « permettent à  la surexploitation de continuer ».

« Quand on me demande, à  la fin d’une conférence, ce que chacun peut faire pour protéger les océans, je réponds qu’on ne gère pas les stocks avec son estomac, mais avec sa tête, lance-t-il. Je réponds : mangez ce que vous voulez, allez dans une ONG faire du raffut et utilisez votre bulletin de vote. »

Gaêlle Dupont

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Lancement d’une concertation pour développer l’éolien offshore

Le ministre de l’écologie, de l’énergie, du Développement durable et de l’Aménagement du Territoire a demandé aux préfets des régions Bretagne, Pays de la Loire, Haute-Normandie, Aquitaine et Provence-Alpes-Côte d’Azur d’organiser une large concertation sur chaque façade maritime en vue de planifier et d’accélérer le développement de l’éolien en mer. L’ensemble des parties prenantes devrait participer…

La simplification des procédures pour l’éolien en mer doit permettre d’atteindre les objectifs fixés par le Grenelle de l’environnement : installer une capacité de 5.000 à  6.000 MW à  l’horizon 2020.

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Réforme des comités des pêches : quel lien entre l’Etat et la gestion locale de la pêche et des territoires ?

Monsieur le Ministre,

Nous étudions le projet de réforme des organisations professionnelles de la pêche et constatons que celui-ci ne prend pas en compte la situation méditerranéenne, soit 85% de petits métiers répartis sur plus de 2 000 km de côtes (Corse incluse) et représentés par 120 prud’hommes pêcheurs nouvellement élus et ce, par un système d’élection directe tout à  fait démocratique.

Notre littoral est fortement urbanisé et soumis à  de multiples activités, plus ou moins compatibles. La présence en tous les points du littoral de marins habitués à  la gestion des pêches et des territoires est un point fort de notre gestion littorale. La création d’aires marines protégées, dont certaines datent de plus de 20 ans, ne s’est faite qu’avec la participation des prud’homies de pêche. Et pour ne citer que quelques cas, la création du cantonnement du Cap Roux, la réhabilitation de l’Etang de Berre, la préservation des étangs palavasiens, la conciliation d’activités d’élevage ou de pêche dans les zones portuaires de Fos-Berre, la gestion de la pêche dans le Parc de Port-Cros et aux abords de l’àŽle du Levant, la création, la gestion et le suivi des réserves du Parc Marin de la Côte Bleue, le redressement du grau de la Vieille Nouvelle, la dépollution de l’Etang de Campignol ont été rendus possibles grâce à  l’institution prud’homale. Dans le contexte environnemental actuel, il est nécessaire de s’appuyer sur des professionnels de la mer, observateurs de longue date des écosystèmes littoraux et fortement ancrés dans les tissus économiques, politiques et sociaux de chaque commune.

Par ailleurs, avec les temps de crises que nous traversons, il est à  craindre une augmentation du braconnage, d’où la nécessité d’avoir des hommes de terrain structurés et organisés.

Enfin, du fait de notre expérience millénaire de la pêche nous avons su garder bon nombre de petits-métiers relativement sélectifs et dont l’intensité de capture est limitée. La répartition, dans le temps et dans l’espace, de la pression exercée sur chaque type d’espèces nous permet de mieux gérer notre ressource et nos territoires. Cette forme de gestion requiert une connaissance très fine des métiers et des usages, et c’est probablement pour cette raison que de tous temps elle a été confiée à  des prud’hommes pêcheurs. De plus, cette gestion s’apprécie dans sa globalité, une notion qui n’est pas facile à  faire passer quand la gestion des pêches actuelle, construite pour la pêche industrielle, se focalise sur des modèles bio-économiques. Il est donc essentiel que les prud’hommes participent directement à  la gestion des pêches aux différents niveaux.

Ainsi, nous vous demandons d’intégrer les Prud’hommes dans la réforme de l’organisation professionnelle de la pêche afin d’assurer une cohérence entre notre gestion au niveau local, et les décisions prises aux niveaux national et européen. Compte tenu du nombre et de la répartition géographique des Prud’homies, nous sommes prêts à  nous fédérer. De cette façon, nous pourrons également bénéficier des expériences des uns et des autres pour ces deux formes de gestion.

Accessoirement, nous voyons mal comment les gestionnaires commerciaux des apports des grands métiers (OP Méditerranéennes) pourraient décider des licences pour la pêche à  l’anguille (?), ou pourquoi il n’y a qu’une seule forme de répartition au sein des comités départementaux ou interdépartementaux sachant que les OP ne concernent que le Golfe du Lion

Dans l’attente de votre réponse, et avec nos cordiales salutations.

Collectif de Prud’homies dont celles de : Antibes, Bandol, Cannes, Carqueiranne, Giens, Gruissan, La Ciotat, La Seyne sur mer, Le Brusc, Martigues, Menton, Palavas, Saint-Raphaêl, Saint-Tropez, Salins d’Hyères, Sanary, Toulon

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« Non à  la thonaille » de la Cour européenne de justice ou le refus de prendre en compte le rapport de l’homme avec son environnement

La Cour européenne de justice ré-affirme l’interdiction de la thonaille puisque c’est un filet dérivant, même s’il ne dérive pas(!)

et ce, « sans discrimination » même si cet engin traditionnel ne capture que peu de thons rouges (300 t sur un quota de 5500t), avec une très faible incidence sur les dauphins, et qu’il permet de rentabiliser une flottille artisanale de 83 navires de moins de 14 m, sur une zone de 55000 km², durant 5 à  8 jours par mois entre mai et octobre… alors que le quota restant (5200t) est exploité par une flottille industrielle.

Dans sa logique juridique, la cour de justice européenne, par son arrêt du 5 mars 2009, rejette le recours de la France pour la thonaille et la condamne pour n’avoir pas pris les mesures nécessaires pour faire respecter l’interdiction de ce métier.

Ce faisant, elle met sérieusement en danger la petite pêche artisanale méditerranéenne, l’environnement littoral et le rapport harmonieux de l’un avec l’autre qui s’est développé au cours des siècles par la gestion prud’homale.

– Le littoral est fortement convoité, occupé, bétonné. De fait, parce que c’est leur zone de travail et que c’est leur culture, ces pêcheurs artisans sont attentifs à  leur environnement et s’engagent dans de multiples actions pour le préserver.

– La thonaille permet de rentabiliser une part importante et dynamique de cette flottille artisanale qui s’est fortement réduite au cours des dernières décennies, particulièrement avec la mise en place d’une gestion européenne. Le maintien d’une politique productiviste conjointe à  la réduction des flottilles a favorisé la construction de grands navires et la casse des petits… sans bilan sur la ressource, évidemment.

– L’arrêt de la thonaille aggrave d’une part la réduction de la flottille et des communautés de pêcheurs, au détriment de la surveillance et de la protection du littoral. L’on a pu observer que les zones désertées par les pêcheurs professionnels devenaient des lieux de braconnage intensif…

– L’arrêt de la thonaille, d’autre part, entraîne un report de la pêche sur la bande côtière déjà  exploitée par la petite pêche littorale et la pêche de loisirs (dont l’impact serait parfois équivalent, mais sans contrôle…). Soit une pression accrue sur cette zone, sachant qu’en période estivale le nautisme gêne considérablement l’activité de pêche professionnelle, et sur les espèces qui en dépendent.

Finalement, ce sont les pêcheurs d’abord, l’environnement ensuite, la collectivité enfin qui font les frais de ce genre d’interdiction généraliste…

De quoi, parfois, décourager les citoyens du processus de construction européenne…

NB : Il y a autant de rapports entre un hareng et une bicyclette qu’entre la thonaille et le chalutage industriel mais Euronews ne le sait pas… à  moins qu’il s’agisse de « désinformer » ou « influencer » le lecteur.

Cf. la vidéo d’Euronews sur l’interdiction de la thonaille et l’article d’aquablog qui souligne cette incompétence suspecte… D’ailleurs,la vidéo ne reflète par vraiment l’arrêt de la cour de justice (en document ci-joint)

arrêt de la cour de justice européenne

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Nos outils de gestion sont les reflets de notre vision du monde et des échanges

Dérèglement climatique, crise alimentaire, crise financière, conflits sociaux sont les signes de faillite d’un système qui fonde les échanges sur la base de produits compétitifs sans considération des hommes et des territoires qui les produisent.

Construire des échanges à  partir de la compétitivité de communautés ou de régions permet de préserver nos relations humaines, nos rapports à  l’environnement, nos cultures.

Plutôt qu’une vision Nord-Sud, simpliste et déstructurante, qui favorise l’échange de produits transformés contre des matières premières, et dans laquelle toute pêche artisanale est vouée à  disparaître dans les pays du Nord, il nous faut construire des échanges basés sur la compétitivité d’espaces régionaux spécialisés et réinterroger la place de toute activité, dont la pêche, au sein de ces régions : activité de subsistance, secteur d’emploi, activité génératrice de valeurs appréciées par le chiffre d’affaire, les salaires dégagés ou les bénéfices collectifs.

Ainsi par exemple la petite pêche de Méditerranée française a longtemps permis à  des communautés de pêcheurs de vivre de leur activité sur le littoral. Notons au passage que les règles collectives des prud’homies de pêcheurs ont permis d’intégrer différentes vagues d’immigration tout en préservant les territoires.

Aujourd’hui, ce secteur devrait être considéré du point de vue de sa contribution à  une spécialisation multisectorielle littorale, celle-ci prenant sa place au sein d’un marché européen en construction.

Dans ce cas précis, la petite pêche n’est plus appréciée par son chiffre d’affaire global, la valeur des emplois, mais par le fait qu’elle participe activement à  la spécialisation touristique et résidentielle :
– apports de qualité et d’extrême fraîcheur,
– image et richesse d’un ancrage culturel,
– rôle de veille sur l’eau,
– préservation de l’environnement

Sur ce dernier point, les bénéfices collectifs des actions menées par une poignée d’hommes sont considérables : création d’aires marines, implantation de récifs artificiels, alerte et actions juridiques pour la préservation de zones littorales, repeuplement, sensibilisation et participation aux schémas d’aménagement par les communautés de pêcheurs.

Encore faut-il que les outils de gestion des pêches conçus aux niveaux européen et national puissent s’adapter à  des gestions locales qui favorisent la diversité des métiers et l’utilisation alternative des engins par des pêcheurs polyvalents, cette diversité étant le moyen essentiel de préserver la biodiversité et de s’adapter aux écosystèmes littoraux spécifiques. Actuellement, les droits de pêche entiers et individuels (licences, quotas), la gestion par métier ou par stock avec des interdictions strictes d’engins (petits arts traînants, filets dérivants) conviennent à  des pêches industrielles ou intensives, spécialisées dans un ou deux métiers. Il nous faut considérer des droits d’usage gérés par les communautés de pêcheurs : limites techniques et réglementation des engins dans le temps et dans l’espace, répartition des postes de pêche par la collectivité. Plus largement, les modes de recherche, de consultation, d’accès à  l’information et aux financements ne sont pas adaptés à  la pêche artisanale.

Collectif Pêche et développement Antenne Méditerranée.

Paru dans les « Droits du jour ‘ n°7 du 17/10/2008
Newsletter de la Société civile à  la conférence
de la FAO sur la pêche à  petite échelle

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Déclaration de l’atelier préparatoire de la société civile adoptée par l’ensemble des organisations présentes à  la Conférence de la FAO « Pour une pêche artisanale durable ‘ tenue à  Bangkok (Thaïlande) du 11 au 13 octobre 2008

PREAMBULE

Nous, représentants des communautés de pêche artisanale et indigènes dépendantes des pêcheries pour nos vies et cadre de vie et nos alliés nous sommes réunis à  Bangkok du 11 au 13 octobre 2008 à  l’atelier préparatoire de la société civile ;

Travaillant à  partir des processus préparatoires préalables, en particulier le rapport présenté par le Forum Mondial des Populations de Pêcheurs (WFFP) et des ateliers préparatoires tenus par ICSF et d’autres organisations, en Asie ((Siem Reap, Cambodge), Afrique de l’Est et du Sud (Zanzibar, Tanzanie) et d’Amérique Latine (Punta de Tralca, Chili)

Reconnaissant le principe de souveraineté alimentaire mis en avant dans la déclaration de Nyeleni ;

Déclarant que les droits de l’homme des communautés de pêche sont indivisibles et que le développement des pêches artisanales et indigènes responsables et durables ne sont possible que si leur droits politiques, civils, sociaux, économiques et culturels sont pris en considération de façon intégrée ;

Reconnaissant que tous les droits et libertés s’appliquent également aux hommes et aux femmes des communautés et reconnaissant la contribution continue des femmes dans la permanence et l’entretien des communautés de pêche artisanale ;

Déclarant que la dépendance aux ressources naturelles vivantes aquatiques et côtières des communautés de pêche est modelé par le besoin de disposer de conditions de vie et d’un cadre de vie dans leurs combats pour éradiquer la pauvreté, pour sécuriser leur bien-être ainsi que pour exprimer leur culture et valeurs spirituelles ;

Reconnaissant la complémentarité et l’interdépendance des activités connexes à  la pêche au sein des communautés ; et

Reconnaissant l’interconnexion entre santé et bien-être des communautés côtières et les écosystèmes aquatiques

Nous appelons, ci-après, à  travers la FAO et les Nations Unies, les autres agences des Nations Unies, les organisations régionales de pêche et nos gouvernements respectifs pour :

Thème 1 : Sécuriser les droits d’accès

1. Garantir des droits d’accès des communautés de pêche artisanales et indigènes aux territoires, terrestres et aquatiques dont ils dépendent traditionnellement pour leurs vies et conditions de vie ;

2. Reconnaître et mettre en oeuvre les droits des communautés de pêche à  restaurer, protéger et gérer les écosystèmes aquatiques et côtiers locaux ;

3. Etablir la pêche artisanale comme modèle préférentiel dans la Zone Economique Exclusive (ZEE)

4. Etablir et faire appliquer des mesures pour interdire la pêche industrielle dans les eaux côtières ;

5. Interdire toutes les techniques et engins de pêche destructeurs et la pêche illégale ;

6. Inverser et prévenir la privatisation des ressources, tels que les Quotas Individuels Transférables (QIT) et systèmes similaires qui favorisent les droits de propriété

7. Inverser et prévenir le déplacement des communautés de pêche à  travers la privatisation des eaux et terres des communautés de pêche incluant le tourisme, l’aquaculture, les installations militaires et de défense, la conservation et l’industrie ;

8. La déclaration, l’établissement et la gestion des Aires Marines Protégées (AMP) doit de façon contraignante impliquer la participation active des communautés et de la pêche artisanale ;

9. Assurer l’intégration des savoirs traditionnels et lois coutumières dans les choix de gestion des pêches ;

10. Garantir une participation équitable des communautés de pêche artisanales et indigènes dans les processus de décision de gestion des pêcheries et côtières, assurant leur consentement éclairé préalable pour toute décision de gestion ;

11. Reconnaître les droits des communautés de pêche artisanales et indigènes par les Etats voisins adjacents et mettre en place les accords bilatéraux pour protéger leurs droits ;

12. Protéger les eaux marines et continentales de toute forme de pollution ;

13. Rejeter l’aquaculture industrielle et les espèces génétiquement modifiées ou exotiques en aquaculture ;

14. Reconnaître, promouvoir et protéger les cadres de vie diversifiés des communautés de pêche.

Thème 2 : Sécuriser les droits après récolte

15. Protéger l’accès des femmes des communautés de pêche aux ressources halieutiques pour la transformation, la vente, l’alimentation, en protégeant la nature diversifiée et décentralisée des pêches artisanales et indigènes ;

16. Améliorer l’accès des femmes aux marchés, en particulier à  travers l’accès au crédit, aux technologies et infrastructures appropriées aux points de débarquements et de vente ;

17. S’assurer que le commerce international ne conduit pas à  la dégradation environnementale ou réduise les droits de l’homme et la sécurité alimentaire des communautés de pêche locales ;

18. Mettre en place des mécanismes spécifiques pour assurer que le commerce favorise le développement humain et qu’il conduise à  une distribution équitable des bénéfices aux communautés de pêche ;

19. Inclure de manière effective les communautés de pêche dans les négociations avec le commerce international des poissons et produits halieutiques ;

20. Garantir des mécanismes institutionnels qui accordent priorité à  la consommation locale de poisson avant l’exportation ou la transformation dans des plats préparés ;

21. Réguler la capacité de traitement, particulièrement pour les pêcheries orientées vers l’export pour être en conformité avec des pêches durables ;

22. Rejeter les schémas d’éco-labellisation, plutôt reconnaître la labellisation de zones spécifiques ;

Thème 3 : Sécuriser les droits de l’homme

23. Protéger les identités culturelles, la dignité et les droits traditionnels des communautés de pêche et peuples indigènes ;

24. Appliquer des obligations légales découlant de la Déclaration des Nations Unies sur les Droits de l’Homme (UNDHR) et les législations subséquentes, incluant la convention sur l’élimination de la discrimination à  l’encontre des femmes (CEDAW), la déclaration sur les droits de l’enfant (IRC) et la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples
indigènes (UNDRIPS);

25. Garantir les droits d’accès des communautés de pêche aux services de base tels que l’eau potable, l’éducation, l’hygiène, la santé, la prévention du sida et des services de soins ;

26. Garantir les droits de toutes les catégories de travailleurs de la pêche, y compris les travailleurs indépendants, employés, et travailleurs du secteur informel, à  la sécurité sociale et des conditions de travail sà’res et dignes ;

27. Mettre en oeuvre la convention de l’OIT sur le travail à  la pêche de 2007 et étendre sa portée pour inclure les pêches intérieures et les pêches côtières ;

28. Adopter des mesures spécifiques qui considèrent, renforcent et protègent les droits des femmes pour participer pleinement à  tous les aspects des pêches artisanales, éliminer toutes formes de discrimination à  l’encontre des femmes et assurer leur sécurité contre les
abus sexuels ;

29. Prendre des mesures urgentes et immédiates pour la libération et le rapatriement des pêcheurs arêtes, en respect des dispositions de l’UNCLOS et des instruments des droits de l’homme ;

30. Protéger les hommes et les femmes engagés dans le commerce transfrontalier régional du harcèlement ;

31. Acter et faire appliquer des législations pour créer des autorités de prévention et de gestion des catastrophes naturelles basées sur le besoin de reconstruire et revitaliser les pêcheries artisanales et indigènes ;

32. Etablir des mécanismes pour aider les communautés affectées par les guerres civiles et autres formes de violation des droits de l’homme à  reconstruire leurs vies et cadres de vie ;

33. Développer une coordination institutionnelle à  tous les niveaux pour favoriser le bien-être des communautés de pêche ;

34. Garantir les droits des communautés de pêche à  l’information sous des formes appropriées et accessibles

35. Apporter du soutien à  la capacitation des communautés de pêche pour participer à  la gouvernance des ressources côtières et des pêches.

Les gouvernements nationaux ont l’obligation légale d’appliquer les instruments internationaux des droits de l’homme. Nous demandons que tous les gouvernements prennent ces obligations au sérieux et créent l’environnement pour que les communautés de pêches jouissent pleinement de ces droits. Nous demandons l’établissement urgent de mécanismes indépendants pour suivre et rapporter le respect des obligations concernant les droits de l’homme.

Nous demandons à  la commission des pêches de la FAO (COFI), d’inclure un chapitre spécifique dans le code de conduite pour une pêche responsable (CCRF) sur les pêches artisanales, reconnaissant les devoirs des Etats à  leur égard.

Nous demandons notre droit à  être consultés, avec un consentement libre préalable et éclairé des communautés et peuples indigènes avant tout projet qui puisse affecter nos vies et cadres de vie.

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Aucun lien institutionnel entre les Prud’homies qui gèrent sur le terrain et les organisations professionnelles chargées de la gestion aux niveaux régional, national et européen !

La réglementation prud’homale à  Gruissan est complexe, élaborée, peaufinée. Elle colle au terrain. Aucun lien institutionnel n’existe entre les Prud’homies et les organisations professionnelles chargées de la gestion des pêches aux niveaux régional, national et européen.

Même si ponctuellement, certains prud’hommes sont présents dans les comités régionaux des pêches, ils le sont par leur représentation syndicale et non par leur charge de Prud’homme. Personne n’a en charge de comprendre, analyser les différences d’une prud’homie à  une autre, soutenir et représenter ce modèle de gestion. D’ailleurs les décisions sont prises à  la majorité et non au consensus. De la manière dont le système est organisé, un « boucher ‘ de l’arrière-pays, un aquaculteur ou un matelot des grands métiers décideront en quelques minutes d’abolir une savante organisation entre l’homme et la nature, patiemment développée et transmise entre les générations.

Passage en force donc, dans le cadre d’un plan de gestion européen sur l’anguille, d’un système régional de licences individuelles et payantes, assorti d’arrêts temporaires (janv-fév pour l’anguille verte, mi-fév. à  mi-sept. pour l’anguille mature).

Que se passe t-il vraiment dans le secret des hautes alcôves ?

– Paraîtrait qu’il faudrait un seul règlement par bassin versant. Le pêcheur s’adapte aux comportements des poissons qui s’adaptent au terrain. Bruxelles non !
– Paraîtrait qu’il y aurait un fort lobby des pêcheurs de civelles, en Atlantique. Les Méditerranéens ont toujours refusé de pêcher la civelle. Où est le problème ?
– Paraîtrait que les négociations se font sous menace : « Si ce n’est pas la licence individuelle, ce sera les quotas individuel ‘, un pré-achat du poisson dans la nature

S’il faut fixer une limite, pourquoi ne pas concevoir, par exemple, un seuil maximum de licences gérées collectivement par la Prud’homie ? Ce serait très différent d’un système de licence individuelle payante qui risque de spécialiser les pêcheurs au détriment de leur polyvalence. Les licences individuelles fonctionnent en Atlantique nous rétorque-t-on parfois. « Donnez-nous les marées, un plateau continental de 100 km de long et nous ferons comme l’Atlantique ! ‘ répond avec force François Marty.

Pourquoi imposer à  une Prud’homie, dont la gestion est exemplaire, des mois d’arrêt de pêche à  l’anguille qui ne correspondent pas à  ses 6 mois de repos biologique ?

Du point de vue de Gruissan, le règlement proposé est dommageable :
– pour la ressource et l’environnement (pêche des anguilles en période chaude)
– pour le produit (risque de maladie)
– pour les hommes (manque à  gagner dans l’étang, risque de travail en mer en hiver)
– pour l’organisation (déplacement d’une gestion collective locale à  une gestion des individus par un organisme régional externe à  la communauté des pêcheurs, déni du travail effectué bénévolement par les prud’hommes au profit d’une organisation externe, perte progressive du sens collectif, du respect du travail des autres, des moyens de contrôle de la Prud’homie

Pourquoi ne pas marier les objectifs de la Politique Commune des Pêches avec l’efficacité de la gestion collective locale ?

Quand donc l’intelligence collective prend-elle le pas sur la force du pouvoir ?

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Un sens collectif pour une pêche écologique

Ce qui frappe d’abord quand on arrive au petit port de l’Ayrolle à  Gruissan, c’est la diversité des âges des pêcheurs : il y a des jeunes, des moins jeunes et ceux qui sont entre les deux. Dans les magasins à  filets, sur le quai, ou à  bord d’un « bétou ‘ chacun prépare son matériel pour caler un filet de poste au barrage : une capéchade ou montage traditionnel de 3 nasses (pantanes, trabaques ou verveux) au bout d’une paradière (filet vertical qui fait mur) pour piéger les anguilles et les poissons.

Accompagnée de François Marty, une des personnalités de la communauté des pêcheurs, l’accueil est chaleureux. Les pêcheurs découvrent « L’encre de mer ‘, heureux que l’on parle de leur corporation. Entre rire et colère, l’on sent la force du groupe et sa non-reconnaissance par les instances chargées de la gestion des pêches aux niveaux régional, national et européen.

Personne ne prend vraiment la peine de parler de la Prud’homie tant son fonctionnement est intégré à  la vie des pêcheurs. C’est en Prud’homie que se distribuent les postes de pêche, que s’organisent les « barrages communautaires ‘ qui permettront de travailler sur de vastes étendues si soumises aux variations climatiques, que se règle toute chose relative au métier. Et le métier, là -bas, c’est une vie et la place de chacun dans le village.

Au Port de l’Ayrolle, il y a 10 pêcheurs avec les mêmes barques, des bétous de 6m de long environ, 9,9 cv. Pas besoin de puissance, c’est pas utile, ça alourdit le bateau et l’arrière. Parfois, la profondeur est de 50/60 cm On passe quelquefois dans 10 cm d’eau ; même dans peu d’eau, tu as du poisson !


Une polyvalence nécessaire
: « Actuellement nous sommes une trentaine de pêcheurs. Pas tous les pêcheurs de Gruissan pêchent à  l’anguille avec les capéchades, d’autres font l’amaïrage – un filet maillant de 2 fois 400 m qu’on cale en escargot et qu’on laisse pêcher toute la nuit pour les crabes, les mulets, les loups, les dorades, les muges- la battude, une nappe simple avec laquelle on encercle une petite zone et on fait du bruit pour faire emmailler le poisson, le tellinier pour les tenilles (tellines), le masclaou, une pêche des loups à  l’hameçon. Certains font exclusivement le travail en mer, avec des trémails (pour les turbots, soles…) et des nappes simples qui, selon la taille des mailles, piègent le bar, le maquereau, le pageot, le marbré

Il faut que les mecs puissent se reporter sur une autre espèce quand celle qu’ils visent commence à  chuter ou qu’une autre s’avère plus intéressante. Si t’as une avarie sur un bateau, le temps de changer le moteur, d’avoir le crédit et de tout avoir remis à  jour, t’en as pour 2 à  3 mois. Qu’est-ce que tu fais pendant ce temps-là  ? Si t’as de la trésorerie, tu montes du filet, tu carènes le bateau mais si tu rates une bonne saison, déjà  tu fais la tête ; si tu gagnes rien, tu refais la tête, tu es en train de te ré-endetter et tu peux pas te reporter sur la telline, ou la palourde, tu es coincé

La polyvalence, c’est la seule pêche écologique. Si l’on pêche qu’une seule espèce, on peut faire beaucoup de mal.

Les barrages : Nos étangs sont grands, peu profonds, avec des vents et des courants violents et fréquents. Le barrage permet de retenir et concentrer les poissons pour mieux pêcher. Il se fait à  un endroit large parce que le courant est le moins fort, les filets peuvent tenir. On cale quelquefois vers le grau pour attraper des grosses anguilles mais s’il y a une renverse du nord, on ne retrouve plus rien. La pêche est focalisée sur le mois de novembre, période de dévalaison des anguilles matures alors que celle-ci peut se prolonger sur les mois d’hiver dans des étangs plus profonds. Un barrage c’est 3km600 de filets en fond, plus les capéchades en amont avec lesquelles on pêche les poissons stoppés par la muraille. Chacun se retrouve donc avec 11 filets au minimum au barrage.

On divise le barrage en portions de 30 à  40 m. Chaque portion a un nom (le sécant, le paré, la canalis) comme dans les champs où tu trouves « le coin du Papy ‘ Le nom correspond quelquefois à  des gens, des situations, des lieux (un trou, un sec). En fait il y a des lieux dans la mer ! Les portions sont tirées au sort parce qu’il y a 4 ou 5 endroits super bons, et d’autres mauvais. Mais les mauvais doivent être barrés quand même ! Si ton poste est très mauvais, tu ne cales pas ta capéchade, seulement le fond. Certains endroits demandent beaucoup de travail et rapportent beaucoup ou rien ! C’est le problème des algues et de tout ce qui circule avec des forts coups de vent. Les emplacements sont balisés par des roseaux. Quelquefois, on se trompe, alors ça devient un peu cloche-merle

Chacun est censé entretenir à  son profit mais aussi au profit des voisins. Celui dont le filet part, il crée un grand trou ; ce courant, le poisson le sent et se sauve au détriment de tout le monde. Si le trou se fait par hasard, il n’y a pas de punition. On nomme des gens, en général 3 dont 1 prud’homme, qui sont responsables de la pêcherie et chargés de surveiller.

Si tu as un poste où les loups risquent de passer quand il fait froid (comme un canalis, un creux), au mois de décembre tu mets de grosses pantanes parce que tu peux prendre 100 kg de loups. Si tu mets une toute petite pantane qui va prendre 10 kg d’anguilles, ça ne marchera pas pour les loups. On n’a pas toujours le filet idéal mais on fait, au mieux, en fonction du poste. C’est un choix quasi-journalier pour chaque pêcheur.

Même quand un barrage est complet, 50% des anguilles passent par-dessus, par-dessous, dans un trou Seules les pêcheries automatiques en ferraille peuvent prétendre arrêter vraiment le poisson. Et les crabes ! Y en a qui grimpent le long du filet et qui redescendent de l’autre côté. Les mazerous (anguilles matures) n’ont pas le même comportement que les anguilles vertes. Autant les anguilles vertes se tiennent près du fond, autant les mazerous montent vers le haut et migrent facilement, soit sur le fort vent du nord, soit sur le redoux derrière le fort vent du nord. A ce moment-là  tu as forcément de l’eau très haute qui facilite le passage par-dessus les filets.

Autour des années 98, le nombre de pêcheurs d’anguilles dans la Prud’homie avait fortement diminué et s’est posée la question de savoir combien de barrages l’on pouvait encore entretenir correctement. On a supprimé 2 barrages (étangs des Goules et de Campignol) qui étaient en amont, au profit des 2 en aval (étangs de l’Ayrolle et de Gruissan), et on a du inventer une nouvelle manière de gérer l’étang. Aux Goules, on a dit : « C’est simple, on supprime le barrage et on mettra deux filets pendant 2 mois de l’année seulement (oct-nov) ensuite on laissera tranquille ‘. Campignol, il y avait un autre barrage, on a dit : 4 mois (oct-nov et avril-mai) avec un maillage de 8 mm de côté. La raison du maillage était qu’on y pêchait trop de toutes petites anguilles. On a fait cet effort tout seul, sans demander de subventions à  personne pour agrandir le maillage. Notre objectif était de pêcher des anguilles plus grandes, plus adultes et qui donc pèsent plus.

Simultanément on a aussi interdit la pêche dans les gaçots, les touts petits étangs où l’on met 1 ou 2 capéchades, ils sont très vaseux mais ils servent de refuge à  la toute petite anguille, celle qui est entre l’allumette et le stylo bille. Dans les canaux, on cale chacun un filet avec un roulement hebdomadaire des postes. La saison est de 6 mois (oct-avril).

Du 15 octobre au 1er mai, certaines zones sont libres, une grande zone au milieu de l’étang est complètement libre, on l’appelle les « vacants ‘. Par contre le nombre de filets que l’on y met est limité à  6 par personne et la maille minimale de la maître (pentane principale, face à  la paradière) est de 8 mm.

Il y a des pancartes sur chaque ensemble de filets afin que l’on sache à  qui il appartient. Si on cale côte à  côte, il faut garder 100 m entre chaque filet. Si on cale « cap à  cap ‘ on ne garde que 20 m de distance car la pêche de l’un ne gêne pas la pêche de l’autre. Après le 1er décembre, on peut caler avec diverses orientations. Avant cela, on met tous les filets dans le même axe de manière à  ce que les poissons qui descendent aillent au barrage. Sinon le barrage devient inutile. Autant le supprimer.

Si on a les mêmes droits, on n’a pas la même capacité à  travailler : nettoyer régulièrement, enlever les crabes, les algues, vérifier que le filet assole bien Les résultats vont de 1 à  2. Y a une part de hasard, une part de travail et une part de connaissances dans le montage du filet, la manière de l’installer

Comme les étangs sont peu profonds, avec la chaleur, les anguilles sont susceptibles d’attraper une maladie qui s’appelle la peste rouge, ou la queue rouge. Cette maladie peut les tuer dans la nuit, à  l’intérieur des nasses. Comme on vend les anguilles vivantes, il est stupide d’aller tuer du poisson pour le plaisir. A partir des années 50-55, on a décidé de suspendre la pêche des anguilles au filet, du 1er mai au 15 sept. C’est un repos biologique

Toute personne qui veut avoir accès à  la pêche à  l’anguille dans Campignol ou aux Goules, qui sont les zones les plus riches, doit prendre place dans un barrage communautaire. Pour avoir accès au barrage, il faut être inscrit à  la Prud’homie et enrôlé au moins 9 mois dans l’année. Pour pouvoir s’inscrire, il faut résider dans une des communes de la Prud’homie depuis un an. L’idée est que les gens ne cumulent pas les meilleurs postes des différentes prud’homies. Par contre, les pêcheurs étrangers à  la prud’homie ont droit à  une capéchade dans certaines zones et à  d’autres engins (trémail, battude…) Dans l’histoire, il y a des cas de détresse où la prud’homie a accepté de partager ses richesses et son territoire avec d’autres gens pour les aider. Cela a été le cas au début des années cinquante quand Leucate a accepté des pêcheurs de Bages dont l’étang avait gelé.

Les règlements, c’est le principe des grilles qui se superposent ; à  la fin tout le monde est coincé tellement y a de grilles, la lumière ne passe plus

On cale les barrages au 15 sept. pour les dorades. Un peu qu’elles sentent les eaux de la mer, elles sortent bien avant les anguilles. Les loups, c’est pas pareil, ils ont pas le même métabolisme, ils se reproduisent qu’à  la fin de l’hiver, ils sortent plus tard de l’étang, quand vraiment ils souffrent, qu’ils ont froid malgré leur couche de graisse. On prend le poisson quand il souffre

L’hiver, quand il y a un risque de gel, on lève les barrages et les filets. Au dégel, les morceaux de glace coupent les filets. Le matériel c’est pas grand-chose mais c’est le travail Une seule pantane, il faut plus d’une journée de travail de 8 à  9 h pour la découpe, le montage. Une capéchade complète, tu as plus de 6 jours de travail au minimum.

De novembre à  mars, la mer est dangereuse  » la mer de froid  » il y a souvent 300 à  500 m de houle sans même le vent du marin (vent d’est). Est-ce que cela vient de tempêtes en Sicile ?

On prend beaucoup de dorades depuis quelques temps, était-ce les filières à  moules en pleine mer qui les attirent ? On prend plus d’oursins, de gobies, les gros Par contre, les crabes diminuent, également les anémones, les joêls (athérines), les soles

Ceux qui attendent d’être inscrits à  la Prud’homie peuvent être matelot d’un patron pêcheur, celui-ci te montre le travail, les règles, y compris celles de l’institution prud’homale. Quand tu es matelot, tu as le droit d’assister aux réunions mais t’as pas le droit d’intervenir, ni de voter. En tant que retraités, on peut participer aux réunions mais on s’abstient dans les votes.
La grande difficulté pour un jeune c’est d’acheter un PME (permis de mise en exploitation). Ce système-là , on l’a pas inventé et profondément on n’est pas d’accord. C’est une entrave à  l’installation.

A Gruissan, il y a un groupe, c’est très fort. Même les jeunes d’aujourd’hui l’ont compris. Sans vie de groupe, sans règles collectives, sans cohésion, on ne pourrait pas former un barrage. La Prud’homie a fait construire les baraques à  filets et en organise l’usage. Elle gère les hangars, les places pour vendre au détail, la pompe à  essence détaxée Les aménagements dont les jeunes profitent aujourd’hui ont été mis en place par ma génération.

Avec François Marty, pêcheur à  Gruissan

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Migration massive des poissons vers les pôles

Des scientifiques prédisent des déplacements importants de poissons vers les eaux froides de l’Océan Antarctique et de l’Océan Arctique (en rouge sur la carte). Une aubaine pour les pays nordiques. Un scénario catastrophe pour les pays tropicaux.

Au cours des 4 prochaines décennies, les modifications des températures et des courants dans les océans vont « forcer » des milliers d’espèces à  migrer vers les pôles, notamment le cabillaud, le hareng, la plie et la crevette. Les chercheurs estiment que les migrations se dérouleront à  raison de 44 à  79 km par décennie.

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Il y a près de 6 ans, première table ronde réunissant pêcheurs, environnementalistes, politiques, administratifs et scientifiques sur la gestion des pêches

Table ronde sur la gestion des pêches et les potentialités d’amélioration dans le cadre des journées de la Fondation Nicolas Hulot La Seyne sur mer

Une première qui réunit autour de la même table des acteurs de la pêche (prud’hommes, délégués aux comités des pêches, pêcheurs, Secrétaire du Forum Mondial des pêcheurs et travailleurs de la pêche), des représentants des collectivités locales (Région PACA), des environnementalistes (WWF France, Fondation Nicolas Hulot), des scientifiques (Ifremer Sète) et des administratifs (Affaires Maritimes Toulon)

Le secteur de la petite pêche artisanale doit tenir compte des donnes suivantes :

* Le métier de pêcheur est en pleine mutation, le métier à  venir est à  inventer et aura un rôle important à  jouer dans la gestion littorale et dans la gestion de la ressource,

* Les aménagements littoraux sont tels dans la zone méditerranéenne qu’ils devraient donner lieu à  un schéma ou plan général d’aménagement qui permettrait de répartir les différents types d’activités,

* Il faut faire avec la situation politique conjoncturelle et organiser des actions concertées, notamment dans le cadre des propositions de la Politique Commune des Pêches.

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Après un tour de table des participants, le débat porte sur les points suivants. Voir le compte-rendu de la réunion dans le dossier téléchargeable.

– L’outil prud’homal pour la gestion des pêches et du territoire

– L’idée des prud’homies à  la base est d’avoir tous le même outil de travail, ce qui ne veut pas dire les mêmes résultats. Ne vous trompez pas, ce n’est pas du communisme ! On a le même maillage pour pas que l’autre prenne des saint pierre de petite taille et qu’il les prenne avant. Quand un pêcheur pêche, il enlève du poisson dans un environnement et il l’enlève aux autres aussi. Il y a donc une règle à  établir entre hommes et une règle à  établir avec l’environnement C’est un affrontement territorial. De là , la nécessité de règles prud’homales pour établir un tour de rôle.

Côté pratique, on s’est aperçu qu’en décembre, janvier, février, on pêchait des poissons de petite taille. Donc on s’est interdit de pêcher dans les étangs à  cette période. On a mis ensuite des limites à  chacun : tel filet de telle maille. Et pour ne pas se battre sur les zones de pêche, on a tiré au sort tout le tour de l’étang avec permutation des places tous les 3 jours pour égaliser les chances… Tout est cadré. C’est à  qui aura le meilleur montage, sera là  le jour où la pêche est la meilleure… Les résultats vont de 1 à  3 en fonction des connaissances et du travail… C’est un système non égalitaire mais équitable par concertation. On ne part donc pas de la ressource et de la quantité de pêcheurs mais de la rivalité des pêcheurs et on cherche à  la modérer au travers d’outils, de manière à  protéger l’environnement . Les premières attentions du pêcheur portent sur la qualité, la couleur de l’eau… On a un oeil de veille en permanence sur la taille des poissons, la qualité de la mer… Quand il faut décider de l’interdiction d’une pêche dans la prud’homie, on fait une réunion et le lendemain c’est appliqué, sans délai. Malheureusement, nous sommes très peu suivis par l’administration, les « grandes ‘ idées actuelles étant : la liberté de travailler où l’on veut, avec une licence ou un quota. Le système prud’homal qui peut fonctionner un peu partout, quelque soit le nom, est contrecarré par un autre système. Et dans le cumul des réglementations, c’est la réglementation prud’homale qui est la première à  sauter.

Par ailleurs, il y a un contrôle prud’homal. Les prud’hommes sont assermentés et ont le droit de constater les délits, ont un pouvoir de police et de jugement. Chez nous, ça fonctionne par système de pression ou effectivement.

– Gestion du littoral et organisations professionnelles

– On propose autre chose, par les prud’homies et les comités régionaux : une gestion réelle de la ressource par métier et par zone effectuée dans le cadre prud’homal. Un peu comme la gestion par les licences en Atlantique mais réalisée ici par les prud’homies. Cette gestion est faite à  partir du bas et non du haut. Nous sommes à  peu près tous sur le même rail aujourd’hui

La Prud’homie de Palavas fait à  peu près une vingtaine de km, de la Grande Motte à  Frontignan, avec 6500 ha d’étangs très peu profonds. On a une pêche côtière et une pêche en étangs importantes. On fait des tirages au sort chaque année pour la pêche en étangs, pour que ce ne soit pas toujours les mêmes qui aient les bons emplacements. La prud’homie organise et contrôle la pêche dans les étangs et les canaux.

Nous sommes à  côté d’une urbanisation importante avec la capitale régionale qui est Montpellier. On a une pollution importante. On a travaillé – et c’est un long combat – sur la question du retraitement des eaux usées et de leur qualité. On a aussi le problème du comblement de ces étangs parce que la pression foncière est importante, notamment sur le littoral. Les élus n’imaginent le développement économique qu’à  partir du tourisme et donc de la construction immobilière, sans penser au développement durable. A Palavas, nous avons une association de défense de l’environnement qui regroupe des prud’hommes. On s’est opposé à  la Mairie de Palavas, à  propos d’un comblement d’étang pour la construction d’un lotissement. Le Maire s’est retourné contre l’association en tant que telle et contre les personnes individuelles qui la composent. Il demande 2 millions de frs de dédommagement pour la Sté qui n’a pu construire ces lotissements qu’avec du retard. Nous demandions l’application de la Loi Littorale. Nous sommes poursuivis pour « abus du droit d’ester en justice ‘… Il y a vraiment un problème de pression foncière sur le littoral et sur les étangs. La volonté politique est de les combler et non de les entretenir. Là  où la profession s’étiole, il y a des problèmes de survie qui se posent…

– C’est exemplaire de toute la situation littorale méditerranéenne : des poignées de pêcheurs éparpillés qui dénoncent en leurs lieux des actions… A Bruxelles, je ne pense pas qu’ils aient conscience de cela s’il n’y a pas un appui des environnementalistes sur ces questions.

– Sur la prud’homie de St Raphaêl, on est en train de mettre en place un cantonnement de pêche ; c’est une réserve de pêche interdite à  toute prédation humaine. Cela devrait voir le jour avant la fin de l’année.

– Atlantique : gestion par les licences

Il y a des licences par métier et par zone (filet, bolinche, coquilles, chalut, palangre…) gérés par les comités des pêches (10 CLPEM en Bretagne). Pour la pêche à  la langoustine, c’est un Permis de Pêche Spécial. C’est un moyen de sanctionner par le retrait de licence. En tout, nous avons 2660 licences qui vont encore augmenter dans les mois à  venir. Quand il y a constatation d’infractions, le Comité régional des pêches se porte partie-civile…

– La question des compétences territoriales

– Au large des côtes méditerranéennes, à  12 milles les eaux sont internationales.

– De la frontière italienne à  La Ciotat, on est entre 1, 3 ou 5 milles de la côte sur des fonds de 2000m. Il n’y a pas de plateau continental, comme sur la majeure partie de la Corse et là , la prud’homie, peut gérer la totalité des eaux de pêche. Là  où il y a des unités de pêche plus importantes, c’est là  où il y a un plateau continental. On trouve ça à  Bastia et un peu sur la côte orientale de la Corse, et dans le Languedoc Roussillon, sur tout le Golfe du Lion…
Ensuite, il y a ce qui sort complètement du système qui est la pêche du thon, ou autres. Ne parlons pas des thonailleurs qui sont de petits navires…

– Sur quelles bases construire une gestion des pêches et son architecture ?

– Ce qui est fantastique c’est qu’une fois les problèmes traités et réglés au niveau local par les prud’hommes avec leur téléphone, on n’en entend plus parler. Effet négatif c’est que l’existence du problème, la manière dont il a été résolu, n’est visible par personne.

– Bruxelles met tout de suite l’accent sur la contrainte… Vouloir absolument diminuer sur une méthode de pêche c’est déjà  une décision qui peut être déconnectée de la réalité. Je prends l’exemple du gangui que l’on va encadrer. Dans notre proposition, on met un numerus clausus en partant du nombre de navires existant…. Alors que si on dit aux pêcheurs : « Dans vos déclarations de capture, on pourra peut-être lire une évolution très favorable qui permettra d’augmenter la pêcherie de quelques navires, ça mobilise les gens et ça dynamise le métier ‘. Mais cette proposition est irrecevable actuellement…

– De même qu’il n’y a pas de seuil minimal local des flottilles dans le cadre général de réduction des flottilles (POP).

– Le problème du gangui est un problème politique comme pour la thonaille, les filets dérivants… On a fait toutes les démonstrations scientifiques possibles et imaginables, la volonté est politique.

– Le débat de fond porte sur la volonté de Bruxelles : pêcher les quotas avec de nombreux petits navires ou avec 3 navires C’est un débat de fond, un choix politique…

– un choix de société… Parce qu’en définitive, il faut satisfaire le marché…

– En général, les dispositions des prud’homies étaient plus restrictives que la loi. Maintenant, la loi est devenue tellement dure que les prud’homies essaient d’assouplir leurs mesures…

– Quand la compétition est forte du fait du nombre de pêcheurs, la prud’homie fonctionne bien et prend du poids.

– Plus la prud’homie est forte, plus les concertations sont fréquentes et moins les difficultés sont grandes. Le contrôle extérieur est d’autant plus facile que les pêcheurs s’auto-contrôlent. Les deux sont nécessairement complémentaires.

– Dans le sens de l’auto-contrôle, il y a un exemple à  citer, celui de la Charte signée avec le Parc National de Port-Cros. Au début, le Parc voulait limiter le nombre de pêcheurs. On a dit : « Non, on ne limite pas le nombre de pêcheurs, on met un règlement de pêche et en fonction de cela qu’il y en ait 10, 15, 20 ou 25, ils pourront puiser dans la ressource sans dommage pour la ressource ‘. Ils ont fini par accepter. La première année, il y avait 10 pêcheurs. Maintenant il y en a 25. La fréquentation n’est pas plus forte pour autant. Principe de précaution : pour aller là , il faut demander… Pas de débordement au niveau fréquentation mais, dès qu’il y a eu plus de 15 pêcheurs, s’est mis en place un système d’autodiscipline. Dès qu’un pêcheur ne respectait pas la Charte, il se faisait tomber dessus par les autres. La réglementation prud’homale n’a de vigueur qu’à  partir du moment où il y a un certain nombre de pêcheurs. La gestion, c’est aussi d’avoir plus de pêcheurs car ainsi il y a un autocontrôle. La compétition fait la gestion.

– Quand une prud’homie fonctionne avec un auto-contrôle, il n’y a pas d’accidents, pas d’ennuis, pas de bruit. Quand ça marche, on n’en parle pas.

– Nécessité d’une approche transversale du fait de l’importance des projets territoriaux

– En PACA au moins, c’est indispensable d’intégrer la gestion de la pêcherie dans une approche transversale, et peut-être territoriale, pour 2 raisons :
d’une part, il y a une forte interdépendance de la pêche et des autres activités, d’autre part, à  très court terme la totalité du littoral sera couverte par des projets de territoire. Aujourd’hui, plus de la moitié est déjà  couverte et fonctionne plus ou moins bien (Parc régional de Camargue qui a une compétence jusqu’à  30 milles en mer, GIP sur l’Etang de Berre, Parc Marin de la Côte Bleue, GIP des Calanques avec une compétence en mer, projet en rade de Marseille piloté par la Commune et le CLP, Contrat de Baie de la rade de Toulon, projet à  La Ciotat, Observatoire du littoral des Maures, Parc de Port-Cros, projets de Contrats de Baie à  Cannes et à  Nice…)

Ce n’est plus par le biais d’une réglementation que sont régulés les usages mais par le biais d’une charte. L’approche à  la fois contractuelle, territoriale et multi-usages va peut-être prendre le pas.

– Question des moyens dont disposent les organisations professionnelles

– On demande aux pêcheurs de faire un travail de gestion et il faudrait qu’ils soient rémunérés comme un vrai travail et non par des subventions accordées, plus ou moins, selon les années. Si les pêcheurs s’arrêtent de travailler pour discuter autour d’une table d’un plan de gestion, ce temps doit être rémunéré.

– Question de la représentation française à  l’UE

La représentation professionnelle française en Méditerranée date du Moyen-âge. Lors de la réunion à  Bruxelles, on a vu l’importance des délégations grecques, espagnoles, italiennes…

– Vers un désengagement de l’Etat ?

– Il ne faut pas attendre de l’Etat et de l’Europe qu’ils mettent les moyens en place pour gérer le littoral, ça n’a jamais été fait et ça ne le sera pas. Déjà , les moyens de police sont limites. Tout ce qui est la gestion de projets, ce sont des structures de gestion qui sont toutes portées par les collectivités locales à  l’exception du Parc de Port-Cros qui est national. Ce sont les collectivités locales, en association avec les partenaires professionnels, qui vont gérer le littoral de plus en plus. Aujourd’hui, c’est plus de 60% du littoral PACA qui est concerné par ces projets, demain ce sera 100%. Et c’est cette structure de gestion-là  qui doit se doter des moyens de police.

Pour la bande côtière, je ne vois pas d’autres alternatives à  ce que la pêche s’implique fortement dans des projets de territoire. De toutes façons, ils se feront car c’est la nécessité pour la pêche mais aussi pour l’économie touristique, pour l’environnement en général, pour toutes les activités. Il y a une telle pression sur le littoral avec des enjeux économiques et écologiques immenses. C’est différent pour le Golfe du Lion. Je parle pour PACA…

– Nécessité d’une cohérence entre des actions locales et celles de plus grande envergure pour une représentation à  l’UE

Est-ce que ce serait possible de créer une coordination pour un développement durable de la pêche en Méditerranée ou quelque chose comme cela ? Tous ceux qui voudraient en faire partie le pourraient : prud’homies, comités locaux, régionaux, individus… avec un tarif adapté aux structures et aux individus. Il faudrait avoir un secrétaire financé avec des aides de l’Etat.

– Les grands bateaux dans la rade d’hyères : les limites des systèmes de gestion face à  la pression d’intérêts économiques

– La rade d’Hyères est un vrai contre-exemple. Là , il y a le Parc national de Port-Cros, plus les 3 caps qui sont propriété du Conservatoire du littoral, l’étang des Pesquiers avec les Salins du Midi, Natura 2000, la pêche, la plaisance et ensuite cette fameuse affaire de gros navires qui viennent mouiller… L’enjeu économique n’a plus rien de durable. La durabilité, on s’assoit dessus… Dans la rade d’Hyères, Bruxelles veut interdire la dizaine de ganguis qui y travaillent pour « sauver l’herbier ‘. Dans le même temps, il y a 40 escales de navires de 80 – 100 – 120 m qui vont faire des trous grands comme l’ensemble des tables dans l’herbier, soit 40 trous. Et ce depuis 4 ans, soit 160 trous… Dans toute la zone, on aura créé un beau trou à  la place de l’herbier mais cela on n’en parle pas car cela se passe sous la mer. Plus les rejets de ces navires… On se triture les méninges pour essayer de gagner du terrain par petits bouts et à  côté de cela il y a d’énormes machines qui viennent balayer nos efforts et qui continuent le développement non-durable. Que fait-on ? Pourtant, autour, il y a tous les acteurs concernés par l’environnement. Au mois de juillet, on attend les mesures techniques : « raison politique ‘. Peut-être nous supprimera t-on les ganguis : 15 bateaux. Après tout le monde continuera à  faire n’importe quoi sans plus personne pour dénoncer. L’anarchie totale…

Une piste pourrait être un article du Droit français, du Code civil qui prévoit que quand quelqu’un cause une déprédation et qu’il cause un tort à  quelqu’un, il a obligation de réparation. S’il y a une menace pour la Chambre de commerce de payer une indemnisation énorme, elle arrêtera le processus. Encore faut-il avoir les moyens de payer un avocat… Nous n’avons pas les moyens de le faire. Cela montre les disproportions totales entre les mesures que l’on peut prendre contre un corps de métier donné (pêcheurs, loueur de pédalos…) et ceux qui viennent de l’extérieur, avec des systèmes internationaux, et qui balaient toutes les questions sans que personne ne dise rien. C’est un vrai pouvoir démobilisateur.

– Dans la rade d’Hyères, il y a des bateaux qui mouillent à  Port-Cros, d’autres à  Porquerolles et ils passent d’une île à  l’autre. Ils jettent tous leurs poubelles que les ganguis récupèrent. S’il n’y avait pas de ganguis dans la rade, on pourrait aller de Porquerolles à  Port-Cros à  pied !

– Les maîtres-mots : coordination – information – représentation – légitimité

– j’essaye de faire une synthèse avec les points importants : coordination, information, représentation, légitimité… Avez-vous un site web, un courriel pour faire circuler l’information ? Ne serait-ce pas le moment d’organiser la circulation de l’information, vous cotiser pour mettre en place ce site web et ce courriel ? A partir de cette information, c’est une force qui peut grandir.

– Le système français de centralisation déresponsabilise les gens au niveau de la base. à‡a devient impossible pour un petit groupe d’individus de lutter face à  la machine centrale. Ce rôle dominant de l’Etat n’existe pas dans les autres pays méditerranéens. Ce qui m’étonne c’est que les gens qui représentent l’Etat disent : « Non, l’Etat n’a rien à  voir dans la gestion des pêches, on n’a plus de moyens et nos budgets sont coupés ‘.

– Dans ma vision du fonctionnement français, c’est l’Etat qui a un rôle dominant et la responsabilité. Ce qui explique pourquoi vous n’avez pas d’organisation… Par le passé, c’était l’Etat qui prenait les décisions, les réglementations… Alors, comme disait un vieux pêcheur québécois : « Si on s’organise pas, on va se faire organiser ! ‘ c’est ce qui est en train de vous arriver. C’est essentiel qu’à  court terme vous montiez une structure de représentation pour Bruxelles, c’est vital et inévitable. Le gouvernement français devrait appuyer cela, c’est une responsabilité nationale. Le système d’organisation est très découpé en France avec les comités locaux (10 en Bretagne), les prud’homies (33 en Méditerranée)… Il n’y a pas de structure qui regroupe cela de façon efficace et les comités comprennent l’ensemble de la structure (mareyeurs, OP, cultures marines…), ce qui affaiblit la structure de représentation des pêcheurs.

– Je me souviendrai toujours de la réunion à  laquelle j’ai participé avec vous au Ministère, où l’on avait rencontré la Chef de Cabinet. C’était une grosse délégation des prud’homies – les bretons étaient présents – on était une quinzaine autour de la table. On a soumis un projet, le projet pilote sur la mise en valeur des prud’homies comme formule de l’avenir. Il n’y a même pas eu un accusé de réception de ce projet du Ministère ! Chez nous, une chose comme cela serait inacceptable.

– la non-concertation est à  tous les niveaux : entre les pêcheurs mais aussi entre les différents acteurs (régions, Affaires maritimes, organisations non gouvernementales, Ifremer..). Chacun est un peu sur la réserve et se sent attaqué souvent sur les différentes questions. On devrait plutôt mettre en commun les idées qui sont là , échanger plus souvent…

– Les prud’hommes n’ont aucun moyen de travailler et souvent, même, paient de leurs deniers. Toute la pêche, ici, fonctionne comme cela. Quand j’ai rencontré les dirigeants des syndicats italiens, je pensais rencontrer des pêcheurs. Non, ce sont des anthropologues, des économistes, des universitaires qui sont employés et qui ont derrière eux des bureaux et des milliers de gens qui cotisent.

– L’on pourrait mettre en place un échange entre les observations que font les professionnels tous les jours sur le terrain, et Ifremer. Même si ce n’est pas traité, aujourd’hui, sur le plan scientifique mais dans 5 ans…

Publié dans La prud'homie | Commentaires fermés sur Il y a près de 6 ans, première table ronde réunissant pêcheurs, environnementalistes, politiques, administratifs et scientifiques sur la gestion des pêches