« Pêcheurs du monde ‘ Festival 2008 de films à  Lorient

Gros plan sur des mains de pêcheurs, une voix légèrement rocailleuse et douce à  la fois
(Interventions lors du débat sur le film Le pêcheur de Port-Blanc de Roland Michon)

– Je n’aurais pas pu filmer dans une langue qui n’était pas sa langue maternelle, le breton

– Mes parents m’ont mis à  la pêche quand j’avais 14 ans. Mon patron j’s’rais allé au bout du monde avec lui… Quand j’ai commencé, on avait la montre et une boussole, on sondait le fond avec une boule de suif, j’ai eu la chance de tomber sur un patron pêcheur qui connaissait tout jusqu’au Portugal j’ai passé 12 à  14h à  l’avant à  écouter les cargos, aujourd’hui il y a le radar

– J’suis p’t’être buté mais je crois que l’Europe a trompé beaucoup de monde on s’attendait pas à  être piégé comme ça, les pêcheurs ont été piégés par l’Europe 2

Débat sur le film

– Quand l’Europe a-t-elle eu un impact négatif, lors de la modernisation et du financement des bateaux ou quelques années plus tard quand il a fallu casser des bateaux ?

(Ah oui, j’avais oublié qu’avant de détruire en masse des bateaux, l’Europe et l’Etat avaient financé des unités toujours plus grandes, plus puissantesAprès aussi d’ailleurs).

– Quand il a fallu casser des bateaux pour réinvestir. Les gros armements ont eu leur part de gâteau

Les systèmes passent impassibles à  la souffrance… ([In Le bateau de Gaêlle de Philippe Lubliner)]

– Au pire, j’crois j’suis capable d’aller jusqu’à  60 ans plutôt qu’ d’casser le bateau Ce serait l’ultime recours. Le plan d’casse vraiment Quand on donne à  un gars un bateau neuf, c’est qu’on y croît. La pelleteuse, c’est vicieux. Les bateaux d’occasion on les a payés très chers pour y mettre la pelleteuse C’est pas des gens qui gèrent qui ont décidé ça.

– On dépend entièrement du bateau, tout est dans l’bateau, c’est la pièce maîtresse de la famille qui prend notre temps, qui décide du repos, c’est plus un membre de la famille, c’est lui l’incontournable

– T’imagine les gars qui ont construit ce bateau-là  ? Chaque bateau, ce serait une pièce unique

Mythe industriel, course en avant de l’innovation technologique, question d’organisation professionnelle ?(Interventions lors du débat sur le film Le pêcheur de Port-Blanc de Roland Michon)

– Avec les nouvelles technologies, le poisson ne peut plus se cacher

– Plus personne ne veut retourner à  l’âge de guerre, avant le GPS (global positionner system).

– Avec l’apport des nouvelles technologies doit-on reconnaître certaines erreurs ?

– J’ai connu les 3 milles, les 6 milles, les 12 milles([Evolution des limites territoriales françaises.)] Revenir en arrière ? Non. Si les pêcheurs s’entendent bien, ils vont réussir à  garder un peu de leur richesse, comme dans le cas de la langoustine ou de la coquille Saint-Jacques. On a su gérer notre or : la coquille Saint-Jacques. Les pêcheurs font des efforts par rapport au maillage, à  la sélectivité. On n’a plus droit aux filets dans les casiers parce que là  c’est une prison pour les juvéniles ; avant, ces rejets, c’était pour les oiseaux.

Pari de la gestion de la ressource que tentent les pêcheurs de langoustines du Golfe de Gascogne, que réussissent les pêcheurs de coquilles Saint-Jacques, que perpétuent les pêcheurs et prud’hommes méditerranéens quand ils sont convaincus de l’efficacité de cet héritage

Un avenir à  faible visibilité où se profilent de grands intérêts, voire des volontés hégémoniques sur la ressource
([Interventions lors du débat sur le film « Face à  la tempête ‘ de Charles Menzies)]

Film
– C’est un crime de lèse océan… tu as des quotas de sole ou de merlu qui peuvent être achetés par des investisseurs ce sont des achats sur les capacités de pêcheur, cela entraîne une surenchère sur les bateaux. Trois ou quatre grands groupements d’armements privatisent la mer, l’océan, le vivant Tout ce fourmillement, y aura plus cette culture ce qui fait St Guénolé On a laissé les industriels et les investisseurs s’approprier la mer ([In « Le bateau de Gaêlle ‘ de Philippe Lubliner, Gaêlle fait référence au système des Quotas Individuels Transmissibles (QIT))]

– On assiste à  la pression de certains courants environnementalistes et penseurs radicaux sur la grande distribution pour ne plus vendre que des produits de la mer certifiés par des labels comme MSC (Marine Stewardship Council) Aux Pays-Bas, la distribution a demandé que toutes les productions soient certifiées MSC Quelle est la parole des pêcheurs là -dedans ?

– Y a-t-il quelqu’un qui veut mettre la main sur la pêche, comme Monsanto sur les semences ?

– Peut-on faire confiance à  une marque privée, un lobby qui a fait échouer un lobby européen pour le seul écolabel crédible au titre du code de la FAO pour une pêche durable ?

– Lors de la conférence organisée par l’Alliance des produits de la mer([Seafood Choices Alliance (http://www.seafoodchoices.com/enfrancais.php)
)
], les pêcheurs islandais étaient très en colère contre MSC qui impose aux petits pêcheurs des contraintes pour entrer sur certains marchés sur lesquels ils étaient déjà  Sans compter le problème du prix du label accessible surtout aux grands groupes.

– Se contenter d’un label privé sur lequel on n’a aucune maîtrise, c’est dangereux. C’est différent d’une démarche entreprise par les pêcheurs artisans.

– Vu comme ça, le pêcheur subit : la demande, MSC, les environnementalistes, la mondialisation Qu’est ce qui nous empêche de mettre en place des critères équivalents au MSC ? Il faut aussi que les pratiques changent sur le terrain , qu’il y ait une baisse des prises accessoires et des petites langoustines, c’est un combat permanent ! MSC ou autre, c’est un aboutissement et non une contrainte. Personne ne parle du travail extrêmement long pour faire changer les esprits, pour que les pratiques et les cultures changent et si possible pas dans la douleur. Si quelque part, tu ne montres pas l’intérêt de changer des pratiques, sans que ce soit trop imposé de l’extérieur, avec un gain au bout pour vivre sur un territoire

– C’est un problème de confiance ?

– Aujourd’hui, c’est le principal problème.

Un avenir à  faible visibilité face à  des intérêts « conservationnistes ‘ qui n’hésitent pas à  une mainmise forcée sur des zones maritimes pour préserver des espèces. Dans certains cas, la création d’aires marines protégées (comme celle de réserves terrestres) exclut les populations qui vivent de ces territoires. C’est une vision très parcellaire de l’environnement et des liens entre l’homme et la nature, les résultats sont peu concluants et les expériences souvent malheureuses pour les villages, les communautés de pêcheurs, les modes de vie ([Interventions lors du débat sur le film « Le droit de survivre » de Rita Banerji et Shilpi Sharma)]

Film

– Veut-on protéger les hommes ou la nature ? Je viens d’une bourgade de l’Amazonie : on a toujours vécu avec les animaux, pourquoi on a besoin d’aller loin des animaux ?… Chez nous, le projet Ford a enlevé la moitié des cultures vivrières. La ville était en pleine expansion et offrait des alternatives mais les populations locales ont aussi leurs intérêts. Mes parents n’avaient pas envie de richesses, d’indemnités. Peut-être ces gens là  sont très bien dans leur vie avec leur nature. En Amazonie, on fait souvent la cueillette mais quand Ford a privatisé, on pouvait plus rentrer sur ces territoires, à  cause de la culture de l’eucalyptus. Dans les années 80, ils ont jamais pensé à  nous, on rêve de vivre correctement et non d’accéder à  tout ce qu’ont les gens du nord

– Veut-on un rêve d’un paradis qui n’a jamais existé ? J’ai jamais vu la forêt sans hommes. Les hommes ont façonné la forêt comme la forêt a façonné l’homme

– Les ONG, souvent à  l’origine de ces projets, doivent collecter des fonds. Elles se réfèrent à  un marché d’images de marque même si cela suppose d’instrumentaliser des gens, des territoires

– Les mesures simplistes et radicales d’interdiction de techniques de pêche, de boycott d’espèces, d’implantation forcée d’aires marines protégées mettent en danger les pêcheries artisanales, celles qui s’avèrent les plus durables. Ces pêcheries doivent pouvoir communiquer  » c’est l’un des intérêts de ce festival – pour préserver leurs conditions d’avenir.

– En Méditerranée, il y a plusieurs cas d’aires marines protégées créées à  l’initiative des pêcheurs ou gérées avec leur coopération. Pourtant le concept n’est pas généralisable, certains territoires prud’homaux sont trop exigus (absence de plateau continental) pour envisager une réserve, c’est alors la pratique alternative de métiers sélectifs qui permet de laisser reposer les espèces ou les zones

Quel espoir pour les jeunes, dans la pêche, dans l’économie locale ?([Interventions lors du débat sur le film « Barcelone ou la mort ‘ d’Idrissa Guiro)]

– Nous ne sommes pas patrons – pêcheurs dans l’âme En tant que matelot, le métier n’apporte plus trop de surprise. La planète, elle tourne à  côté([ In « Le bateau de Gaêlle ‘ de Philippe Lubliner)]

– On est pessimiste car on trouve de moins en moins de matelots. Quelquefois les bateaux restent à  quai par manque de matelots. On espère trouver un repreneur quand mon mari partira à  la retraite (Intervention de la femme du pêcheur filmé lors du débat sur le film « Que diable allait-il faire ? ‘ de Jacques Losay)

– Les enfants sénégalais sont partis pour l’espoir qu’ils n’ont pas chez eux. Il y a la sècheresse, les gens de l’est ou de l’ouest viennent sur la côte. Dans les villages de pêcheurs, y a la pêche et rien d’autre : l’école ou la pêche, et la mer n’a plus de poissons. Cette situation-là  oblige à  l’émigration clandestine. Certains enfants, leurs parents ne sont pas d’accord, d’autres, les parents les aident. En Europe, ils peuvent aider leur famille et travailler pour eux aussi.

– A 20-25 ans, on rêve dans tous les cas de construire quelque chose, d’avoir une famille Au Sénégal aujourd’hui, il n’y a pas d’offre de rêve pour se projeter à  l’extérieur. Le nouveau gouvernement a suscité de l’espoir chez les jeunes mais cela n’a pas suivi Il y a des accords de pêche mais l’argent n’arrive pas aux pêcheurs. Le dernier accord de pêche n’a pas été reconduit. Quand on n’a rien on espère, même si l’on sait que la vie n’est pas facile en Europe. Le départ se fait à  perte pour la pirogue. On a misé sur ceux qui partent, c’est un investissement sur l’avenir mais on ne gagne pas toujours Quand on est un jeune au Sénégal, c’est compliqué.

– Avec les accords de partenariat, les bateaux viennent pêcher tous nos produits. Pêche de subsistance ou pêche d’intérêt économique, ce n’est pas la même chose. Le partenariat ne revient pas à  la communauté. Il faut passer le film dans les réalités ouest africaines, qu’il puisse y avoir un effet sur le gouvernement et sur la jeunesse….

– Il y a un verrouillage militaire de l’espace maritime autour de l’Union Européenne et une pression sur les pays concernés par l’émigration clandestine mais peu d’action pour des solutions de développement. On développe la migration sélective pour faire venir des cadres. C’est une contradiction car les accords de partenariat entraînent la baisse du développement là -bas. Non seulement le problème de la ressource n’est pas traité pour les Africains, mais la seule réponse de l’Union Européenne est militaire et oppressive.

– Le bonheur peut se trouver partout. Dans le film la mère a parlé : « J’ai élevé mes enfants sans l’aide de quelqu’un ‘. Il y a aussi le rêve du départ pour trouver une vie facile

Autant de vies particulières proches de la nature

– D’une année sur l’autre, on pense qu’il y a plus d’une espèce et 3 à  4 ans après y en a plein, comme l’araignée par exemple. Subitement y en a eu plein, à  en avoir de trop même !

– Les temps ont changé, on n’a plus de saison pour que le poisson vienne pondre à  la côte, avec la couche d’ozone on n’a plus d’hiver, l’eau est chaude, le poisson ne migre plus pareil.

– Le temps est en train d’virer faudra pas rater le coup des Glénans, il fait un froid sibérien.([ In « Le bateau de Gaêlle ‘ de Philippe Lubliner)]

– Il fallait trouver des lançons pour pêcher du bar, ils se baladaient sous l’eau et Aimé disait : « Non on va par là , là  y a du sable, là  de la roche ‘ comme le paysan lisait le paysage, je voyais que de l’eau, lui lisait le courant, les fonds On va perdre la dimension culturelle qui part avec la pêche et la dimension écologique, c’est un savoir qui appartient à  l’humanité.

– Il est nécessaire de collecter l’information auprès des vieux pêcheurs pour les générations futures, valoriser les connaissances traditionnelles

Film


marquées par le courage la solidarité :
([Interventions lors du débat sur le film Le Mbissa de Alexis Fifis et Cécile Walter (concerne la société rurale Serrer Niominka au Sénégal) et lors du débat sur le film « Hommes sur le bord ‘ de Avner Faingulernt et Macabit Abramzon
)
]

– Les conditions de travail sont difficiles pour ces femmes du Sénégal qui pêchent les coquillages. Il y a des obstacles dans la mer et les femmes travaillent pieds nus et mains nues.

– J’ai eu un engouement pour ces femmes, elles font un travail admirable. Elles doivent pêcher, porter entre 30 à  40 kg, faire cuire, séparer la coquille, faire sécher Les hommes partaient pour de longues périodes de pêche et c’est elles qui se chargeaient de l’éducation des enfants, elles ont fait arriver le gaz dans le village pour éviter la corvée de bois, elles ont créé une coopérative pour acheter les fournitures moins chères

– Ce rapport à  la mer permet de construire de nouveaux liens. Sur ces bateaux de pêche, où sont réunis des pêcheurs palestiniens et israéliens, à  la frontière entre Gaza et Israêl, il y a une solidarité de ceux qui sont unis contre les éléments, comme à  la guerre

– Un matin, nous avons vu une vingtaine de bateaux qui passaient la barre, et quelque chose de vraiment spécial : une cabane et un bus, un mélange d’arabe et d’hébreu, un nouveau « cosmos ‘ peut-être. Israêl pourra un jour être comme cela. Ce que nous avons vu dans le film, c’est juste un peu d’espoir. On a seulement senti que c’était un petit microcosme de ce qui pouvait se passer. Sur la plage, on se sentait dans un petit monde à  part


Autant de vies particulières
([ In « Le bateau de Gaêlle ‘ de Philippe Lubliner)]

– On laisse le savoir faire inutilisé. Avant quand tous les bateaux sortaient, ça faisait comme une ville de lumière sur l’eau, c’était autant de vies particulières

– J’ai commencé l’année de l’ouragan On faisait la palangre à  mains nues, le bateau était pas couvert, on n’avait pas de gants ; tellement j’avais les mains percées, ma mère qui venait m’aider pour les enfants, me coupait ma viande !

– Lui, il aime traquer le poisson, il y pense tout le temps, il projette pour la nuit prochaine, le mois suivant, l’année prochaine ce qu’il va faire, il est encore dans la chasse au trésor, la traque, ça implique toute la famille

– à‡a entraîne tout l’ monde dans sa charrette

– C’est comme un cheval sauvage, il s’emballe

– Moi, ça m’a pris en un jour, j’avais plus envie, j’avais plus la niaque. Ca fait trois ans et demi que j’ai stoppé, j’ai pas trouvé l’sommeil, je rêve encore, j’suis en mer et j’rachète le bateau, ça doit manquer quelque part Au début, c’était bordée sur bordée, j’allais chercher l’pain, j’mettais 3h !

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Un bateau pour ramasser les algues vertes de l’Etang de Berre

Photo Jean-Claude Bourgault
Aujourd’hui, la Durance coule 4 fois moins qu’avant. Là  on retrouve les coquillages, il y a des moules il reprend un caractère marin. Le seul
problème qu’il y a maintenant c’est qu’il y a des méduses et des algues

On se rend compte qu’il y a moins d’eau douce dans l’Etang de Berre et il ne s’en porte que mieux. Mais comme l’étang a été enrichi pendant des années avec des nitrates et des phosphates, aujourd’hui il y a une prolifération d’algues marines, des algues vertes. Pour les algues, nous avons monté un dossier et fait faire les plans d’un bateau pour les récupérer. La Coordination serait maître d’œuvre et fournirait les équipages. La Région ou le Département achèterait les équipements. Les algues sont aspirées et stockées dans des bacs à  claires-voies. Comme c’est un plat-pont, l’eau repart immédiatement à  la mer et les algues sont déchargées par cette grue. C’est un catamaran avec une propulsion hydraulique et une hélice qui monte et qui descend. Deux pieds qui fixent l’appareil. Ca fait 8m par 4m de large

* Jean-Claude Bourgault, patron pêcheur à  Port de Bouc

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Etang de Berre : la longue et heureuse bataille juridique des pêcheurs

Photo Jean-Claude BourgaultLa loi du 5 janvier 1955 prévoit le détournement de l’eau de la Durance dans l’Etang de Berre pour l’aménagement Durance-Verdon. La centrale EDF de Saint-Chamas, l’une des 18 centrales du dispositif, est mise en service en 1966. Les rejets massifs et intermittents (3,6 milliards de m3/an) d’eau douce et de limons provoquent des variations extrêmes et brutales de la salinité ; la plupart des poissons, micro-organismes, algues et plantes ne les supportent pas. De plus, la superposition des couches d’eau, douce en surface, salée en profondeur, fait barrage à  la pénétration de l’oxygène et donc à  la vie. L’envasement des fonds par les limons, couche après couche, les asphyxie

Un âge d’or fugace

«Ce que j’ai vu en 30 ans à  la pêche, c’est un malheur, c’est un malheur ce qui arrive aux pêcheurs, les pêcheurs avant c’était des notables et aujourd’hui

En 1968/69, les anguilles c’était l’or vert, c’était quelque chose ! Y a toujours eu des anguilles dans l’Etang de Berre mais, en 1966, il y a eu le détournement d’un bras de la Durance dans l’étang et c’est la Durance, en modifiant le milieu, qui a fait que ces anguilles étaient chassées régulièrement d’un endroit ou l’autre de l’étang. Le fond travaillait ; à  ce moment-là  tu avais un grand déplacement d’anguilles et tu en prenais des tonnes. Ca a duré des années

Au début des années 50, il y a eu plusieurs fois des pollutions au mazout dans l’étang. La prud’homie demandait régulièrement des indemnisations et cela a abouti, en 1957, à  la loi d’interdiction de pêche dans l’étang avec une indemnisation totale des pêcheurs. Beaucoup ont arrêté, et d’autres ont refusé, préférant continuer encore 10 ans. En 1969, la pêche devait s’arrêter totalement.

Photo Alain Ponchon

Il y a eu ce boom d’anguilles, l’anguille était un poisson de fond, il n’était pas mazouté et en plus on le pêchait vivant ; on le mettait dans des bassins, il était comestible et de très bonne qualité. Pourquoi arrêter une pêche rentable qui n’a rien à  voir avec le mazout ? Des pêcheurs sont venus de partout, il y en avait 600 à  700, c’était vraiment une activité importante. L’administration nous armait les rôles et on travaillait. Dès les années 1970/75, avec Daniel Campiano, on a commencé à  se rendre compte que l’étang était malade, et on a commencé à  mener des petits mouvements. En 1989, il ne restait plus qu’une centaine de pêcheurs qui travaillait dans l’étang.

Des manifestations aux actions juridiques

Pour restaurer l’étang, on s’est fié à  la première sécheresse de 1989 pendant laquelle les rejets d’eau douce étaient réduits. A cette époque, les poissons étaient revenus. Le volume déversé annuellement était 3 fois celui de l’étang. L’étang qui était salé comme la mer a vu sa salinité chuter. C’était plus des espèces marines qui le peuplaient. En 1989, on a créé la Coordination des pêcheurs et c’est à  ce moment- là  qu’a commencé la bataille juridique. On avait organisé une manifestation devant EDF, et ce jour-là  on a eu la surprise de voir arriver des associations, des élus, et des candidats aux élections municipales A partir de là  on a senti un mouvement populaire, on a fait d’autres manifestations, déposé des plaintes devant le TGI à  Marseille qui n’ont jamais abouties. Chaque fois on était débouté, donc c’était pas la bonne méthode et nous, ça nous coà’tait des sous. Au début, on a financé, nous les pêcheurs. On s’est fait un peu sponsoriser par les commerçants, puis la Mairie, le Conseil Général

En 94 on a pu faire abroger la loi de 1957 de l’interdiction de pêche. Après, notre nouvel avocat a imaginé une procédure pour contraindre EDF à  venir au tribunal. Il a porté plainte pour voie de fait et pollution massive de l’étang. Là  on avait gagné en partie, EDF n’a pas été condamnée mais on a obtenu un éclairage nouveau sur la procédure de l’étang à  savoir qu’EDF n’avait pas d’autorisations de rejeter dans ce milieu. EDF avait une autorisation pour construire la centrale mais non pour les rejets. On s’est engouffré là -dedans et on a alors commencé la procédure au niveau européen pour non respect de la Convention de Barcelone et du protocole d’Athènes.

Photo E. Tempier

En même temps qu’on a attaqué EDF au niveau européen, la procédure continuait à  Marseille, on l’a pris en tenaille. Le TGI de Marseille a admis le bien-fondé et la régularité de la plainte mais devant le caractère gravissime des décisions à  prendre concernant la production électrique, il n’a pas pris de décision. On a fait appel, et le juge a aussi botté en touche. On est allé en cassation. Chaque fois, on disait : « Si vous n’êtes pas sà’rs de l’application des directives européennes, interrogez l’Europe ‘, ce qu’a fait la cour de cassation dans un renvoi préjudiciel auprès de la Cour de Justice européenne. Celle-ci a dit : « EDF doit se conformer à  la convention de Barcelone et au protocole d’Athènes, donc EDF est en infraction pour telles et telles raisons ‘ ce qui a conduit à  la condamnation de la France.

EDF a du réduire les rejets des 2/3. La cour de cassation a pris acte que c’était applicable, et au lieu de juger en dernier ressort, elle nous a renvoyé devant la Cour d’Appel de Lyon qui a encore botté en touche parce que c’était trop compliqué. C’était reparti en cassation et finalement on a trouvé un accord avec EDF. N’importe comment la réduction a été imposée par l’Europe’ *

Entretien avec Jean-Claude Bourgault, ancien Prud’homme de l’Etang de Berre (Prud’homie de Martigues), Coordination des Pêcheurs de l’Etang de Berre et de sa région.

Photo André Barbotin
Daniel, c’était l’associé de mon beau-père à  la pêche, c’était un personnage ! On s’entendait bien tous les deux, lui était président, moi vice-président. Je faisais les manifestations et lui, il assumait. Il a été prud’homme pendant des années. Il s’était rendu compte que pour sauver l’Etang de Berre il n’y avait que la voie juridique et qu’il fallait remonter au niveau européen. C’est lui qui nous a ouvert les contacts. Malheureusement il est décédé en 97 et les procédures ont démarré en 98. J’ai mené à  bien les procédures mais c’est lui qui les a initiées. C’était un Berrois, d’une vieille famille d’ici. Les poissons, il les pêchait…. Donc il m’a transmis le flambeau. C’était le curé des pêcheurs, il a baptisé mes enfants puis mes petits enfants, un curé de gauche !
C’était une mauvaise blague de partir comme ça parce que ça n’a pas été évident.
Tant qu’il a été là , Daniel, on avait les sous, les politiques

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Le label bio en aquaculture marine

Photo Philippe Joachim

En France, le label AB suppose le respect d’un cahier des charges fixant toute une série de conditions sur l’origine des animaux, les installations, le site, l’alimentation, la prophylaxie et les soins vétérinaires, les manipulations, le transport, l’abattage, l’identification des produits, le contrôle ( voir http://www.qualite-france.com/ ).

Le label européen est en préparation et suppose de concilier, d’une part, la hiérarchisation des priorités sur le respect de l’animal, de l’environnement ou du consommateur qui diffère selon les pays, d’autre part, les processus d’élaboration. Par exemple, en Angleterre, la définition du cahier des charges est laissé aux organismes certificateurs privés et les compromis se font en aval alors qu’en France les compromis se font en amont et débouche sur un cadre clairement défini, même s’il est susceptible d’évolution par la suite.

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L’élevage de poissons en chiffres

Photo Alain Ponchon
Sur une production mondiale de 140 Mt (millions de tonnes) de poissons, la part de la pêche est de 100 Mt (répartis en 60 Mt pour la consommation humaine directe, 30 Mt pour la pêche minotière, 10 Mt de rejets) et celle de la production aquacole de 40 Mt (29%). Alors que les apports de la pêche sont en régression, ceux de l’aquaculture augmentent. L’élevage aquacole est composé en majorité (87% ou 35 Mt) d’espèces continentales principalement herbivores (carpes d’Asie) et d’une part moindre, mais en forte progression, d’espèces marines telles que saumons, bars, daurades, turbots (9% ou 3,6 Mt). L’élevage aquacole (essentiellement les 3,6 Mt de poissons marins auxquels il faut ajouter les crevettes) consomme, en farine et huile de poissons, 15 Mt issues de la pêche minotière (anchois, sardines, maquereaux, merlan, lançon, sprat, tacaud). L’autre moitié de cette pêche (15 Mt) sert à  nourrir poulets, porcs, chats et chiens

L’avenir de la filière aquacole reste à  construire : estimation de l’impact sur la chaîne alimentaire de la capture à  grande échelle de petits pélagiques hauturiers (pêche minotière) ; valorisation des rejets (≈ 10Mt) ; développement de la production d’algues à  rendement élevé, ce qui contribuerait à  la réduction de la consommation en
farines, huiles de poissons et céréales des fermes aquacoles ; respect des communautés artisanales de pêcheurs ; limitation des impacts sur l’environnement ; réduction de la pollution et des maladies, qualité des produits

L’aquaculture marine ? A une échelle artisanale, respectueuse des marchés, des produits et de l’environnement : oui.
Intensive et destructrice des ressources sauvages, des écosystèmes, des communautés de pêcheurs : non.

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Une aquaculture biologique artisanale : une démarche exemplaire au sein d’une filière discutable

Photo : Provence Aquaculture

L’aquaculture marine telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui a 15 ans. Quand on s’est lancé là -dedans, on était tous des joyeux idéalistes et on pensait qu’on allait sauver la planète de la faim dans le monde. Dix ans plus tard, avec l’histoire de la vache folle, nous étions montrés du doigt comme de dangereux pollueurs, voire empoisonneurs Un mauvais procès. C’était trop irrationnel pour un aquaculteur de donner de la farine animale terrestre à  des poissons marins, le taux de transformation d’une farine de viande est si mauvais que cela revient à  gâcher de l’argent

Aujourd’hui l’aquaculture n’est pas une réponse à  la diminution de la ressource marine, c’est du management de ressources. Il faut 3,2 kg de poisson frais sauvage pour faire 1 kg de poisson d’élevage. En 15 ans, on a divisé par 2 la quantité de farine de poissons. On pense que dans les 10 ans qui viennent, on arrivera à  1 pour 10. On remplace par des végétaux, soit terrestres, soit marins. L’avenir c’est sà’rement de cultiver des algues. Ce qui est en cours aujourd’hui c’est la réutilisation des sous-produits de la transformation de poissons pour les réintégrer dans les farines, dans la mesure où l’on a une véritable traçabilité sur les espèces pour éviter le cannibalisme ou la pollution. En bio, il y a 30% minimum de céréales issues de l’agriculture biologique, on se retrouve en compétition directe avec l’alimentation humaine sur les céréales, ce qui pose problème. Notre farine vient d’Amérique du Nord (Chili, Pérou), la farine d’Afrique a trop d’urée du fait des procédés de fabrication, celle d’Europe du Nord est chargée en dioxine, métaux lourds

Dans le domaine marin, il faut changer de perspective : l’aquaculture occupe 200 fois moins d’espace que l’élevage terrestre pour la même productivité tout en conservant des densités proches de la nature. En France, sur 20 ha on produit 6000 t de poissons. La totalité de l’aquaculture marine française tiendrait dans le vieux port de Marseille ! La biomasse du krill dans les zones arctiques ou antarctiques c’est 10 fois la biomasse totale terrestre. On ne parle pas des mêmes échelles.
Photo Provence Aquaculture

Les cycles marins sont 10 à  20 fois ceux des cycles terrestres mais ils sont très variables. Dans la pyramide alimentaire terrestre, 96% du volume de la pyramide est constitué de végétaux. Dans le milieu marin, les carnivores prédominent.

Le choix des espèces dépend de leur capacité de métabolisation, les poissons en haut de la chaîne alimentaire sont souvent plus rentables que les autres. Le mulet qui est omnivore transforme mal l’aliment quel qu’il soit

Ce qu’on voit, c’est la récupération des valeurs du bio dans l’industrie parce que ce sont des valeurs porteuses commercialement. On peut espérer que les standards du bio aujourd’hui seront les standards du conventionnel demain. La production bio constituera toujours entre 5 à  10% des volumes pour des raisons de marché. Là  où l’on aura gagné c’est que l’on aura lancé des procédures de travail qui seront reprises dans le conventionnel. Par exemple, la diminution de farine de poissons dans l’alimentation c’est dans la logique industrielle de demain, l’absence d’utilisation d’antibiotiques déjà  effective en France d’après les tests effectués récemment

Implantée en 1989 à  titre expérimental, la ferme occupe 2,2 ha avec une concession jusqu’en 2035. En moyenne, il y a 3000 poissons qui s’évadent par an. On tient à  ce que ce soit des poissons issus de poissons sauvages pour éviter les risques de pollution génétique du milieu D’après les analyses sur le milieu, l’impact de la ferme est limité à  la zone de production (l’azote rejeté par la ferme se confond à  la quantité d’azote du Golfe de Marseille à  60m de la ferme), il est non cumulatif et réversible. La zone est classée A : zone propre.

Y a 5000 ans d’histoire de Marseille dans cette calanque, y a un site proto-chrétien, les armées de César qui se sont arrêtés là  avant d’aller nous mettre sur la gueule à  nous les Marseillais Il s’en est passé des choses ici, c’était un des rares ports naturellement protégés du mistral. La digue date de 1720, il rentrait 35 galères à  l’époque des grandes épidémies.

Les données quantitatives représentent des ordres de grandeur non des valeurs absolues.

* Entretien avec Emmanuel Briquet, Directeur de Provence Aquaculture

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Les pesticides sont largement présents dans les rivières et les nappes d’eau

Les eaux brutes superficielles et souterraines restent largement contaminées par les pesticides, utilisés principalement pour améliorer les rendements agricoles.
En 2004, sur les 607 points de mesure de la qualité des rivières, la présence de pesticides a été relevée dans 96 % des cas. La qualité de l’eau est jugée « moyenne à  mauvaise » dans 49 % des cas, ce qui signifie que la vie des organismes aquatiques et la production d’eau potable sans traitement spécifique sont compromis. Pour les eaux souterraines, dont le renouvellement peut prendre des centaines d’années, des concentrations de pesticides sont relevées dans 61 % des échantillons. Dans 27 % des cas, la qualité est médiocre ou mauvaise.
La France est le troisième consommateur au monde d’insecticides, d’herbicides et de fongicides.
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L’équipe de rédaction

Christian Décugis, Directeur de Publication, Premier prud'homme de Saint-Raphaêl Elisabeth Tempier, rédactrice Beate Ketterl-Asch, illustratrice Philippe Joachim et Alain Ponchon, photographes - Association Bleue Passion

Mike Tommasi a remplacé Jean-Claude Hervé à  la maintenance du site et Christian Connaulte résoud les problèmes techniques qui surgissent au jour le jour.

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L’encre de mer n°14-15

Dans ce numéro : 14-15

Sommaire :

L’aquaculture biologique artisanale : l’élevage de loups et dorades au Frioul, une démarche exemplaire au sein d’une filière discutable

Etang de Berre : la longue et heureuse bataille juridique des pêcheurs

Un bateau pour ramasser les algues vertes dans l’étang

« Pêcheurs du monde » : festival de films à  Lorient

L’onde savoureuse : recettes pour le loup et la dorade

– Supplément :

* A propos de la Politique Commune des Pêches et de la thonaille : « Quand quelque chose marche bien quelque part, je ne vois pas l’intérêt de le bouleverser »

* Les films du festival

*Cantonnement du Cap Roux : renouvellement jusqu’en 2008 et campagne de marquage de sars

* L’implication des pêcheurs dans les AMP Méditerranéennes

* Le label bio en aquaculture marine

* L’élevage de poissons en chiffres

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Création d’un tableau de bord pour une gestion durable de l’espace maritime français

à€ travers l’élaboration d’un tableau de bord des mers et océans, le MEDAD adopte le principe de gestion concertée par écosystème du Comité opérationnel  »mer et littoral » du Grenelle de l’environnement.

à€ cette occasion, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER) et l’Agence des aires marines protégées viennent de signer une convention-cadre en vue de s’engager mutuellement pour 5 ans sur ce projet. Celle-ci permettra de faciliter et d’accélérer le développement d’un réseau d’aires marines protégées d’ici 2012…

Le tableau de bord consiste à  dresser l’état des lieux et assurer le suivi des eaux sous souveraineté française pour servir d’appui aux politiques publiques de gestion de l’espace marin. Il pourrait se décliner en trois aspects thématiques à  savoir les écosystèmes, le patrimoine naturel et les usages…

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